Le port du voile islamique et le « dangal » ( jeans serrés et moulants) :un mélange détonnant !?

Blogs

Le port du voile islamique et le « dangal » ( jeans serrés et moulants) :un mélange détonnant !?

Je dois préciser tout de go que mon intention, en écrivant ce papier, n’est pas de porter un quelconque jugement surun phénomène observable dans la société. Le motif principal qui m’a amené à vouloir réfléchir sur la question, c’est le besoin de comprendre. De comprendre uniquement, surtout que ce style vestimentaire de nos jeunes filles m’a toujours fasciné. Certaines étudiantes de l’ENTSS ne me démentiront pas !

Je me suis toujours amusé à poser cette question aux étudiantes portant le foulard islamique associé aux jeans mettant à découvert leur forme physique. La question que je leur servais tournait invariablement autour de cet axe : « Est-ce qu’il n’y a pas un brin de contradiction dans l’assortiment des habits que vous portez, autrement dit le port du voile islamique est il compatible avec un jean moulant qui vous révèle physiquement parlant ? »

Le moment de surprise et d’hésitation passé, certaines pouffent de rire avant d’ajouter : «  Cette façon de nous habiller est une manière de moderniser un peu les tenues islamiques. »La réponse est recevable mais je dois dire en toute honnêteté qu’elle n’étanchait pas ma soif de compréhension du dit phénomène .Et en matière de recherche, quand on a pas encore la ou les bonnes réponses, on doit poursuivre l’investigation jusqu’à cerner le fait social sous toutes ses facettes. Et c’est dans cet ordre d’idées que je suis allé à la rencontre de personnes sensées éclairer ma lanterne par rapport à ce phénomène qui je l’avoue, a toujours fait naître en moi un débat intérieur dont je n’avais pas toujours les bonnes réponses.

 Et comme en la matière, les bonnes réponses ne se donnent pas à voir ni à lire facilement, j’ai décidé d’interroger quelques personnes. Mais pas n’importe  pas n’importe lesquelles !Des personnes baignant dans un environnement moral, social, culturel assez ouvert et en phase avec les réalités de notre monde. Ce  qui  leur permet de voir clair dans certaines situations.

Pour Babacar Sow, menuisier ébéniste de son état, plus connu sous le nom de Baye et dont l’atelier se trouve à la rue 10, prés des cimetières de Pikine : « Beaucoup n’utilisent le voile que pour cacher une personnalité pas nette. Certaines l’utilisent tout juste pour tricher. Je vais te citer un cas dont je suis témoin oculaire. Quittant Rufisque pour rentrer à Pikine, je prenais place dans un bus Tata. Coup de chance, je trouvais une place assise. Au bout de quelque temps, une jeune dame vint s’asseoir à mes côtés. Elle était en mode voilée. Bien calée sur le fauteuil, elle ouvrit son sac à mains pour y faire ressortir une coiffure connue sous le nom de cheveux naturels qu’elle brossa rapidement pour l’enfiler ensuite. Apres cette opération, elle se débarrassa rapidement de son accoutrement à connotation religieuse. Cet exemple à lui seul montre que beaucoup l’utilisent tout juste pour tromper leur monde.

A la suite de Baye, son ami , Seydou Thiam qui fait office de menuisier-tapissier et dont  la fabrique est mitoyenne à celle de Baye de renchérir : « Grand, Madi, on trouve toujours des jeunes filles et des jeunes dames qui portent le voile et qui sont des modèles de sérieux. Par contre, y’en a pour qui le voile ne sert qu’à masquer certaines inconduites surtout que dans notre pays , nombreux sont ceux qui assimilent le voile à la chasteté et à la vertu. » 

 Le débat est posé !Et comme tel, chacun doit pouvoir dire ce qu’il sait du sujet en question. Je ne me déroberai pas à l’exercice. Et c’est pour vous entretenir d’une mésaventure arrivée à un chauffeur de taxi que j’ai pris comme ça au hasard et qui devait m’emmener quelque part dans Dakar. Ces derniers-les chauffeurs de taxi- en savent beaucoup sur les mœurs et autres travers de notre société. Les chercheurs sénégalais gagneraient à se rapprocher de cette catégorie de la population très au fait des turbulences sociétales.

Place maintenant au discours  de  ce chauffeur de taxi : « Je prenais une cliente pas très âgée pour une course. Elle prit place à mes côtés et engagea aussitôt une discussion fort intéressante avec moi. Arrivé à une station d’essence, je m’excusais auprès d’elle pour aller prier. Erreur capitale que je ne reproduirai plus le restant de ma vie. A mon retour et comme si de rien n’était, nous poursuivîmes la discussion. Au bout de cinq à dix minutes de route, elle me demanda de m’arrêter. Elle me paya la note qu’elle me devait et je poursuivis mes pérégrinations à travers les rues et ruelles de la capitale. Le pot aux roses ne fut découvert que  lorsque je devais la monnaie à un client. Je fouillais de fond en comble la voiture mais pas d’argent. La recette qui s’élevait à 37000 fcfa était partie en fumée par le fait d’une femme qui m’a abusé par son déguisement. »

Ces différents exemples peuvent pousser à penser en mal des voilées en général. Ce serait là une grave erreur d’autant que dans le milieu des voilées, on trouve plusieurs catégories. C’est ce que nous dit ce jeune et brillant sociologue en formation à l’ENTSS, Yaya Sylla : « Il faut noter qu’il y’a trois catégories de jeunes filles qui utilisent le foulard et de manière et d’objectifs différents. Il y’a une première catégorie que nous appelons les voilées authentiques qui se voilent  pour respecter les préceptes de l’islam et en même temps toutes les autres recommandations vestimentaires de la femme musulmane, c’est une minorité. La deuxième catégorie, que nous pouvons appeler les voilées modernes, appréhende le foulard comme une obligation chez la femme musulmane certes, mais elle est ancrée dans un modernisme touchant tous les domaines notamment la mode et conjugue certaines… « pratiques » religieuses à la mode. La dernière catégorie, les voilées conjoncturelles, considèrent le voile comme une coiffure à l’instar de la perruque ou le greffage, leur utilisation du foulard est liée à l’esthétique.

Cette catégorisation nous permet de délimiter la population qui utilise le foulard et qui concerne cette étude. En effet, la première catégorie  s’inscrit dans le respect et la pratique orthodoxe des recommandations de l’islam. Quant aux  deux autres catégories, elles fonctionnent sur  une tendance moderniste (occidentaliste). Le paradoxe observé dans le port du foulard et des tenues prohibées par l’islam concerne principalement les voilées modernes qui veulent être en phase avec les règles religieuses tout en baignant dans la modernité. Cela s’explique par leur attachement à cette dernière qui est partie intégrante de la mondialisation. S’agissant des voilées conjoncturelles, l’utilisation du foulard n’est pas liée à l’islam,mais plutôt à la mode ou pour une occasion particulière comme les manifestations religieuses. Je rappelle aussi que le port du foulard existait avant l’islam. En effet on reconnaissait les femmes et les filles d’hommes libres par leur voile, seules les esclaves et les prostituées avaient l’interdiction d’en porter. Donc il n’est pas étonnant de voir une non-religieuse en porter.

En somme, le paradoxe entre le port du foulard islamique et les tenues heurtant la conscience collective musulmane est observé notamment chez une catégorie de jeunes filles que nous avons opté d’appeler les voilées modernes. Et cette contradiction trouve ses raisons dans la forte tendance vers une modernisation exacerbée et accentuée par la mondialisation/occidentalisation. »

L’analyse faite par ce futur travailleur social est séduisante et force le respect .Il n’est pas « trop » éloigné de celle de notre consultant, le philosophe, Alassane Kitane. Et comme on a l’habitude de dire : « les grands esprits se rencontrent toujours dans le maniement des idées et des concepts. ». Sur tout cela, écoutons Alassane Kitane pour en avoir le cœur net : «  Plus qu’une posture paradoxale, ce que vous décrivez ressemble plutôt à une imposture vestimentaire qui, à son tour, traduit un syncrétisme culturel et religieux. Nous sommes dans une société écartelée entre les codes esthétiques occidentaux et ceux arabo-musulmans. Les filles sont donc coincées entre deux univers totalement différents qu’elles cherchent habilement à harmoniser. J’ai toujours soutenu que le port du voile chez nous ne traduit pas forcément la foi : il relève plutôt d’une mode. Certaines d’entre elles prétendent même que c’est pour des raisons mystiques, mais il ne faut pas non plus négliger le côté économique : il est plus aisé de se voiler que d’entretenir une tête avec des cheveux dits naturel ou que sais-je encore… » A suivre

tmadi [email protected]

 


Cette entrée a été publiée dans Politique. Vous pouvez la mettre en favoris avec ce permalien. Alerter

Vous pouvez lire aussi

Commentez cet article

Pseudo *

Votre commentaire :

Pseudo *

Mon commentaire *