Le Protocole de l’Elysée, CHAPITRE XVI : Quand le président d’une nation libre se mue en courtier pour un étranger

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Le Protocole de l’Elysée, CHAPITRE XVI : Quand le président d’une nation libre se mue en courtier pour un étranger

 

A la fin de la lecture de ce chapitre, tout citoyen sénégalais devrait se sentir vexé d’avoir un Président comme Macky Sall. Un chef d’État qui quitte son piédestal de garant des intérêts de la nation, de vigie de son intégrité et de l’observation stricte des principes de l’État de droit pour s’affaisser devant les intérêts d’un privé. L’énergie et la détermination que le Président a mobilisées pour défendre Timis auraient largement suffi pour protéger le pays d’un tel prédateur. Le chapitre XVI retrace les péripéties d’une spoliation rendue possible par la décision d’un État de s’aliéner la solennité des lois qui font sa grandeur pour descendre sur le terrain du faux et de l’usage de faux en écriture publique.

 

Le déclic créé par Abdoul Mbaye : l’auteur explique comment l’alerte lancée par l’ancien Premier ministre cosignataire des décrets d’approbation des bloc Cayar offshore Profond et de Saint-Louis offshore Profond l’a conforté dans ses doutes. Abdoul Mbaye disait détenir les preuves que les deux rapports de présentation signés par Aly Ngouye Ndiaye pour motiver lesdits décrets contenaient des « allégations intentionnellement fausses » ! Dans tout pays normal, de telles déclarations, venant de surcroit d’un ancien PM, auraient immédiatement provoqué des enquêtes sérieuses et aboutir, au besoin, à l’annulation pure et simple des décrets d’approbation. Autant on ne peut construire un édifice solide sur du sable mouvant, on ne peut fonder un contrat valide sur du faux. Au lieu de cela, Macky, comme un parrain de la mafia, tenta de transformer TAS en bélier cogneur contre Abdoul Mbaye coupable d’avoir révélé, au terme d’investigations supplémentaires le mensonge d’Ali. Ngouye. Ndiaye.

« Monsieur le ministre, votre ami Abdoul Mbaye s’en prend à nous [remarquez le chauvinisme primaire alors qu’il s’agit de questions d’intérêt national] et cela vous laisse sans réaction. Votre prédécesseur Aly Ngouye Ndiaye a parlé, [comprenez a menti] je l’en félicite au passage. Mais personne ne comprendrait que vous ne parliez pas ». p.374.

 

[NB. Le lecteur pourrait être amené à se demander comment et pourquoi un PM et un ministre peuvent-ils signer ou même parler (d’) un dossier sans au préalable s’entourer de toutes les garanties pour avoir les informations justes y afférentes ? Auraient-ils aujourd’hui la même posture s’ils étaient encore dans le gouvernement ? Je n’ai pas la réponse à une telle question, mais ce paradoxe nous révèle qu’au sein du pouvoir, il y a des intrigues, des complots, que les uns peuvent faire sur le dos des autres. La bonne foi et la solidarité entre membres du gouvernement font qu’on a naturellement confiance au travail de ses collègues].

 

L’interview que TAS a accordée le 26 août 2016 à la RTS semble en tout cas le dédouaner. A la question du journaliste concernant l’implication de frère du Président, TAS répondit : « L’implication du frère du Président semble être la clause qui remettrait en cause le processus… Du point de vue juridique, s’il y avait un hiatus qui remettrait en cause ce contrat, on va l’attaquer… en tout cas moi, JE VAIS L’ATTAQUER ». p. 375 (souligné par nous). On comprend le malaise au sein du gouvernement dans cette affaire et surtout pourquoi, à la place d’une explication rationnellement motivée, le PM, Mouhamed Boun Abdallah Dione, se résolut désormais à user de la menace pour dissuader les citoyens de parler de l’affaire Petro-Tim.

 

L’ultime parade fut d’organiser ce cirque à l’Assemblé nationale pour tromper le peuple sous le couvert des questions orales. Des questions préfabriquées pour téléguider la future réponse du ministre sur une question délicate qui hante les tenants du pouvoir. Un grand complot contre le peuple en démocratie : le législatif joue ici le rôle des élèves amis de l’enseignant lorsqu’il est inspecté. Au lieu de peser de tout son poids de contrôle pour sauver le peuple de la prédation et de la spoliation, l’assemblée nationale se transforme en foire pour intoxiquer le peuple en l’abreuvant de mensonges. Alors que TAS lui fit part de l’absence à son niveau d’éléments de réponse probants, le PM lui suggéra sans sourciller de bluffer le peuple au sein de l’Hémicycle ! « Le Premier ministre fit valoir que c’était une façon habile de couper l’herbe sous les pieds de l’opposition en posant la question, que je devais de toute façon m’attendre à y répondre un jour. Il me suggéra de reprendre des éléments de langage qu’il avait prodigués pour réfuter les critiques ». pp.376-377. Quelle félonie de la part d’un PM ! C’est quoi encore la haute trahison ?

 

La seule fausse note que l’on peut attribuer à l’auteur est cet aveu qui nous renseigne cependant sur la taille des couleuvres qu’on est obligé d’avaler lorsqu’on est ministre d’un Prince corrompu à son plus haut sommet. Relatant son passage presque forcé à l’hémicycle il avoue : « Je ne pouvais naturellement pas donner un quelconque crédit au contrat de Petro-Tim tout comme il n’était pas convenable de livrer mes états d’âme aux députés. Il me fallait, pour une fois, en toute conscience, parler pour ne rien dire. Je préparai un long texte qui couvrait le temps de 5 minutes imparti à chaque ministre pour présenter sa réponse ». p.377. Cette posture dramatique du ministre peut sans doute s’expliquer par le souci de rassembler le maximum d’informations crédibles (Kuuy yoot du sexxat) aux fins de retirer les « 30% que détenait illégalement Timis »et qu’il envisageait certainement de vendre dès que l’opportunité se présenterait ? L’histoire a donné raison à TAS : Timis n’est rien d’autre qu’un spéculateur crépusculaire.

 

Ce chapitre pose encore une fois le problème de l’asymétrie en termes d’expertise entre l’État et les firmes avec lesquelles nous signons des contrats. C’est une question qui devrait interpeler tous les hommes politiques : au lieu de se lancer précipitamment dans ces marchés juteux, il est plus raisonnable de se donner une expertise qualifiée pour ne pas être escroquée. La proposition de TAS agréée par la BM allant dans le sens de recruter des cabinets internationaux pour Conseils est déjà une piste.

 

Une telle perspective aurait pu nous éviter de voir un PM se transformer littéralement en courtier ou, plus exactement, en « nègre » de Timis dans le cadre des transactions sur les 30% que Timis envisageait de vendre. TAS nous décrit un PM qui joue carrément le jeu de Timis. Pour appâter Kosmos, le pétrolier crépusculaire entrepris de faire monter les enchères en simulant une entente avec Exxon « Arriver à un accord entre Timis et Exxon n’était pas l’objectif. Le but réellement recherché est de faire monter les enchères sur les 30% détenus par Timis. Qu’importe si Exxon ne rentrait pas, l’essentiel est d ‘envoyer un signal à Kosmos et BP par ces rencontres avec de hautes autorités de l’État en présence de Timis, en donnant l’impression qu’un accord sur les 30% était imminent ! » pp387-388. C’est scandaleux la façon dont l’État est désacralisé pour être mis à la disposition de n’importe quel énergumène pourvu qu’il soit étranger et affairiste. Aux États-Unis on est si jaloux de l’image du Président qu’on lui évite de s’afficher avec n’importe qui de peur de désacraliser l’État ou d’en faire un instrument de propagande des privés. Imaginons Obama accepter de porter le costume africain d’un styliste sénégalais que lui a offert une autorité du pays ! Ce serait une publicité que l’opinion publique américaine aurait du mal à lui pardonner. Chez nous en revanche, ce sont les autorités qui s’inféodent volontairement à des hommes d’affaires et qui font la promotion de leurs actions dans les « cantines » de la république. Oh quelle déchéance !

 

Ce que Timis a fait avec ses 30% ce n’est ni plus ni moins que de la spéculation sur nos ressources pétrolières. Comment faire preuve d’une si grande générosité envers un étranger et se vanter d’avoir emprisonné Karim Wade et Khalifa Sall sous prétexte de mal gouvernance ? Grâce (ou à cause de) à la cécité politique et économique de Macky et de Boune Abdallah Dione, Timis se retrouve, comme par un coup de bâton magique, avec « 1. Un montant de deux cent cinquante millions de dollars (205.000.0000 $) payable 5 jours ouvrables au plus tard après l’approbation de la cession par le ministre de l’énergie ; 2 un montant de cinquante (50) millions de dollars pour tout puits d’exploration foré avec succès dans un des deux blocs Cayar Offshore Profond ou Saint-Louis Offshore Profond, à concurrence de deux puits [au] maximum ; et 3. Des royalties objet d’un accord séparé, non parvenu au Ministre ; … ».

 

L’angoisse liée à la fin de règne, la problématique de l’amnistie et les stratagèmes esquissés maladroitement sous le couvert du dialogue trouvent finalement leur explication dans ces nombreux crimes financiers commis par Macky et son régime. L’histoire retiendra que Macky est le Président qui en voulut à son ministre non parce qu’il serait inapte ou corrompu, mais parce qu’il a osé lui dire que la transaction entre Timis Corporation et BP n’était pas conforme à la loi. Et quand ce ministre veut démissionner parce qu’il est désormais convaincu que cette transaction est mauvaise pour le pays, le Président lui sort des considérations scabreuses : « C’est peu de dire que le Président était surpris de mes propos. Le respect à la République m’empêche, aujourd’hui encore, en dépit de sa responsabilité dans les torts irréparables causés au Peuple, de livrer le détail de notre entretien. Une chose est tout de même que le Président Sall redoutait fortement l’effet de mon départ sur une affaire où son nom et celui de son frère revenaient souvent » p.397. La honte est vraiment trépassée dans ce pays ! Incapable de remettre en cause les arguments de son ministre, le PR ferme les yeux, fonce et fait avaliser la transaction : c’est cet homme -là qui est crédité de génie politique par les chroniqueurs frimeurs accrédités par Marième Falla Sall dans les télés privées.

 

Nous ne reviendrons pas sur les échanges dramatiques entre TAS et le PM Dione avec son lexique scabreux consistant à arborer le statut de bouton (p.398). Ce monsieur n’est finalement pas un bouton, il a été durant tout son magistère un bouton-poussoir (dispositif que l'on commande par pression et qui permet d'interrompre ou de rétablir un courant électrique) du PR. Un PM sans personnalité n’a finalement pas sa raison d’être : allez savoir donc pourquoi le PR a supprimé le poste ! De toute façon Macky Sall n’a pas besoin de PM parce que la première dame est la véritable vice-présidente de ce pays : elle se mêle des dossiers les plus chauds de l’État. Analysons ces échanges entre elle et TAS le 25 Avril 2017 :

« -Monsieur le ministre j’apprends que vous voulez démissionner ?

-Ah oui ? dis-je, surpris et quelque peu décontenancé par l’interpellation. J’avais d’excellentes relations avec Marième Faye Sall qui avait, en plusieurs instances, assuré les bons offices entre le Président et moi. Les années d’opposition avaient tissé entre nous une amitié teintée d’une certaine réserve. Qui vous a dit cela, m’enquis-je ?

-Un ami qui vous veut du bien, me dit-elle, un ami qui ne peut pas inventer des choses sur votre compte. (...).

-Je ne me souviens pas avoir confié à un ami quelconque une information aussi grave, lui répondis-je.

-Vous êtes victime d’une cabale, ne vous laissez pas écarter de cette manière. Je vous invite à un déjeuner demain, on va parler de tout cela, me proposa-t-elle » p.402. Presque du commérage au cœur de la république ! C’est finalement au sortir d’un Conseil des ministres que l’entrevue souhaitée par la première dame aura finalement lieu : « Thierno, il faut que l’on solde définitivement tes malentendus avec ton frère » (Admirez le lexique qui rappelle le code des mafiosi). Comme à son habitude, Macky fit la politique de l’autruche : spécialiste du déni de réalité, il trouva un moyen presque mafieux d’acter la séparation avec TAS sur la question Total sans doute pour occulter l’affaire Timis qui incrimine son frère. (A suivre).

Alassane K. KITANE


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