Le protocole de l’Élysée de TAS : Le chapitre XV : L’affaire Timis : une tragédie politico-affairiste

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Le protocole de l’Élysée de TAS : Le chapitre XV : L’affaire Timis : une tragédie politico-affairiste

           Une nation trahie, un peuple volé, une république désacralisée

 

L’affaire Timis est une nébuleuse qui vraisemblablement ne pourra être démêlée qu’à la fin du règne de Macky Sall tellement les personnalités concernées sont au cœur de l’Etat. L’intérêt principal de ce chapitre ce n’est pas seulement de nous fournir des preuves qui confirment le scandale du siècle, c’est aussi et surtout de nous édifier sur les méthodes de gouvernance dans notre pays. Et quand je dis gouvernance, il ne s’agit pas seulement de celle des autorités centrales de l’État : il y a toujours une chaîne de faussaires et de faux qui facilitent les grands forfaits. La plus grande leçon qu’il faut tirer au terme de la lecture de ce chapitre relativement à la gouvernance, c’est l’urgence de soumettre les directions de société à un Appel à candidature. L’affaire Timis est une reproduction à une proportion nationale des petites intrigues, des délits d’initié, des pratiques de pantouflage (xar matt), bref de la corruption et de la concussion dans toutes les instances de décision.

 

L’affaire Timis est un puzzle dont les pièces renvoient à des positions et à des noms : Mamadou Faye (DG de Petrosen qui cacha des choses à TAS), Serigne Mboup (défenseur de l’illégal, ancien directeur de Petrosen), Abdou Aziz Mbaye (ex directeur de cabinet du Président Macky), Aliou Sall (courtier et frère du Président), Ali Ngouye Ndiaye (ministre des mines et de l’énergie), Macky Sall (ancien ministre des mines et de l’énergie, actuel Président), Frank Timis (le quidam du pétrole par qui arrive le scandale du siècle). Voilà les personnages clés qui devront être attraits au tribunal de l’histoire à défaut d’une justice libre pour trancher pénalement cette affaire. Il s’agit là d’un film à suspenses, un véritable thriller politico-financier dont les coulisses sont d’une abjection indigne d’un État.

 

Mamadou Faye DG de Petrosen au moment de l’affaire Timis est décrit comme un fonctionnaire apparemment probe, mais prêt à sauver sa hiérarchie au risque de se compromettre. Tout a commencé lorsqu’il s’est agi de faire signer au ministre (TAS) un avenant sur le renouvellement de la période initiale d’un Contrat de recherche et de partage de production (CRPP) : « Pour protéger les autorités dont il connaissait l’identité et la responsabilité dans l’affaire Petro-Tim, il [Mamadou Faye] me cacha des informations cruciales, me rassura sur la régularité des évènements, m’exposa de la sorte à valider des opérations entachées d’irrégularités. » p.340.  La prudence et la patience dont fit montre TAS finirent par payer : face à son légalisme intransigeant, les lobbies ou personnes qui se cachaient derrière cet avenant à renouveler commencèrent à se manifester. C’est comme lorsqu’on verse de l’eau dans un trou de rats : pour ne pas se noyer ils sont obligés de se précipiter à la sortie avec toute sorte de maladresses.

 

Serigne Mboup (ex-Dg de Petrosen devenu PCA de la SAR) entra alors en scène :

« Avec la docte suffisance d’un maître face au néophyte dans le secteur (piège dans lequel tomberont nombre de mes interlocuteurs), il entrepris de m’expliquer pourquoi je devais signer l’avenant… il faisait valoir que les trois premières années avaient servi à acquérir des sismiques pour mieux comprendre la géologie du bloc concerné, que le forage d’un puits d’exploration sans des études préalables sérieuses aurait pu conduire à un échec et donc à une mauvaise publicité pour le bassin sédimentaire sénégalais… Le président Macky Sall, a toujours respecté cette tradition, à l’époque où il était ministre ».

C’est ce qu’on appelle du baratin pour assouvir des desseins à découvrir un peu plus loin. Car du point de vue de la loi, le ministre était en droit de ne pas accorder à l’opérateur une prolongation de la période initiale. Mais comme pour cette raison, le permis pouvait lui être retiré, on devine aisément que les intérêts en jeu aient été si frileux et agités. L’intérêt du personnage qu’est Serigne Mboup ici, c’est qu’il nous montre le modus operandi des DG qui vendent le Sénégal à des firmes étrangères. Lisez plutôt ceci : « Les arguments de Serigne Mboup perdirent tout intérêt pour moi quand il reconnut, répondant à une question frontale de ma part, qu’il représentait la compagnie Trace titulaire du contrat de recherche. Dans d’autres pays, on appelle cela du pantouflage : après avoir dirigé Petrosen et contribué à accorder des permis de recherche à des compagnies, passer de l’autre côté pour servir lesdites compagnies en usant de son entregent dans le milieu, en l’occurrence le ministère. On peut se demander dans quelle mesure le conflit d’intérêt est en jeu, quand l’intéressé exerce les fonctions de PCA au nom de l’État » p.342. Du jamais vu ! Des Sénégalais grassement payés par l’État mais qui ne se gênent pas de faire du courtage pour des privés !

 

Abdou Aziz Mbaye, un ministre de la culture qui se mêle de pétrole, ça alors !

« Le premier directeur de cabinet du Président Macky Sall, Abdou Aziz Mbaye, ci-devant ministre de la culture, se révéla un fervent avocat de la société Elenilto m’appelant sans répit pour rapporter ma décision de suspendre le contrat de cette société » C’est ce qu’on appelle du lobbying d’un serviteur de l’État pour des intérêts privés. Sin on vous dit ces pratiques ont très longtemps plombé notre pays. Toutes les privatisations et contrats préjudiciables aux populations ont été théorisés par des cadres de l’administration moyennant des parts ou des intérêts privés. Mais le nom de Abdou Aziz Mbaye renvoie également à l’affaire Petro-Tim car en tant que directeur de cabinet du Président Macky Sall, c’est bien lui qui avait signé « pour le Président de la république et par délégation » « l’ordre de mission N°35/PR.CAB.IGE du 30 mai 2012 qui avait lancé l’enquête sur l’affaire Pétro-Tim » p.343. Rappelons qu’à l’époque la cible de ces enquêtes était Karim Wade et son père, mais entre temp, on s’est probablement rendu compte que le décret visé (non publié du reste) pouvait donner le jackpot à la famille et au clan. La perte ou l’oubli de ce fameux rapport est par conséquent manifestement profitable à ceux qui l’ont perdu ou égaré. Suivez mon regard… Ce qui se passe dans cette affaire est simple : Aly Ngouye Ndiaye a fait des recherches pour compromettre les Wade sur le dossier Pétro-Tim, mais deux faits ont changé ses plans. Le premier (objectif) est que le décret d’approbation signé par Wade et son ex-Pm n’a jamais été publié dans le JO (il n’existe donc pas) ; le second est qu’ayant découvert la possibilité d’un enrichissement géant, on a préféré perdre le rapport de l’IGE, truquer les rapports de présentation et filer en douceur la manne à qui on sait.

 

Aliou Sall, courtier, agent de l’Etat et frère du président : trop de galons

Pourquoi la famille et le clan sont en Afrique les pesanteurs qui plombent le leadership des Présidents ? Aliou Sall, un presque quidam jusqu’à l’élection de son frère comme Président, est subitement devenu une pièce maîtresse aussi bien dans les affaires politiques que dans celles financières. Si on vous dit que ce monsieur est devenu maire grâce à la position de son frère ! La décence et le civisme devraient logiquement interdire à ce monsieur dont le grand-frère a bâti tout le patrimoine politique sur la diabolisation du clan des Wade de s’immiscer si éhontément dans les affaires de la république. TAS rapporte à la page 343 qu’Aliou Sall a tout fait pour faire obtenir à African Petroleum un avenant concernant le permis sur le bloc de Rufisque Offshore Profond. La dignité devrait déconseiller à ce monsieur (frère du Président) d’aller faire le pied de grue du domicile d’un ministre ou d’envoyer des sms pour quémander un service indu. Le simple fait que le frère du Président fût aussi imprégné de pétrole alors qu’il n’est pas connu expert en la matière aurait dû éveiller des soupçons. Pire, la lettre p.354 qu’il a adressée à Aly Ngouye Ndiaye (ministre de la république dans le gouvernement de son frère de Président) le 17 mai 2012 est révélatrice de sa posture de petit prince et courtier à la fois. Ladite lettre a paradoxalement pour objet « Complément du dossier relatif au CRPP de Saint (sic) Offshore et de Cayar Offshore Profond ». Mais le plus grave est que de la plume même d’Aliou Sall, le 17 Janvier 2012 (en sa qualité de Country manager) on apprend que le dossier Petro-Tim Ltd dans le cadre du contrat de recherche et de partage de production entre État du Sénégal, d’une part ; Petrosen et Petro-Tim d’autre part n’était pas complet. Vous avez bien lu : un dossier incomplet ! Pour une « société » prétendument nantie de toutes les garanties techniques et financières ? Cette affaire scabreuse hantera Macky (d’où son prétendu réalisme ou génie politique) jusqu’à la fin de son règne. Toutes les manigances actuelles obéissent à une volonté de sauver ses arrières en s’efforçant à effacer des traces décidément indélébiles. Mais le plus cocasse dans cette affaire est la manœuvre qui a poussé le ridicule à son comble : « Petro-Tim a été créée le 19 janvier deux jours après la date de signature figurant sur les contrats ». p.356.  Machine à remonter le temps et à infléchir le présent en passé !

 

Aly Ngouille Ndiaye le parrain des faussaires

Puisqu’un crime n’est jamais parfait, devinez ce que va se faire en termes de crimes administratifs et financiers : « Étrangement, moins de trois semaines plus tard, au moment de rédiger les rapports de présentation attachés aux décrets d’approbation des permis, Aly Ngouye Ndiaye rattacha Pétro-Tim à une société mère bien différente, à savoir PetroAsia, en lieu et place de Timis Corp. Non seulement Petro-Tim est créée deux jours après que les permis lui sont accordés, mais la voilà avec deux sociétés mères différentes ». p.357. Jamais dans l’histoire du Sénégal pareille torture n’a été faite à l’État de droit et aux règles de transparence. Comment la justice de mon pays peut-elle rester indifférente face à de tels actes d’écriture en faux et d’instrumentalisation de l’État ? Il faut juste rappeler qu’Aliou Sall exerçait des fonctions diplomatiques, et nul ne sait comment il a fait pour devenir opérateur dans le privé en mars 2012 et être impliqué si activement dans ce dossier Petro-Tim.

 

Macky Sall, Président et deus machina à la signature légère

L’homme qui avait lancé l’IGE aux trousses de Petro-Tim a, trois semaines après, allégrement signé les deux décrets d’approbation des contrats visés. Seul un dieu peut faire ce qu’il veut et dont la volonté devient loi. Un avocat émérite a dit que Macky Sall ne se soucie pas de la loi, que celle-ci n’est guère son problème. Il connaît bien notre Président. Pour Macky, la loi n’existe que pour punir ses adversaires ou pour absoudre les siens, quels que puissent être leurs crimes. En plus du rapport de l’IGE prétendument insu, il y avait suffisamment de preuves dans la lettre de complaintes que Tullow Oil a adressée aux autorités pour dénoncer le contrat de Petro-Tim. La présence d’Aliou Sall dans cette entreprise décidément crépusculaire a visiblement été déterminante dans la balance en faveur de Petro-Tim. Un président qui demande un rapport et qui oublie de l’exploiter mérite-t-il de diriger ce pays ? Les « décrets » de Wade sont illégaux, mais dès que MacKy les signe et les publie, ils deviennent légaux !

 

Timis : l’oiseau de malheur qui prend son envol au début du crépuscule

Voilà l’homme par qui le scandale est arrivé. C’est aussi l’homme qui, à lui seul, vaut une crétinisation de l’État. Pour ses beaux yeux on a affaissé l’État pour l’obliger à s’accommoder aux caprices d’un homme que rien ne prédestine à amasser des milliards sur le pétrole sénégalais. L’État du Sénégal a été obligé par les autorités de faire la génuflexion devant le tandem Timis-Aliou. Un homme d’État africain a toujours son petit blanc et jamais il ne commet des crimes économiques sans les prestations d’un blanc de service. Pour Timis, la république a perdu un rapport de l’IGE et organisé un véritable bal de faussaires. En adressant le 6 juin 2014 une lettre à Petrosen, avec copie au ministère de l’énergie, pour notifier la cession de droits de Petro-Tim à Timis Corporation, Aliou avoue que Petro-Tim n’avait pas droit à un tel contrat : « cette cession d’intérêt est motivée par l’exigence de se conformer aux engagements financiers et obligations de travaux tels que prévus par le contrat que nous avons signé avec vous (Petrosen) et l’État du Sénégal. Par conséquent, nous envisageons de transférer l’ensemble des droits et obligations afférents aux permis Saint Louis Offshore et Cayar Offshore profond à la société Timis Corporation Limited, qui a la capacité technique et financière afin d’exécuter convenablement les obligations contractuelles. En effet, pour pouvoir respecter les engagements d’investissements dans les délais et conditions prévus par les contrats signés avec (Petrosen) et l’État du Sénégal, nous souhaitons céder l’intégralité des droits et obligations relatifs aux permis précisés à la société Timis Corporation Limited ». p.368. Quoi de plus édifiant ? Comment la justice qui a condamné sommairement Karim Wade et Khalifa Sall peut-elle rester muette et inactive face à un crime aussi flagrant et infamant ?  (À suivre)

 

Alassane K. KITANE

 

 


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