Le protocole de l’Élysée, le chapitre XVII

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Le protocole de l’Élysée, le chapitre XVII

                     

                                                  Une visite d’État pour sublimer une forfaiture d’État

 

Ce chapitre dont le livre de TAS doit ce titre éponyme est révélateur de la personnalité instable de l’homme qui nous gouverne : Narcisse et Candide dans un même personnage ! L’homme qui, par une étonnante tautologie, a inscrit dans notre sainte Constitution le principe évident selon lequel les ressources naturelles appartiennent au Peuple a été, comme par une ruse du destin, celui qui a le plus gravement aliéné lesdites ressources à des étrangers. Cette masturbation nationaliste inscrite dans notre loi fondamentale trouve sa motivation ultime dans le désir des criminels de tout planifier, jusque dans l’effacement des traces et mobiles de leurs crimes. Un crime n’est jamais parfait, mais la meilleure façon de détourner les soupçons, c’est de s’autoproclamer champion de lutte contre le crime qu’on a commis ou qu’on s’apprête à commettre.

 

C’est le réflexe du colonisé qui croit toujours devoir quelque chose au colon (réflexe mis en scène par l’allégorie du vieux nègre et la médaille) qui a opéré dans l’affaire Total. La visite d’État en France le 20 Décembre 2016 a été le couronnement d’une gestion mafieuse XXL du Sénégal sous l’ère Macky Sall. L’entrée de Total dans le pétrole sénégalais a été planifiée par les autorités françaises, et les prémices étaient déjà perceptibles avec la visite du PM Manuel Valls en septembre 2016, visite au cours de laquelle il affirmait sans diplomatie que « Le pétrole récemment découvert au Sénégal intéresse bien la France » !

 

Il faut, avant de poursuivre cette analyse, démystifier les astuces de Macky en matière de transparence. Pour lui, la transparence n’est qu’un alibi, pas une valeur démocratique. « Buki bu sangoo déru bèy » (une hyène drapée sous la peau d’une chèvre pour appâter les vraies chèvres) : telle est la logique de l’instrument de bonne gouvernance chez Macky. TAS le confirme à la page 406 « En réalité, comme l’OFNAC, l’adhésion à l’ITIE et d’autres initiatives de la même veine, le but de Macky était de donner le change de bonnes pratiques sous le masque d’institutions dépourvues de contrôle effectif et inaptes à mener des investigations exhaustives selon des standards éprouvés. Le Cos Petrogaz et les dispositions inscrites dans la Constitution relatives à l’appartenance des ressources naturelles au Peuple appartiennent à ce registre de la communication qui jurent d’avec les pratiques effectives ». Tous les truands agissent de la sorte : ils font des bonnes intentions contenues dans leurs déclarations la couverture du mobile immonde de leur crime. Le lecteur comprend dès lors pourquoi un Président si louche ne pouvait guère agréer la solution proposée Par TAS de coopérer avec la BM pour fournir l’expertise nécessaire afin d’accompagner le Sénégal dans la signature des contrats pétroliers. Les voleurs n’aiment pas la lumière, ils sont des disciples de Nyx (déesse de la nuit) qui, quand elle étale l’ombre nocturne sous ses ailes somnifères, couvre les vertueux comme les méchants du même voile de la Sutura et les livre tous à son fils Morphée (dieu des rêves).

 

Il faut dire qu’en réalité le protocole signé au palais de l’Elysée fut un protocole entre la France et la France, car Macky (suppôt incontestable de la France) ne faisait finalement qu’exécuter des ordres qu’il chercher à faire exécuter à son ministre du pétrole. Ce dernier ne faisait que jouer le rôle de figurant dans une scène dont les intrigues et suspenses sont ficelés à son insu. Devinez que c’est l’ambassadeur du Sénégal en France qui dévoila au ministre les protocoles qu’il devait signer ! « J’appris qu’une délégation de Total avait été reçue par le Président dès son arrivée à Paris ; mes tentatives pour joindre le Président qui m’avait pourtant fait venir furent infructueuses. Les services du protocole du Président [décidément sans grand protocole] m’informèrent de l’heure de départ de l’hôtel et du programme de la journée. Lorsqu’il mentionna les protocoles à signer, je répondis à mon interlocuteur que je n’avais pas vu les protocoles d’accord, aussi je ne pouvais pas me rendre à la cérémonie. J’espérais que le message serait transmis à Macky Sall qui ne manquerait pas de m’appeler », pp. 413-414.

 

Les voyages du Président à l’étranger pour le compte et aux frais du contribuable sénégalais, illustrent la personnalité de l’homme qui nous gouverne et qui, apparemment considère le pouvoir comme un trophée ou une source de jouissance infantile. Lisez plutôt ceci : « Il octroyait la participation à de tels voyages ainsi que de petites faveurs en gages de satisfécit de loyauté à sa personne. Il paraissait se délecter de la sorte de la ferveur que certains de ses proches mettaient à le prier de les inclure dans ses délégations, surtout pour le petit pèlerinage dans les lieux saint de l’Islam ou des visites vers l’occident ». On dirait un gamin qui gouverne une nation ! Trump a décidément des jumeaux un peu partout.

 

Et pour dire encore un mot sur l’honorable première dame, reconnaissons que ceux qui disent qu’elle gère les dossiers chauds de notre république n’ont décidément pas tort. Avec un Président à la personnalité aussi instable, il faut un vice-président à défaut d’institutions fortes. Elle est omniprésente au cœur des dossiers de l’Etat (cf. pp. 416-417). Elle gère les membres du gouvernement comme les membres de sa famille : elle prend en charge les querelles et tensions que les maladresses de son mari suscitent au sein de la république. « Au demeurant, la Première dame était au courant de la nouvelle affaire de signature... ».

 

Comment un président qui aime et respecte son peuple peut-il offrir à Total un contrat pareil alors que la logique voudrait que le Sénégal, observe un moratoire sur l’affectation des blocs de pétrole, le temps d’apprendre de ses erreurs ? Comment le Président d’une nation libre peut-il faire un tel aveu « Lorsque le Sénégal a des difficultés, la France se tient à ses côtés. Quand je suis arrivé au pouvoir, les caisses de l’État étaient vides. [Énième mensonge] N’eut été la France… » Comment un Président de la république peut-il faire un raisonnement aux prémisses aussi grossières et délibérément fausses ? Le Sénégal est donc dans l’obligation de payer à la France son excessive générosité envers lui. Ah quelle morale ! Quelle diplomatie !

 

[La vérité est ailleurs, et TAS l’exprime avec un style cru « Macky Sall est sensible à ces prévenances et les fastes par lesquels les vieux États peuvent s’attacher des amitiés. [Il fallait le voir à la télé avec son sourire plus large que la porte du Palais de l’Élysée durant toute la durée de la visite passée en boucle, même dans les médias privés]. N’a-t-il pas devant un parterre de sénégalais, exalté de façon sidérante l’amitié sénégalo-française, en citant à l’appui l’exemple des tirailleurs ». [Cf. le fameux dessert]. Que c’est désespérant d’avoir des dirigeants complexés !

 

Outrepassant toutes les limites qui lui sont assignées par la loi, Macky Sall ordonna à TAS de signer le contrat de Total en des termes autocratiques « Je vous ordonne de donner [donner signifie offrir, faire un don] le permis à Total. Je n’ai pas besoin de vous expliquer les questions de souveraineté … ». C’est toujours comme ça quand les chefs d’État mafieux veulent donner un semblant de légitimité à leur crime : ils évoquent des questions d’urgence, de souveraineté, de sécurité. Mais la réflexion de son ministre est au moins porteuse d’espoir pour l’avenir de ce pays « Les questions de souveraineté ou tout autre arrangement occulte ne figurait pas dans le code pétrolier qui, en aucune occurrence, ne dispense le Président d’observer ses dispositions Que vaut l’autorité en dehors de la loi ? Or son ultime recours consistait à me demander de faire fi de la loi pour obéir à ses instructions ». Cette posture libre et légaliste de Thierno Alassane Sall face à l’autoritarisme aveugle de Macky dans sa volonté d’offrir à Total nos ressources devra faire jurisprudence dans la conduite des affaires de notre pays. Être ministre ne veut pas dire s’inféoder à un Président au mépris de la loi qui est notre maître à tous.

 

Cette noblesse d’État est une denrée rare aujourd’hui, et pourtant elle est le ciment qui sert de fondement à la grandeur des nations. On dirait qu’en rédigeant ce passage de son livre TAS avait sous les yeux ce passage sublime des Lettres écrites de la montagne de J.J. Rousseau : « Un peuple libre obéit, mais il ne sert pas ; il a des chefs et non pas des maîtres ; il obéit aux lois, mais il n’obéit qu’aux lois et c’est par la force des lois qu’il n’obéit pas aux hommes. Toutes les barrières qu’on donne dans les républiques au pouvoir des magistrats [Présidents] ne sont établies que pour garantir de leurs atteintes l’enceinte sacrée des lois : ils en sont les ministres non les arbitres, ils doivent les garder non les enfreindre ».

 

Dommage que ce Président pense que les intérêts de la France sont au-dessus de nos lois, et se sent offensé par un ministre qui met ceux du Sénégal en avant « Je ne comprends pas… Pourquoi avez-vous accepté d’autres offres après le protocole d’accord signé avec Total ? Donnez le permis à Total, ce sont des instructions ». p.423. Et, un plus loin, on en apprend davantage sur l’amateurisme, la courtisanerie et le sentimentalisme qui rythment la gestion des affaires par le régime de Macky Sall « Le président perçut ma détermination. Il en appela à ma compréhension [ça vous rappelle le film Gelwar de Sembène ?]. Il me dit qu’il nous fallait impérativement trouver une solution. Il s’engagea dans des explications que mon respect vis-à-vis de l’institution qu’il incarne me commande de taire ici » [merci TAS de nous avoir épargné d’une révélation certainement scabreuse. Comme quoi tout le monde n’est pas disposé à publier des « LUI et Moi »]

 

En véritable parrain de Total, Macky Sall, contre toutes les lois de la république et du bon sens, fit preuve d’une servitude volontaire. Après l’affaire Timis, cette affaire Total est le deuxième grand crime commis par ce régime aux dépens du peuple sénégalais. Le lecteur devra lire les pages 429 à 441 pour comprendre pourquoi ces deux affaires méritent la haute cour de justice. Face à la boulimie de Total, Macky a abdiqué comme Vichy. Les partisans de Karim Wade se délecteront certainement de ce passage aux pages 438-439 : « Macky Sall avait-il des raisons occultes d’accepter de tels contrats ? Les raisons géostratégiques convoquées pour camoufler l’inexplicable sous le sceau d’inamovibles intérêts de la République, couvriraient-elles des soucis personnels ? Le scandale Petro-Tim/Tmis n’a pas eu beaucoup d’écho en France alors que les médias roumains en ont fait leurs choux gras. Ses compagnons d’hier ne peuvent manquer de se poser ces questions, pour avoir de concert avec lui, voué aux gémonies Karim Wade pour des actes bien moins graves que ceux posés par l’actuel Président. Karim Wade n’a jamais été élu, tandis que Macky Sall l’a été sur la base d’un engagement prémunir le Sénégal des pratiques dénoncées chez l’ancien tout puissant ministre ». Je ne saurais répondre aux questions soulevées ici par TAS, mais je ne serai pas surpris de vois l’œil bienveillant de la France s’est fermé devant les crimes de Ouattara pour rester au pouvoir feindre la cécité face à la volonté de notre lugubre Président de convoiter un troisième mandat, même s’il lui faut encore marcher sur des cadavres. (À suivre)

 

Alassane K. KITANE

 


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