«Nous avons franchi la première porte de l’enceinte du quartier général de Kadhafi. Ecoutez les explosions derrière moi! Cela fait quatre heures que cela dure.» Joint hier en milieu d’après-midi sur son téléphone satellitaire, Myzran, un résident de Tripoli, simple civil, s’est mêlé aux révolutionnaires, sans arme, précise-t-il, pour voir tomber ce qu’il reste du régime de Muammar Kadhafi.
Il lui aura suffi de quelques heures pour assister à ce moment historique. Au prix de très violents affrontements, à coups de tirs de mortier, d’artillerie, de roquettes et avec l’aide des raids de l’OTAN, une centaine de révolutionnaires sont parvenus à s’emparer du QG de Kadhafi, véritable cœur du régime.
«Je marche chez Kadhafi!»
Hier soir, la chaîne Al-Jazira montrait de jeunes révolutionnaires brandissant des armes saisies à l’intérieur du QG, dont un fusil qui semblait plaqué or.
Plusieurs corps, apparemment des soldats pro-Kadhafi, jonchaient le sol. Cité par l’agence Associated Press, un jeune homme de Misrata, lance-roquettes dans une main et kalachnikov dans l’autre, disait ressentir une «explosion de joie». «Je peux maintenant marcher dans la résidence de Kadhafi. Beaucoup de mes amis sont morts, et tout ça, désormais, veut dire quelque chose.»
Symbole fort: les images de la chaîne qatarie montraient un rebelle tentant de détruire la sculpture représentant un poing empoignant un avion, œuvre en mémoire des attaques aériennes américaines de 1986 devant laquelle avait souvent posé Muammar Kadhafi.
Partie d’échecs
Mais de ce dernier, nulle trace, dans ce vaste complexe truffé de bunkers et de souterrains. Ni d’autres membres du clan d’ailleurs. Se poursuit donc l’incroyable partie de cache-cache engagée par le colonel et sa famille. Quelques heures avant, dans la nuit de lundi à mardi, c’est dans ce même QG entouré de trois ceintures de béton que Self al-Islam, l’un des fils de Muammar Kadhafi, emmenait des reporters pour leur démontrer que «tout va bien à Tripoli» et que la situation était «sous contrôle». Or le Conseil national de transition, l’organe politique des révolutionnaires, avait assuré la veille que Seif al-Islam avait été arrêté. De quoi faire douter, un moment, du réel étranglement du régime. Et hier après-midi encore, à en croire son vieil ami le président russe de la Fédération internationale d’échecs Kirsan Ilioumjinov, Muammar-le-stratège, ou adepte de la diagonale du fou, c’est selon, lui affirmait au téléphone: «Je suis vivant et en bonne santé. Je me trouve à Tripoli et je n’ai pas l’intention de quitter la Libye. Ne croyez pas les mensonges des télévisions occidentales.»
Qu’importe, pour les Libyens en exil, il ne fait plus de doute maintenant que la victoire est acquise. «J’ai pu joindre plusieurs proches à Tripoli. Ils n’en reviennent pas, ils sont heureux», raconte Imed Bozghiba, président de l’association SOS Libye et installé à Neuchâtel. «Depuis quatre mois, ils ont été soumis à des contrôles incessants, des pénuries de nourriture et d’essence, conditionnés à une propagande agressive. Maintenant, tout cela va finir.» Dans certaines rues de Tripoli, l’ambiance était à la fête hier soir, tandis qu’ailleurs des combats étaient encore signalés. Le CICR tout comme Médecins sans frontières ont fait état de très nombreux blessés qui affluaient vers des hôpitaux débordés.
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