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'' Ce jour-là… '' par Aliou Ndiaye

Auteur: Aliou Ndiaye

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Lamine Dramé est un personnage. Haut en couleur, un brin chambreur, le bonhomme fait caïd. Il en a la dégaine, le bagout et la bedaine. Sa mine patibulaire contraste avec une bonhommie légendaire. «Debouzze Jamel», de son surnom, avait fait un violent choix de vie : être heureux coûte que coûte. Le sourire aux lèvres, notre athlète a affronté les haies et les obstacles. Son sens de l'humour était indispensable. Dans une Casamance ensanglantée par la guerre, ses vannes étaient courues. Cette denrée rare mettait un peu plus de couleur dans une ville en noire et blanc. Ce matin du 6 Octobre 2002, «Jamel» s'arracha de son lit, le cerveau engourdi. Il sort d'une nuit blanche très noire. Une envie de fuir le tenaillait, mais où aller ? Assita, sa femme, a fait semblant de dormir. Elle était aux aguets. Comme «Le Joola», son homme a sombré. Elle le savait. A force de veiller, elle finit cependant par se lâcher. Moment fatidique. «Debouzze» sauta du lit, ramassa les clés de sa voiture et fit irruption dans la rue. Ndèye, la malade mentale de service était encore là. Aujourd'hui, elle riait à gorge déployée. Hier, elle avait pleuré toute la journée. Elle était la vie. Un jour, elle s'esclaffait. Un autre, elle se lamentait. Subitement, Dramé prit l'exacte mesure de son drame. Il ne vivait plus. Il ne prêtait plus à rire, il donnait à chialer. Tout le temps. Depuis le naufrage de sa fille chérie dans ce bateau maudit, le soleil a abandonné son cœur.
 
Lamine mit la clé de contact. Presque machinalement. Il voulait sortir de la ville. De cette ville. Pourtant Ziguinchor lui avait tout donné. C'est ici qu'il a croisé Assita, la femme de sa vie. C'était une jolie jeune fille. Le genre de pépite qu'on trouve au carrefour des races et à la synthèse des nations. Elle avait le teint de l'huile de palme, la taille du roseau, les yeux de la biche et le cou de la girafe. Elle était si belle qu'en période d'hivernage, les papillons la suivaient dans les rues de Gnafoulène. Pour lui, c'était le phare de Ziguinchor. Il dut batailler contre des hommes fortunés pour la garder. Il fit fortune par la même occasion dans la pêche aux crevettes. Il eut deux filles avec Assita. Anta et Marième étaient devenues, avec le temps, ses joies de vivre, sa motivation. Marième, surtout, était sa préférée. Tout le monde le lui reprochait. Il ne lui avait presque jamais rien refusé jusqu'à cette journée fatidique du 20 septembre 2002. Lamine voit les images défiler. Une semaine plus tôt, Anta avait accepté de rentrer par avion. Etudiante à l'Université de Dakar, elle était la plus obéissante. Marième, gâtée par son père, voulut prolonger ses vacances pour une semaine. Une fois encore, Lamine céda aux caprices de sa cadette. La nuit, une dispute éclata dans la chambre conjugale. Assita avait raison quelque part. Lamine devait être un peu plus rigoureux avec sa fille. On n’éduque pas un enfant comme ça. Malgré ses protestations, Lamine le reconnut : son épouse avait raison. Alors, il résolut d'administrer une claque pédagogique à sa fille. Lamine mit la clé de contact. Presque machinalement. Il voulait sortir de la ville. De cette ville. Pourtant Ziguinchor lui avait tout donné. C'est ici qu'il a croisé Assita, la femme de sa vie. C'était une jolie jeune fille. Le genre de pépite qu'on trouve au carrefour des races et à la synthèse des nations. Elle avait le teint de l'huile de palme, la taille du roseau, les yeux de la biche et le cou de la girafe. Elle était si belle qu'en période d'hivernage, les papillons la suivaient dans les rues de Gnafoulène. Pour lui, c'était le phare de Ziguinchor. Il dut batailler contre des hommes fortunés pour la garder. Il fit fortune par la même occasion dans la pêche aux crevettes. Il eut deux filles avec Assita. Anta et Marième étaient devenues, avec le temps, ses joies de vivre, sa motivation. Marième, surtout, était sa préférée. Tout le monde le lui reprochait. Il ne lui avait presque jamais rien refusé jusqu'à cette journée fatidique du 20 septembre 2002. Lamine voit les images défiler. Une semaine plus tôt, Anta avait accepté de rentrer par avion. Etudiante à l'Université de Dakar, elle était la plus obéissante. Marième, gâtée par son père, voulut prolonger ses vacances pour une semaine. Une fois encore, Lamine céda aux caprices de sa cadette. La nuit, une dispute éclata dans la chambre conjugale. Assita avait raison quelque part. Lamine devait être un peu plus rigoureux avec sa fille. On n’éduque pas un enfant comme ça. Malgré ses protestations, Lamine le reconnut : son épouse avait raison. Alors, il résolut d'administrer une claque pédagogique à sa fille.
 
Ce 20 septembre donc, Marème apostropha son père. Elle exigeait un billet d'avion pour rentrer. Son père coupa net. Il n'avait plus d'argent. Puisqu'elle avait refusé de prendre l'avion il y a une semaine, elle n'avait qu'à voyager par la route. Marème sourit. Son rêve se réalisait. Elle voulait rentrer à Dakar avec sa bande. Chevaucher l'Atlantique par «Le Joola », ça va être olympique ! Les orchestres, le pont et la mer, c'est trop fun ! Une croisière, vous vous rendez compte ? Elle ne demandait pas plus. Elle fit semblant de bouder pour mettre la pression sur son papa. Après, elle revint à la charge. Elle voulait un ticket pour le bateau. Comme toujours, Lamine abdiqua. C'était l'erreur de sa mort. A toute allure, sa voiture est allée embrasser un arbre. Le paysan, témoin du drame, n'en revenait pas. Le conducteur est mort sur le coup. Dramé ne pleurait pas. Car les larmes sèchent. Il pleuvait. Sa nappe phréatique de cœur dégorgeait de toutes parts. Emportée par l'inondation, il se noyait devant tout le monde. Mais qui s'en rendait compte ? Qui pouvait s'en rendre compte ? Lamine se sentait coupable. Alors qu'il n'était qu'une victime. Le véritable responsable dort dans un Palais. Et son fils voyage en jet privé.
Auteur: Aliou Ndiaye
Publié le: Lundi 26 Septembre 2011

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