Le Sénégal est devenu la caverne d'Ali Papa. Et dans cette version locale des comptes des mille et une nuits, les 40 voleurs ne font pas bande à part. Ils sont sponsorisés par des marchands d'illusions prospères. Ces flibustiers remplacent allègrement le vendeur de tissu de la légende orientale. Ils tiennent des places fortes institutionnelles. Par la magie de l'alternance, leurs bourses sont devenues une fontaine publique pour des gamins désinvoltes. Et cette nuée de mioches impertinents fait régulièrement sauter la banque. Le lascar en culotte courte n'a pas besoin du sésame qui facilite la casse. La clé passe-partout de son nom de famille pousse les portes et force les caisses. Diop, Seck, Niang, Ndiaye, il est un fils à papa sulfureux. Billy the Kid fait les choux gras de la presse people et la couverture des magazines glamour. Pour légitimer ses nombreux forfaits, on décore d'un néologisme dangereux sa vie de voyou. Faite de coups et de sous, de strass et de paillettes, elle se résume en deux mots : pistolets et cabarets. Il est donc un jet-setteur le mec, porte-étendard bling-bling du clinquant local. Haut les mains ! Dakar ne dort pas. Dans l'ambiance tamisée des boîtes de nuit de la capitale, ce millionnaire d'un soir passe pour un gentleman cambrioleur. Il détrousse son papa pour habiller son mannequin. Que voulez-vous ? Robin des Boîtes prend la défense de la société des «ambianceurs» et personnes élégantes. Tel pair, tel vice ! Hubert Dacosta, le voleur présumé de la famille de Pape Diop, président du Sénat, a fait une interview électrique dans L'Observateur du week-end. Le fugitif signalé en Côte d'Ivoire a déballé, déblatéré et déblayé. Devant nous, une armée d'enfants gâtés, paresseux, exclusivement porté sur les distractions. L'occasion en faisant des larrons systématiques. Ainsi, en moins de trois mois, des sommes estimées à plusieurs centaines de millions de FCfa ont été dérobées par des individus imberbes dans des maisons de hauts dignitaires du régime. Des frasques et du fracas à l'actif d'une charretée de fils à papa surprotégée par un système inique. Pour beaucoup moins, des Sénégalais à part entière croupissent en prison. En plus, l'importance des sommes planquées dans des maisons pose la question des origines. Des montants de cette nature devraient normalement dormir dans les coffres des banques. Mais il y a comme une volonté d'échapper au contrôle de traçabilité. Il n’y a presque pas de doute : cet argent est le corps d'un délit ou l'arme d'un crime. Les indices sont suffisamment concordants pour alerter le Procureur. La politique du deux poids, deux mesures avait eu un terrain d'expérimentation première. Le fils d'un ministre de l'Intérieur avait piqué la bagnole de ses parents pour faire le beau dans les rues des Almadies. Son rodéo s'est terminé par une explosion extraordinaire contre le mur du domicile d'un tiers. Le ministre, prompt à casser les enfants des autres, a préféré fermer les yeux. Il peut désormais se consoler. Il n'est pas le seul ponte libéral à rater l'éducation de ses enfants. Pauvre de nous !Un homme peut tout louper, sauf l'éducation de ses enfants. C'est l'échec le plus cuisant, la plus grosse défaite d'une vie. Comment peut-on s'occuper de l'éducation des enfants des autres, après avoir salopé le façonnage de sa propre progéniture ? Il y a bien des exceptions qui confirment des règles, mais le proverbe a la peau dure. Tout ce que connaît le petit Maure, il l'a appris sous la tente. Et la tentation est grande dans un système où, même la mallette du chef de l'Etat n'est pas épargnée. Lors d'un voyage à Paris, Me Abdoulaye Wade, lui-même, avait été victime de vol de numéraires. L'affaire fit grand bruit, mais ne connut aucune suite. Cette manière désinvolte de traiter des questions les plus sérieuses est une prime au délit. La volonté de couvrir les proches devraient s'accompagner d'un minimum de pédagogie. Le droit d'être parent s'accompagne d'un devoir de comportement. Aucun calendrier chargé, aucune charge publique n'autorise ce laxisme. Tu voles un bœuf. Ton fils te volera un œuf. Au moins.
Auteur: Aliou Ndiaye
Publié le: Lundi 10 Octobre 2011
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