Depuis l’accession de Bassirou Diomaye Faye à la magistrature suprême en mars 2024, le Sénégal semble à la croisée des chemins. Longtemps présenté comme un modèle de stabilité démocratique en Afrique de l’Ouest, le pays est aujourd’hui en proie à une crise institutionnelle larvée, alimentée par une dualité de pouvoir entre le président de la République et son Premier ministre, Ousmane Sonko. Cette situation rappelle dangereusement certains épisodes sombres de l’histoire politique du continent, notamment la rupture Dia-Senghor au Sénégal ou encore la crise institutionnelle qui a secoué la Gambie.
Un tandem devenu rivalité
Le président Diomaye Faye a été élu grâce à un large soutien populaire, mais aussi — et surtout — grâce au capital politique et au charisme d’Ousmane Sonko, figure centrale du mouvement PASTEF. Dès le départ, le président avait promis une gouvernance collégiale et un projet fondé sur des idées plutôt que sur des individus. Pourtant, la réalité du pouvoir semble avoir ravivé les égos et remis en question cette harmonie initiale.
Dans une récente sortie, Ousmane Sonko n’a pas caché son agacement face à ce qu’il qualifie de "manque d’autorité" de la part du président. Réaffirmant sa suprématie politique et sa légitimité historique dans l’accession de Diomaye au pouvoir, Sonko a clairement lancé un avertissement : “soit il dirige, soit il me laisse diriger.”
Une déclaration lourde de conséquences qui soulève une question fondamentale : qui détient réellement le pouvoir au Sénégal ?
Deux visions, deux styles, un seul pays
Pendant que le président Diomaye Faye se trouvait aux États-Unis sur invitation de Donald Trump — où il a vanté les talents de golfeur de l’ancien président américain et suggéré qu’il mérite le prix Nobel de la paix — Ousmane Sonko, lui, recevait à Dakar les membres du Comité pour l'exercice des droits inaliénables du peuple palestinien, quelques jours seulement après une tournée en Chine.
Alors même que Sonko mettait en garde ses partisans contre toute tentation d’embourgeoisement, ces derniers arrivaient au King Fahd Palace à bord de rutilants 4x4, parfois véhicules de l’État. Bonjour la sobriété.
Le président, de son côté, enchaînait les rencontres diplomatiques avec des partenaires stratégiques traditionnels : Emmanuel Macron à Madrid, Donald Trump à Washington, des représentants de Boeing ou encore BlackRock. Ces déplacements, ces postures, ces discours : tout indique un clivage idéologique profond entre deux hommes censés porter un même projet politique.
La question du leadership et des institutions
Ce désordre institutionnel mine la lisibilité du pouvoir sénégalais. Qui décide ? Qui porte la voix du Sénégal à l’international ? Qui pilote les réformes internes ? Les partenaires techniques et financiers observent avec inquiétude cette cacophonie, à un moment où le pays est criblé de dettes et où les attentes sociales sont immenses.
Le retour du président Diomaye à Dakar sans accueil officiel du Premier ministre n’a fait qu’amplifier les spéculations sur une rupture imminente au sommet de l’État.
Trois scénarios en vue
1. Le scénario gambien : Un président Diomaye qui s’affirme progressivement, marginalise son Premier ministre, et tente d’exercer pleinement son autorité. Mais cela suppose une assise politique qu’il n’a pas encore solidifiée.
2. Le changement de régime : Sous pression, Diomaye pourrait se désister et laisser Sonko prendre officiellement les rênes du pouvoir, notamment en passant par l’Assemblée nationale. Une passation qui poserait de sérieuses questions sur le respect des institutions et du mandat populaire.
3. Le chaos Dia-Senghor : Si aucun des deux hommes ne fait de concessions, la situation pourrait dégénérer en affrontement ouvert, avec des conséquences dramatiques pour la stabilité politique et sociale du pays.
Et le projet dans tout cela ? Pendant que les élites politiques s’entredéchirent, le peuple sénégalais attend des réponses concrètes : sur l’emploi, la vie chère, l’endettement, la santé et l’éducation. Le projet de rupture semble flou. Le slogan “le projet avant les personnes” est mis à rude épreuve. Le moment est venu pour les dirigeants de choisir : servir leur ego ou servir le Sénégal. Demba Ndiath President Initiatives 221
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