Le capital minimum pour qu’une banque obtienne son agrément doit être revu à la hausse. C’est la conviction de M. Abdoul Mbaye, ancien directeur de la Banque de l’habitat du Sénégal. M. Mbaye est aussi revenu avec nous sur les problèmes du système bancaire sénégalais.
Reussirbusiness : Pourquoi le taux de bancarisation est encore faible au Sénégal ?
Abdoul Mbaye : Il y a plusieurs facteurs notamment culturels. Parce que la banque c’est le chèque, c’est écrit. C’est un premier facteur de blocage. Il y en a d’autres qui sont liés aux conditions imposées par les banques pour l’ouverture d’un compte. Il y a également des contraintes comme celles qui pèsent sur l’acceptation du chèque, très souvent il est en bois, il est sans provisions et la monnaie scripturale manque de confiance vis-à-vis de ceux qui doivent l’accepter. Mais je crois qu’il est important d’atténuer cette opinion sur la non-utilisation des systèmes bancaires par une certaine frange de la population par le fait que le système financier décentralisé connait des progrès au Sénégal. Il y a une floraison de mutuelles d’épargne et de crédit, elles sont en train d’assurer l’apprentissage à la population dans le domaine de la pratique bancaire.
Reussirbusiness : Est-ce que les taux d’intérêt aussi ne sont pas un obstacle ?
Abdoul Mbaye : Là vous êtes en train d’évoquer le problème de l’octroi du crédit. Le crédit sans taux et sans garantie est un crédit qui attirerait beaucoup de clientèle, mais il aurait pour conséquence immédiate, la perte du crédit et plus tard, l’arrêt du crédit. Il est essentiel d’évaluer le risque quelconque, ne serait-ce que pour assurer le remboursement de ceux qui ont fait confiance et qui ont ouvert des comptes et qui ont déposé leur épargne. Vous avez donc besoin de prévenir le risque de non-solvabilité de votre client. Il ne faut pas cesser de réclamer des garanties, mais il faut mettre en place des organismes spécialisés dans l’octroi de garanties.
Reussirbusiness : Aujourd’hui quels sont les problèmes rencontrés par les banques ?
Abdoul Mbaye : Je mettrais au premier chef, une faiblesse qui vient de leur petite taille en général. Quand vous savez que vous avez des fonds propres limités, quand vous avez des petits bilans, vous êtes très vite exposés à la défaillance d’un client moyen et encore plus d’un client important et vous avez beaucoup de peine à prendre de la place parce que vous êtes obligé d’être cher aux crédits, parce que si vous ne gagnez rien, vous allez vite disparaitre et en étant cher, vous n’êtes pas concurrentiel. Je pense que la faiblesse totale vient de l’émiettement du système bancaire et de la faiblesse de la taille des banques. Il faut se mettre dans la marche mondiale qui est celle du regroupement et comme on peut, que cette démarche pourrait ne pas venir des banques elles-mêmes, les autorités monétaires doivent jouer leur rôle en relevant le capital minimum requis pour pouvoir bénéficier d’un agrément bancaire. Ça serait pas d’ailleurs une mesure nouvelle, parce qu’on l’a vécu dans des pays comme le Nigéria. Et ça a fait de très bons effets sur leur système bancaire.
Reussirbusiness : Est-ce qu’un capital minimum élevé ne fait pas disparaitre certains banques ?
Abdoul Mbaye : Aujourd’hui, le capital minimum est de dix milliards, il y avait une dérogation temporaire accordée aux organisations en exercice pour qu’elles s’organisent pour atteindre ce montant, mais les délais sont passés depuis longtemps maintenant. Mais c’est vrai, ou il y aura des disparitions, ou il y aura nécessité pour les établissements ne pouvant pas atteindre ce capital minimum de se regrouper avec d’autres pour atteindre ce capital. Il faut la contrainte pour une fusion forcée.
Reussirbusiness : Quel est l’avenir de nos banques nationales ?
Abdoul Mbaye : C’est un avenir difficile. Je le vois difficile, hors spécialisation et même dans la spécialisation il y a des limites qu’il faut franchir pour devenir banque universelle. Quand je parle de spécialisation, je fais allusion à la Banque de l’habitat du Sénégal, à la Caisse nationale de crédit agricole du Sénégal, je crois que tous ces établissements doivent intégrer un projet de construction d’un champion bancaire national. C’est vrai que c’est un projet démesuré peut-être, mais je suis convaincu qu’il est possible. Je vois par exemple, le constat d’un financement des PME, la conclusion c’est sans doute qu’il faut moins une banque pour financer les PME qu’un guichet spécialisé, parce qu’aller dans la création d’une autre banque, c’est favoriser l’émiettement et renforcer la faiblesse du système bancaire sénégalais.
Propos recueillis par Oumar FEDIOR
Commentaires (0)
Participer à la Discussion