Quand on évoque la question du tourisme au Sénégal il n’est pas rare de voir des réactions indignées venant d’une frange de la population qui prend ce secteur comme un dépravateur des mœurs....

...  Avec en toile de fond des valeurs religieuses ou coutumières, des leaders d’opinion s’élèvent souvent contre des pratiques jugées attentatoires à la pudeur. Il suffit de prononcer les mots «Saly», «Somone» ou «Yenne» - stations balnéaires vues comme symbole de la dégénérescence morale – pour susciter la colère d’un grand nombre. Il faut dire que bien souvent il y a de vraies raisons de s’offusquer.

Simplement, dans cette indignation quasi-générale on en oublie un détail important qui est que le secteur touristique est l’un des principaux leviers de l’économie sénégalaise. En 2006, année de référence, il représentait 6 % du PIB et comptait 100 000 emplois directs et indirects, selon les chiffres de l’Etat du Sénégal. Sans ressources minières conséquentes, ce pays ne survivrait sans doute pas à une dégringolade de son secteur touristique. Pourtant c’est ce qui est en train de se passer sans que les autorités ne s’emploient résolument à inverser la tendance. La nomination de Youssou Ndour n’a pas produit les effets escomptés pour l’heure malgré la volonté de la star du «mbalax» de faire jouer sa notoriété.

Faut-il rappeler que celui qui est présenté comme le sauveur du tourisme sénégalais accumule les mauvais diagnostics. Par exemple, au tout début du mois de novembre, lors du Comité Régional de Développement (CRD) qu’il a dirigé à Ziguinchor en lancement de la saison 2012-2013, M. Ndour a estimé que si le tourisme n’est pas compétitif c’est à cause de la cherté des billets d’avion et l’absence d’une compagnie aérienne nationale performante. Si on se contente d’analyses aussi superficielles il ne faudra pas s’attendre à des miracles car, de toute évidence, la situation est bien plus grave.

La léthargie que connait le secteur touristique commande de sortir de la démagogie pour regarder la réalité en face. Et pour cela rien de tel que de recueillir l’avis de certains professionnels du secteur qu’on sollicite rarement dans le débat.

Direction Saly Portudal, au sud de Dakar. Par sa renommée, cette ville de la côte sénégalaise est un des fleurons du secteur touristique. On ne compte plus le nombre d’Occidentaux qui y ont investi dans l’hôtellerie, la restauration et les camps de vacances.  Au-delà de l’image de débauche qu’on colle à cette partie du pays, d’honnêtes gens sont en train d’y vivre des problèmes qui sont aussi ceux qui plombent littéralement le secteur touristique du Sénégal. Le français Gustave* est un de ces investisseurs étrangers. Il connait le Sénégal depuis 25 ans et y vit depuis 4 ans. Il a investi toutes ses économies dans une agence d’organisation de séjours touristiques et d’hébergement. Cette expérience le place au cœur d’un problème qu’il a fini par connaitre mieux que quiconque. Il n’y va pas par quatre chemins pour pointer du doigt certains sénégalais dont le comportement fait fuir les touristes ou les dissuade de revenir au Sénégal. «Les gens qui viennent pour la première fois, explique-t-il, sont tellement harcelés qu'ils ne sortent même plus de l’hôtel». La faute est selon lui à des rabatteurs qui s’improvisent guides et dont le seul objectif est de dépouiller les touristes.

«Le phénomène a explosé depuis 1 an», poursuit Gustave. Plus grave encore, la plupart de ces chasseurs de touristes ont souvent un comportement à faire peur. «Certains sont cool mais d'autres sont défoncés et agressifs; ils dorment dans leur vomis en pleine journée sur le trottoir. Ça ne donne vraiment pas envie de revenir», s’inquiète Gustave. Autant dire un spectacle horrible qui peut au mieux faire baiser les entrées touristiques et au pire ternir l’image du Sénégal.

Dans ce contexte, on peut se demander si la nomination de Youssou Ndour peut à elle seule redorer le blason du pays. Gustave est catégorique : «on pourrait envoyer 10 Youssou Ndour faire la promotion du Sénégal, si le bouche-à-oreille est défavorable au pays ça ne servira à rien». Et de poursuivre : «Saly est la vitrine du Sénégal, et quand la vitrine est crade on ne voit pas ce qu'il y a dans le magasin».

Avec cet autre son de cloche, on se rend compte que la question du tourisme au Sénégal ne se résume pas uniquement à des horribles Blancs qui viennent chercher de la chair fraiche. D’ailleurs, s’ils y en a qui choisissent le Sénégal pour cette raison il faut dire qu’ils trouvent aussi des jeunes filles très disposées à satisfaire leur appétit. Et ce sont des sénégalaises bon teint ! Ce n’est donc pas systématiquement le touriste qui amène la dépravation dans sa valise. C’est sa rencontre avec des acteurs locaux dans un environnement plus que propice qui engendre les horreurs qu’on connait. Il y a donc un vrai problème propre au Sénégal que ce dernier ne peut plus indéfiniment mettre sur le dos des seuls touristes.

On voit bien combien que cette question est d’une complexité telle qu’elle nécessite une réflexion approfondie. Sans cet effort urgent - qui doit se faire sans démagogie – les problèmes sociaux, éducationnels, moraux et économiques qu’elle pose, seront toujours à l’avenant.

 Omar Ba avec Baolnews.com

 *Gustave est un prénom d’emprunt (l’homme a peur des représailles)