Le dernier homme de gauche à avoir dirigé la France s'appelait aussi François. Dix-sept ans après que Mitterrand a tiré sa révérence, la cinquième puissance mondiale bascule à gauche. Ereintée par 5 ans de Sarkozie vainement hyperactive. Offusquée par son indécence. Essorée par 5 ans de crise économique qui ont fini de détricoter le tissu industriel du pays. En 2012, l'Hexagone, à rebours du reste de l'Europe dominé par des dirigeants libéraux, a voté pour le socialisme. Portrait.Un père d'extrême-droite et une adolescence privilégiée passée entre les beaux quartiers de Neuilly et le château familial au sud du Havre. C'est le cadre de vie insoupçonné de François Gérard Georges Hollande, qui a fréquenté tout ce que Paris compte d'écoles de renom: HEC, Sciences-Po et l'ENA, dont il sort huitième de sa promotion (la même année où son prédécesseur à l'élection présidentielle, Ségolène Royal, en sortait avant-dernière...).Si, en 2007, François Hollande a renoncé à être candidat aux élections présidentielles au profit de son ex-compagne désignée dès le premier tour des «primaires citoyennes», l'affaire DSK lui a inopinément laissé une voie royale pour s'imposer en 2012.De lui-même, il dit être «le produit de la méritocratie française». Car si le foyer Hollande ne manquait pas d'argent, François a cravaché pour y arriver et n'a jamais eu froid aux yeux. Pas même lorsque, en 1981, il s'est agi de briguer un siège de député face à Jacques Chirac lui-même, de 22 ans son aîné, et sur ses propres terres corréziennes, qui sont depuis aussi devenues les siennes. Il n'a alors que 27 ans et perd lourdement face au maire de Paris. Qu'importe. François s'accroche, retente sa chance aux élections suivantes et devient député de Tulle, fonction dont il ne s'est jamais départi depuis, sauf de 1993 à 1997.FlambyOn le dit «mou». Tout le contraire de son concurrent Sarkozy, que les Anglais appellent Speedy. Son propre camp ne lui fait pas de cadeau: Arnaud Montebourg le surnomme Flamby dès 2003. On l'affuble aussi d'un autre sobriquet: Oui-Oui. Laurent Fabius le traite de «fraise des bois» et lâche même un ironique «Hollande président, on rêve».Malgré les apparences, son parcours transpire plutôt l'énergie: sous son mandat de premier secrétaire (1997-2008), le PS a relevé la tête, s'emparant de 24 des 26 régions et des mairies de Paris et Lyon (troisième ville de France).Mais rien n'y fait. Son physique, un peu rondouillard, et son visage avenant – «Jamais vu un type si sympa. En une heure, vous êtes son pote!», confie un élu à L'Express en 2011 – donnent envie de lui taper dans le dos plutôt que de le suivre comme un leader charismatique. Lionel Jospin ira même jusqu'à lui dire, avant de le regretter: «François, ton humour te perdra».Pour certains, François Hollande qui était à l'école avec Christian Clavier et Thierry Lhermitte, a raté sa carrière. Mais à la mort de sa mère, en 2008, François prend le taureau par les cornes: «Quelque chose s'est modifié en lui à ce moment-là, comme s'il avait décidé d'accomplir le rêve qu'elle avait pour lui», dit son biographe Serge Raffy.Jospin «lavé de ses peines»«Alors j'ai pris la route, à mon rythme, sans tenir compte des pronostics, des coteries, des commentaires goguenards de ceux qui prévoient tout et ne voient rien», annone-t-il.Ce tournant fera dire à l'acteur Daniel Guenish que «c'est une sorte de Barack Obama à la française. Au début, on n'en donnait pas cher, comme Obama face à Hillary Clinton. Mais il a fait une formidable campagne. Il possède une grande intelligence et un humour profond, métaphysique».Il perd 15 kilos. Commence à oser parler à la première personne. «Le petit commissionnaire sans envergure», comme le considéraient Martine Aubry et Dominique Strauss-Kahn – qui a carrément oublié de l'inviter à ses 60 ans fêtés en grandes pompes avec tout le gratin politique en juin 2009 – prend un coach vocal: l'ancien de la «Star Ac'» Marco Beacco. Désormais, il dit «je» à tout bout de champ et range toutes ses prétentions derrière le mot «justice».«Quand ma présidence sera jugée par les Français, s'ils me donnent leur suffrage, je veux qu'on dise, avec le recul du temps, "son quinquennat a été juste"». Il poursuit: «Ce simple mot guidera toute mon action. Si l'on est juste, on peut être ferme, on peut exiger l'effort, refuser la facilité, demander des sacrifices s'ils sont nécessaires"».Il collait des affichesDes sacrifices, Hollande a su en faire, lui qui a commencé en donnant un coup de main pour faire les photocopies au QG mitterrandien et qui, à l'aube, collait des affiches dans les rues de la capitale. Pudique, il est insondable même pour son propre fils: «Quand on est dans une pièce avec lui, on a l'impression qu'il y a une dizaine de portes autour de lui. On ne sait jamais par où il va sortir», lâche Thomas, dont il est capable d'oublier la soirée l'anniversaire – au grand dam de sa mère Ségolène Royal – pour aller parler de son engagement à la radio.Passionné, celui qui avait été réformé de l'armée pour myopie, a délibérément fait marche arrière et fini par faire son service militaire, par souci égalitaire. Il aurait même dit, à l'époque: «Comme je serai président, il faut que je l'aie fait».
Auteur: lematin.ch
Publié le: Dimanche 06 Mai 2012
Commentaires (0)
Participer à la Discussion