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Récusé par Karim Wade : Qui est le juge Amadou Bal ?

Auteur: Daouda MINE-Seneweb.com

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Photo : Seneweb.com

Depuis ce jeudi 6 août 2015, le juge Amadou Bal, Conseiller à la Cour suprême, est sur la sellette, récusé qu il est par les avocats de Karim Wade pour «impartialité». Ancien Directeur de cabinet du ministre de la Justice puis du Premier ministre, Aminata Touré, il est membre de la Chambre criminelle de la Cour suprême et fait partie des juges qui doivent statuer sur les recours déposés par Karim Wade après sa condamnation à 6 ans de prison ferme par la Cour de répression de l enrichissement illicite (Crei). Seneweb s est penché sur le parcours de ce juge, méconnu du grand public. Qui est le juge Amadou Bal ?

Si vous le croisez dans la rue, vous le confondriez à l animateur d Oscars des vacances, Aziz Samb. Ils sont tous les deux de teint clair, ont la même taille, la même corpulence, le même plastique et sensiblement le même âge. Amadou Bal est né le 20 janvier 1959 à Kabakoto, dans le département de Nioro du Rip. Descendant direct de Thierno Souleymane Bal, il a grandi dans un village très porté vers la religion où a séjourné El Hadj Omar Foutiyou Tall. Sa famille y occupait l’Imamat.Issu d’une famille polygame, son père, cultivateur, avait trois épouses qui vivaient toutes dans une même concession avec leurs enfants.

Inscrit à l école...par force

Pour peu, Amadou Bal ne serait pas ce magistrat réputé. Il serait un cultivateur comme l a été son père. Il a, en effet, été scolarisé par force. Etant jeune, une nuit, le préfet de la localité a débarqué dans son village avec des gendarmes pour «enlever» les enfants en âge d aller à l école et les inscrire par force, contre l avis de la plupart des parents. Amadou Bal faisait partie de ces enfants «enlevés», même s il était enthousiaste à l idée d aller à l école «pour fuir les travaux champêtres».

Très vite, le jeune Bal se révèle un bon élève. Après son entrée en 6e, il intègre le lycée Gaston Berger de Kaolack, actuel Valdiodio Ndiaye. Son Bepc (actuel Bfem) en poche, puis son Baccalauréat décroché en 1978 avec la mention Assez-Bien, il s inscrit à la Faculté des Sciences juridiques et politiques (Fac Droit) de l’Université de Dakar. En 1982, il obtient sa maîtrise, option «Relations internationales». Plus tard, il réussit le concours de l Ecole nationale d administration et de magistrature (Enam), section magistrature.

Après une formation de trois ans, il a été nommé juge suppléant dans le ressort de la Cour d’Appel de Dakar le 18 août 1986 et affecté en qualité de juge intérimaire au tribunal régional de Saint-Louis. Nommé juge d’instruction dans ladite juridiction le 3 septembre 1986, Amadou Bal sera titularisé plus tard en qualité de juge au tribunal de Première classe de Saint-Louis par décret n°88-1088 du 8 août 1988. Il a été nommé successivement Président par intérim du tribunal départemental de Mbour le 26 juin 1991 et de Rufisque le 7 août 1997. Par décret n°2002-114 du 12 février 2002, il a été nommé Doyen des juges d’instruction par intérim du tribunal régional hors classe de Dakar.

«Ces bons juges dont Wade ne veut pas»

Magistrat instructeur, il se montre intraitable. C est lui qui inculpe et place sous mandat de dépôt Cheikh Diop de la Cnts Fc dans l affaire de l incendie de la bourse du travail avant de l envoyer devant la Cour d assises contre l avis de certains responsables du Pds, alors tenants du pouvoir. C est également lui qui inculpe et place sous mandat de dépôt des gardes pénitentiaires qui avaient violenté l ancien caïd Alioune Badara Mbengue dit «diane gnangor» (serpent venimeux) occasionnant l amputation des deux bras de ce détenu. La grève des «matons» par solidarité à leurs collègues, menaçant d ouvrir les portes de Rebeuss et de faire sortir les membres de la bande à Abatallib Samb alias «Ino» (qui n étaient pas encore jugés à l époque), qui s en était suivie, l avait laissé de marbre. «Je ne connais pas la pression, je suis un esprit libre.J e peux regarder tout le monde, les yeux dans les yeux. Je supporte pas la corruption parce que pour moi, c’est déshonorant», confiait-il à nos confrères du journal «Le Quotidien» en 2010, après la session de la Cour d assises de Dakar qu il avait présidé.

Finalement, son indépendance ne faisant pas trop l affaire du régime de Wade, Amadou Bal est muté le 2 août 2003 au tribunal départemental hors classe de Dakar où il officie comme Président. Le 4 juillet 2004, on l éloigne de Dakar. Ce qui avait poussé le journal de Madiambal Diagne, «Le Quotidien», à le citer parmi «ces bons juges dont Wade ne veut pas». Amadou Bal est ainsi nommé Président par intérim du tribunal régional de Louga. Dans ladite juridiction, il officiera, cumulativement avec ses fonctions, comme Président du tribunal du travail. Le 13 avril 2006, il revient à Dakar. Il est nommé Conseiller à la Cour d’Appel de Dakar. Le 7 mai 2007, il officie comme Président de chambre à la Cour d’Appel de Dakar. Le conseil supérieur de la magistrature du 20 août 2010 l affectera à la Cour suprême comme Conseiller délégué.

Après l accession de Macky Sall à la magistrature suprême, Amadou Bal est choisi par Aminata Touré pour être son Directeur de cabinet. Poste qu il occupera à la Primature lorsque Aminata Touré a été nommée Premier ministre. Aminata Touré limogé, Amadou Bal est retourné à la Cour suprême de Dakar où il officie toujours comme Conseiller.

« Je n ai pas les moyens d avoir une 2e femme »

A 56 ans, sa réputation reste intacte. Il jouit d’un grand respect, du fait de son intégrité. Très discret, Bal fait partie de ces gens qu on croise dans la rue en train de marcher sans savoir qu il est ce magistrat de la catégorie hors hiérarchie.

Monogame et père de 5 enfants (2 garçons et 3 filles), il ne pense pas un jour épouser une 2e femme. Pour la bonne et simple raison que «les moyens dont il dispose ne lui permettent pas de prendre une deuxième épouse».

Demandez au juge Bal son secret, il vous répondra sans sourciller qu il ne faut jamais perdre de vue qu’on est des mortels. «Je rendrai compte à Dieu pour tous mes actes. J’en suis tellement persuadé que je le vis. On ne peut être un bon juge, si on n’a pas une croyance très forte en certaines valeurs. On ne peut juger des mortels comme soi et ne pas y mettre une dose d’humanisme» disait-il. Sa conviction est qu’«un jour de prison, c’est toute une vie».

Reste à savoir si les avocats de Karim Wade n ont pas raison de le récuser, si l on sait que Bal a bel et bien été impliqué dans le dossier Karim Wade, pour avoir coordonné, en tant que Directeur de cabinet du ministre de la Justice, des réunions sur la traque des biens mal acquis ? Réponse, le 20 août prochain !

Auteur: Daouda MINE-Seneweb.com
Publié le: Lundi 10 Août 2015

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