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La photo de presse n’est pas un jeu de hasard

Auteur: Mbaye Sadikh

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Le samedi 24 mai 2025, certains quotidiens sénégalais ont titré sur une marche organisée vendredi pour réclamer du nouveau régime la criminalisation de l’homosexualité. Parmi eux, L’As et Les Échos que nous considérons comme des journaux de la première division (Eh oui, nous pensons que tous les supports ne sont pas d’égale dignité). Ces deux journaux ont mis à la Une la photo d’un manifestant portant un t-shirt vert frappé du nom de l’organisation ‘’And sam jikko yi’’, avec un message sans équivoque : Non à l’homosexualité.Publier tel quel, il ne fait l’objet d’aucun doute pour le lecteur qu’il s’agit des images de la marche organisée la veille. Mais en vérité, cette image a été publiée bien avant. Des confrères ont constaté et relevé le fait que cette image a été publiée puis modifiée le 29 juillet 2022 sur le site du média français La Croix. En d’autres termes, l’image a été prise lorsque l’ancien président Macky Sall était encore au pouvoir. Alors que la manifestation de vendredi était dirigée contre le tandem Diomaye-Sonko, même si c’est sur la même question.Par ce procédé, le lecteur se trouve ainsi trompé par celui qui est censé l'informer. Et pourtant, notre intime conviction est qu’il n’y a pas volonté de manipuler (on peut se tromper aussi). En vérité, la presse sénégalaise fait parfois preuve de légèreté en ce qui concerne la photo de presse. Pour certains, le choix relève à la limite du hasard, on peut piocher (sur internet) les yeux fermés.D’ailleurs, ce manque de considération pour la photo de presse fait que beaucoup de rédactions ne disposent pas de photographe. Aujourd’hui, Le Soleil, L’Obs, Le Quotidien et les Échos sont, à notre connaissance, les seuls quotidiens qui disposent d’un photographe. Et c’est pourquoi d’ailleurs c’est assez curieux que le journal Les Echos puisse se tromper de photo sur la manifestation de vendredi. Pour les autres journaux, la banque de photos s’appelle presque toujours Internet. Certaines rédactions qui disposaient de photographes s’en sont débarrassées depuis longtemps. Et les sites d’information ne font guère mieux, sauf qu’ils ont parfois la possibilité de prendre des photos grâce à l’usage double de l’appareil.Tout ceci montre le peu d’intérêt que la presse sénégalaise manifeste vis-à-vis de la photo et de l’iconographie en général, puisque le dessin de presse ne cesse de reculer alors que l’infographie n’a presque jamais existé dans ce secteur.Pourtant, l’illustration occupe une place importante dans le journalisme. Dans bien des cas, une image exprime mieux la situation que toute autre description. Ce n’est pas pour rien qu’on dit qu’une image vaut mille mots. A la télévision, beaucoup de sujets ne sont pas abordés simplement parce qu’il n’y a pas d’images pour illustrer.Heureusement que la presse écrite échappe à ce diktat de l’image. Mais cela n’enlève en rien la place importante de celle-ci dans la profession. En vérité, la photo donne à l'événement son identité, une photo hors contexte devient alors une fausse identité. Il convient donc d’être très rigoureux dans l’utilisation des images. Lorsque ce sont des archives, le média à l’obligation de le signaler à son public. Ce que nos médias font semblant de ne pas comprendre. On prend n’importe quelle image, sans aucune mention.Et cette légèreté fait qu’on se trompe très souvent dans les choix. Pour un rien, on publie la photo d’une personne à la place d’une autre. Les célébrités et autres personnalités en sont les premières victimes, surtout lorsque le sujet est sensible. Mais il y a aussi les faits qui sont souvent torpillés, comme l’illustre la Une du journal L’Info du lundi 5 mai 2025. La rédaction a mis une image d’une ancienne manifestation, après avoir pris le soin de flouter une pancarte qui indique la vraie nature de l’évènement.Au total, il est fondamental de revenir aux principes et de redonner à l’image sa place dans le journalisme. C’est à ce titre que la presse pourra servir de rempart face à la manipulation sur les réseaux sociaux avec des images partagées à la vitesse de la lumière.
Auteur: Mbaye Sadikh

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