Le référendum d’autodétermination du 11 février 2011 n’a pas que permis aux habitants du sud de la république unitaire du Soudan, de voter à 98, 8 % des suffrages en faveur de l’indépendance proclamée six mois plus tard, le 9 juillet de la même année. Il a également conforté d’autres rêves ; voire autorisé – par ses échos retentissants forts opportunément captés dans d’autres pays plus ou moins logés à la même enseigne – des espoirs de partitions politiquement ou militairement victorieuses.
Sous cet angle, le démembrement ou le remembrement internationalement accepté et consacré du Soudan est passé du pari irréaliste au succès inattendu dans un continent souverainement jeune et fragile ; où les frontières héritées de la décolonisation sont, en elles-mêmes, de véritables bombes à retardement. Des périls frontaliers que les Pères fondateurs (Nkrumah, Nasser, Bourguiba, Sékou Touré, Jomo Kenyatta et autre Haïlé Sélassié) de l’Organisation de l’Unité africaine (OUA) avaient décidé de conjurer, en décrétant intangibles, les grossières lignes de démarcation entre les Etats.
La peur de voir des conflits à répétition opposer de nombreux pays, était manifestement passée par là. C’est ainsi que le fameux dogme du maintien intact des limites territoriales a prévalu soixante ans après les indépendances en rafales, acquises durant les années
En devenant le 53 ou 54e Etat du continent (selon que l’on reconnaisse ou non
Davantage qu’un précédent qui ouvre une brèche en démolissant le dogme de l’intangibilité des frontières, le nouvel Etat fait figure de laboratoire du séparatisme armé ou non, dans une Afrique qui regorge d’Etats susceptibles de servir de cobayes. Puisqu’à l’instar du Soudan d’avant l’amputation de sa partie méridionale, nombre de pays ont, en effet, des tailles démentielles (Nigeria et Rdc) ou des caractéristiques hérétiques (
D’où le traumatisme qui affecte les dirigeants du Sénégal, du Mali, de
Paradoxalement, l’indépendance du Sud-Soudan obtenue en juillet
En effet, le Tchad, à l’image de son voisin soudanais, a son sud (les bassins humides des fleuves Chari et Logone) habités par des chrétiens et des animistes. Et labouré par un irrédentisme dopé par la longue guerre civile qui a vu les nordistes (Hissène Habré, Goukouni Weddeye et Idriss Déby) récupérer le pouvoir des mains des sudistes François Tombalbaye, Félix Malloum et Abdelkader Kamougué. Quant au Sénégal, il est grandement victime des grimaces de l’Histoire et de la géographie (marchandages entre colonisateurs anglais et français) qui ont fait de
A titre de comparaison, il faut aller jusqu’au Cabinda (bande de terre physiquement soudée au Congo-Brazzaville mais administrée par l’Angola), au Lesotho (pays enveloppé par le territoire sud-africain) ou au très lointain Cachemire (sous-continent indien) pour croiser un tel degré d’hérésie dans la configuration d’un pays souverain ou d’une province autonome. Toutefois, l’acuité du sécessionnisme casamançais est tempérée par une couleur de peau commune à toutes les ethnies du Sénégal. A la différence, par exemple, de
Parmi les autres Etats caressés ou agressés par les effluves que répand l’accession du Sud-Soudan à la souveraineté internationale, on peut citer en vrac, le Mali, le Nigeria et
Evidemment, une positon géostratégique si privilégiée au centre du Sahara et au cœur de l’Afrique de l’Ouest – le Mali est bordé par 7 pays : Algérie, Niger, Burkina, Côte d’Ivoire, Guinée-Conakry, Sénégal et Mauritanie – ne pouvait être vide de convoitises. On se rappelle que le Général De Gaulle avait très habilement réactivé, dans la perspective de la négociation des Accords de 1962, un dangereux « machin » dénommé Organisation Commune des Régions Sahariennes (OCRS) dans le but précis d’amputer la future Algérie indépendante, de son Sahara où les essais nucléaires étaient en cours sur le site de Reggane. Comme quoi le virus du démantèlement des pays africains peut avoir des origines extérieures et…anciennes. Du reste, la rébellion actuelle du Mouvement de Libération de l’Azaouad (Mnla) tire ses racines de cette séquence obscure de la décolonisation de tous ces Etats en bordure du Sahara. (Voir le livre de George Chaffard : « Les carnets secrets de la décolonisation ».)
Le second (Nigeria) a accédé à l’indépendance avec ses germes propres et autres démons internes de la dislocation. Géant au pieds d’argile, la patrie du Nobel Wolé Soyinka est le condensé de toutes les démesures : volume démographique, abondance du pétrole, fente religieuse et anarchie militaire. Dés 1967, une sécession (le Biafra) d’intensité plus meurtrière que la guerre au Soudan, a secoué le pays, avant d’être jugulée en 1970. Depuis lors, les fondations du pays sont perpétuellement mises à rude épreuve. Et le groupe fondamentaliste Boko Haram, malgré un discours muet sur toute velléité de sécession, reste le meilleur agent de la partition du Nigeria. Car il faut vraiment une vision follement irréaliste pour envisager l’islamisation de tout le Nigeria, sans le casser en mille morceaux. Ici, c’est le syndrome sud-soudanais avant l’heure. Et la lettre.
« L’Afrique a la forme d’un revolver dont la gâchette se trouve au Congo » (Frantz Fanon dixit). Cette formule imagée de l’illustre Antillais et compagnon de route du FLN algérien – bien corroborée par la carte de l’Afrique – prouve que cette ancienne propriété du Roi des Belges, était programmée pour un destin de désordre voire de démantèlement. Effectivement, dans cet immense Congo – Etat frontalier du Soudan – l’Histoire n’a cessé de bégayer tragiquement en figeant le pays au carrefour de l’unité et de la division. Dès les premières heures de l’indépendance (1960) la riche province du Katanga proclama son indépendance sous la houlette du politicien Moise Tschombé épaulé par les puissances occidentales et les compagnies minières. Et l’exemple du Katanga fit tâche d’huile et couvrit le vaste pays, d’une mosaïque de rébellions d’inspiration tribale.
Il fallut une longue guerre civile et une non moins longue dictature du Général Mobutu, pour restaurer et maintenir – par une féroce tyrannie – l’unité de ce pays deux fois plus vaste que
En définitive, l’indépendance du Sud-Soudan agit à présent comme un stimulant voire un supplément d’engrais sur terreau déjà fertile.
PS En tirant leur indépendance de l’Accord de Nairobi, les rebelles soudanais ont prouvé à Salif Sadio qu’on peut négocier et gagner sans aller à Sant’Egidio, hors d’Afrique.
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