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[ GRAND ENTRETIEN ] AUDIO. Elène Tine, Députée : « La page de l’AFP est tournée… Il nous faut repenser le rapport des politiques à l’argent »

Auteur: Seneweb Radio

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« J’ai refusé de me compromettre pendant ces 12 ans (du régime Wade: ndlr)», a d’emblée tenu à préciser la députée Elène Tine, invitée du Grand Entretien de Seneweb radio. Première vice-présidente du Conseil régional de Thiès, Elène Tine dit tout, de ses relations avec Moustapha Niasse, leader de l’Afp, en passant par les préjudices subis du fait de son engagement politique, la corruption au Sénégal, le régime de «privilèges», entre autres.

Quid des accusations de spoliation de terres à Thiès ? « Une diffamation en bonne et due forme », dénonce Elène Tine, qui se dit déterminée à porter l’affaire devant les tribunaux. 

La page de l’AFP tournée, Elène Tine révèle avoir fait l’objet, il y a peu, d’ « une tentative de liquidation politique qui a lamentablement échoué ». 

Ecoutez le GRAND ENTRETIEN avec Elène Tine
 
 
Verdict rendu en février dernier par le tribunal des flagrants délits de Thiès qui a condamné à trois mois de prison un mécanicien de 32 ans qui se faisait passer pour votre fils.

C’est une affaire que nous avons vécue avec beaucoup d’émotion. C’est un jeune que nous connaissons, il est de notre communauté, il fréquentait notre maison ; on lui a grandement ouvert notre porte. Il est regrettable qu’il fasse trois mois de prison. Mais c’est parce que l’autre partie qui a fait les frais de ses agissements, un préjudice de 480 000 F, a décidé d’amener l’affaire en justice. Personnellement, je suis intervenue, j’ai été voir le procureur pour voir comment accompagner ce jeune et l’aider à remonter la pente. C’est un jeune désœuvré qui a cherché la facilité. Il a pensé qu’en utilisant mon nom, qu’il allait pouvoir tromper des Sénégalais. Je présente mes excuses à toutes ces personnes qui ont fait les frais de cette affaire. Nous mesurons toute la responsabilité que nous avons, en tant que politiques, devant des situations pareilles. C’est malheureux, je considère tous les jeunes comme des fils et des filles. Ma maison est ouverte à tout le monde ; il a voulu en abuser. Je pense la leçon que la justice lui a donnée, lui permettra de revenir sur le droit chemin.

CESE, Amendement pour contester la violation du principe paritaire

J’ai déposé un amendement lors du vote de la loi sur le CESE (Conseil économique social et environnemental). Faire en sorte que cette institution soit paritaire, pour les 80 membres qui devaient être nommés par le président de la République. Nous avons pris des engagements sur le plan international avec le Protocole de Maputo, avec la Cedeao et d’autres conventions que nous avons signées et qui sont au-dessus même de notre Loi fondamentale. Ce, après les actes posés par l’ancien régime, qui nous ont permis aujourd’hui d’être classés parmi les pays en tête par rapport à la parité, à la présence des femmes au parlement.

Les députés, des privilégiés ?

Le président sénégalais a été interpellé, soi-disant que tous les hommes politiques sénégalais étaient plus ou moins corrompus. (…) Il faut qu’ils puissent mieux assumer leur rôle ; le député est une institution sociale, il faut redonner de la crédibilité aux députés. 100 000 F, c’est dérisoire, pas comme «soukerou kor», mais dérisoire par rapport à toutes les attentes qu’ont les populations vis-à-vis des députés.

J’ai proposé à un réseau de parlementaires de lutte contre la corruption, de faire faire des études pour qu’on puisse comparer le traitement des députés dans les différents pays. On a parlé des 150 000 F d’indemnités de logement, des 100 000F de soukerou kor ; ce n’est pas inscrit dans le budget, c’est laissé à la discrétion du président de l’Assemblée. 

Pour la demande sociale, les gens se rabattent sur les députés qui sont plus accessibles. Nous devons être accessibles parce que nous sommes des élus du peuple. J’ai reçu ces 100 000 F, mais je les ai multipliés par cinq pour les redistribuer aux populations. Il faut peut-être revoir ces concepts de « soukerou kor », cela entache la crédibilité des députés. Il nous faut revoir le rapport de la politique à l’argent, il nous faut travailler pour repenser ce régime de privilèges, dans notre pays. C’est ce qui est à la base de toute cette corruption. 

Des privilèges ? En tant que député, notre voiture est un outil de travail, notre salaire, nous le retournons aux populations. Mais il nous faut revoir toutes les pratiques qui ont toujours existé au parlement. Toutes ces affaires qui éclatent sont en train de miner la crédibilité de notre pays.

Elène Tine, un engagement politique qui date de 1999

Mon engagement politique date de 1999. Cela m’a beaucoup coûté, mais cela m’a beaucoup apporté aussi. J’étais dans un système qui ne me permettait pas de suivre mon engagement politique. J’ai préféré à un moment donné, prendre ma liberté. Je suis entrée en politique en 1999. La situation que vivaient les populations dans mon terroir, à l’époque, me préoccupait. Quand il pleuvait, les populations étaient complètement coupées du territoire.

J’avais aussi fait une introspection. Nous les cadres, avions l’habitude de critiquer les hommes politiques, mais nous n’étions pas engagés. Participer à la gestion des affaires était la meilleure façon de contribuer au développement de notre pays, en s’impliquant. J’avais aussi perçu dans l’appel du 16 Juin, toutes les préoccupations de l’époque, qui me semblaient correspondre aux préoccupations que vivaient les Sénégalais. J’avais aussi entendu l’appel des évêques du Sénégal, qui voulaient que la communauté chrétienne s’implique en politique. Tous ces facteurs m’ont amenée à l’Alliance des forces de progrès. Cela requiert des sacrifices pour l’intérêt général.

Il a fallu faire le choix entre ma position personnelle et mon engagement politique, laquelle m’a causé beaucoup de préjudice sur le plan professionnel. Je me suis repliée à Thiès pour pouvoir vivre. Ce régime (Wade) a essayé de nous asphyxier financièrement. Cela m’a amenée, avec ma famille, à revoir notre façon de vivre. Il nous fallait, pour avoir de l’autonomie, louer la maison de Dakar et nous replier à Thiès et de trouver des ressources familiales à travers ce que nous avions pour construire une maison. Survire malgré tout.

Un soutien de Moustapha Niasse à l’époque ?

C’est ça le problème, c’est cela qu’il faut changer dans la politique. Il faut avoir des rapports francs entre les leaders politiques et les militants, les responsables des partis. Je n’ai pas voulu dépendre… On n’était pas dans une entreprise privée, mais dans un parti politique. C’est l’engagement, l’adhésion à un programme, mais pas le compte bancaire du leader.

Elène Tine toujours membre de l’AFP ?

Il y a eu une tentative de liquidation politique qui a lamentablement échoué. Cela a duré plus d’un an, au lendemain du congrès de mars 2011. J’en ai discuté avec Moustapha Niasse à l’époque. Quand l’heure est venue de poser des actes pour donner une réponse à ceux-là qui ont mené, orchestré cette tentative de liquidation politique, je l’ai fait. Je l’ai fait en toute liberté. 

Aujourd’hui, ce qui est important, pour moi, c’est que la page de l’AFP est tournée. Je n’ai pas de contentieux personnel avec qui que ce soit à l’AFP. Je les considère tous comme des amis. L’AFP m’a permis de vivre ma première expérience politique, elle m’a permis de m’exprimer. Elle a été pour moi une école. J’ai donné le meilleur de moi-même à l’AFP à travers toutes les responsabilités que j’ai eu à occuper. En mettant de l’avant les valeurs autour desquelles l’AFP avait appelé. Et pendant douze ans, je n’ai jamais rencontré Me Abdoulaye Wade, pendant ces douze ans là, je n’ai pas mis les pieds au palais. Même au sein de l’AFP, de l’équipe dirigeante, il y a en qui ne se gênaient pas à aller rencontrer Wade la nuit. C’est un secret de polichinelle. Les propositions pleuvaient de partout, mais j’ai voulu rester digne, constante, j’ai voulu rester moi-même. Avec beaucoup d’autres militants qui ont eu cette même démarche. Nous nous retrouvons sur l’essentiel : la constance en politique, l’éthique et la morale. Je remercie tous les gens de l’AFP pour l’accompagnement.

Accusations de spoliation de terres, Mairie de Thiès

Il est malheureux que cette question foncière soit le talon d’Achille des maires, des PCR et élus au niveau des collectivités locales. Dans le cadre de la phase 3 de la Décentralisation, il faut que le pouvoir fasse une évaluation avec la commission chargée de la question foncière. Pour que nous puissions rectifier (…). La gestion du foncier pour la plupart du temps a permis d’affaiblir, d’appauvrir les paysans qui n’ont que cette ressources là.

Il faut penser à valoriser le peu de ressources qu’ils ont. Pourquoi pas, immatriculer certaines terres qui appartiennent aux paysans, à leurs noms. Ce qui leur permettrait d’avoir une ressource sûre. 

Je ne peux pas tenir ce discours et faire partie de ceux qui ont spolié les terres de mes propres parents. J’ai été accusée d’être l’un des plus grands bénéficiaires des lotissements de Thiès. Après douze ans de combat politique, j’ai refusé de me compromettre. C’est aberrant. Des attaques de cette nature sont indignes des hommes politiques dans ce pays.

Quand ces accusations ont fusé de la part de ceux qui tiennent aujourd’hui la mairie de Thiès, je leur ai envoyé une sommation interpellative : ils se sont plus ou moins débinés. Ils m’ont demandé d’aller voir du côté du journaliste (qui a publié l'information sur les spoliations de terres à Thiès: ndlr) ; ce dernier m’a fait écouter l’enregistrement et j’ai bien entendu ce qui a été dit. Ce qui est écrit correspond à ce qui a été dit. Le maire (Yankhoba Diattara, 1 er adjoint au maire de Thiès: ndlr) a refusé de répondre à la question dans l’acte que l’huissier m’a remis par l’intermédiaire de mon avocat. Je n’ai pas voulu m’en arrêter là ; j’ai demandé au receveur des Domaines de me notifier l’attribution des parcelles évoquées par le maire sur ces deux sites. Je lui ai donné une photocopie légalisée de ma pièce d’identité, avec une lettre de demande formelle. Le recevoir qui est l’autorité attitrée m’a renvoyé par courrier une lettre pour dire « je n’ai pas vu votre nom sur ces lotissements ». 

Ce sont des accusations gratuites, une diffamation en bonne et due forme. Comment puis-je être le plus grand attributaire de ces terres alors que mon nom ne figure sur aucune de ces listes ? Quand j’ai tenu une conférence de presse pour donner à l’opinion l’information, et donner l’occasion à Yankhoba Diattara (que je considère comme un neveu) de s’amender, ses partisans ont commencé à faire passer un message pour dire que les parcelles étaient aux noms de mes enfants et de mes neveux. Je demande à mon avocat de leur servir une citation directe, pour que Monsieur Diattara daigne dire à l’opinion que ce qu’il a dit est faux.

Il faut que cette affaire là soit éclaircie devant la justice. Mes neveux, mes enfants, qui sont attributaires dans le village de leur père, de leur grand-père, n’ont reçu que des parcelles que la mairie a données en indemnisation à leurs parents (allusion aux lotissements du village de Poniène dont est originaire Elène Tine: ndlr)). Mon mari représentait sa famille dans la commission qui a discuté avec le maire dans le village. Leurs terres, leurs champs font partie du lotissement. Ils ont, de ce fait, droit à une indemnisation comme toutes les familles dont les terres étaient concernées par le lotissement. Il y a des familles ont reçu 10 parcelles, la famille de mon mari en a reçu 4. Ils ont décidé de mettre ça sous le nom de leurs enfants. 

Que ce soit des neveux à moi, ou des enfants à moi, je ne leur ai rien donné, mon statut ne leur a rien donné. L’institution a donné aux parents des parcelles pour les indemniser comme c’est prévu. Pour que cela soit claire. Le maire, dans ses déclarations, se positionne en corrupteur, comme s’il avait corrompu toute la classe politique de Thiès, s’il avait corrompu tout Thiès avec des ressources qui ne lui appartiennent pas. Qui ont été spoliées. Pour un hectare qui fait 27 à 30 parcelles, il a donné deux parcelles aux populations ; on lotis ton champ, tu as droit à deux parcelles. Qu’est ce qu’on a fait du reste ? Il faudrait qu’on le sache. 

Recueillis par Seneweb News

Auteur: Seneweb Radio
Publié le: Dimanche 25 Août 2013

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