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OUSMANE TANOR DIENG, SECRETAIRE GENERAL DU PARTI SOCIALISTE «Il faut encadrer la majorité actuelle pour qu’elle ne verse pas dans les dérapages connus sous Wade»

Auteur: THIERNO DIALLO

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De retour à Dakar après avoir assisté, à Paris, à la victoire de François Hollande lors l’élection présidentielle française, Ousmane Tanor Dieng s’est confié à L’Observateur. Avec le bons sens qui le caractérise, le secrétaire général du Parti socialiste sénégalais fait le tour de l’actualité.

Au soir du 6 mai dernier, on vous a vu jubiler à la Place de la Bastille à Paris pour fêter la victoire de François Hollande à l’élection présidentielle française. C’était aussi important pour vous d’être aux côtés de vos camarades français ce soir-là pour leur retour aux affaires, 17 ans après ? Vous savez qu’avec le Parti socialiste français nous appartenons à la même idéologie, à la même famille politique qui est d’ailleurs la plus importante au monde. Vous savez également que lors de mon dernier meeting ici à Dakar en 2007 et 2012, le Ps français avait envoyé une délégation. Au congrès de notre parti, c’était pareil. Et moi-même, je me suis rendu pratiquement aux différents congrès du Ps français. Ce parti dirige le comité éthique de l’Internationale socialiste et il y est vice-président. Moi aussi, je suis membre de ce comité et je suis vice- président. Donc beaucoup de choses nous lient, en plus du fait que notre parti, le Parti socialiste du Sénégal, a la même filiation que le Ps français, en l’occurrence la SFIO. Voilà les raisons pour lesquelles je me suis rendu en France d’abord pour assister au dernier grand meeting de François Hollande à Toulouse où j’étais avec d’autres délégations de socialistes, du Portugal notamment. Et nous avons échangé avec lui, nous l’avons encouragé et il l’a très bien apprécié. Et je suis resté à Paris pour attendre les résultats avec évidemment beaucoup d’anxiété parce qu’au fur et à mesure que nous approchions de la date du scrutin, les sondages annonçaient que l’écart était en train de se resserrer. Et c’était un enjeu majeur pour les socialistes du monde entier parce qu’aujourd’hui l’Europe a complètement basculé à droite ces dernières années (…)

Parlons toujours de l’actualité internationale : la sous-région est à nouveau ébranlée par des soubresauts politiques au Mali et en Guinée-Bissau. Quand on est leader d’un parti (le Ps) dans un pays politiquement stable, où les institutions sont solides et sacrées, que peut-on penser de ces coups de pieds récurrents à la démocratie chez les pays frontaliers ? Je suis très préoccupé par ce qui se passe dans la sous-région, à savoir la recrudescence des coups d’Etat. Je faisais partie de ceux qui pensaient que la page est tournée et que l’Afrique avance de manière résolue vers la démocratisation. Et, aujourd’hui, au Mali, il y a eu pratiquement vingt ans de démocratie. Alpha Oumar Konaré a fait dix ans, Amadou Toumani Touré aussi dix, à deux mois près. Et c’est à ce moment-là que le coup d’Etat a eu lieu. C’est vraiment très préoccupant. En Guinée-Bissau, ce n’est pas très étonnant parce qu’il n’y a pas d’Etat dans ce pays. Cette situation actuelle, notamment celle du Mali, avec tout le Nord du pays qui est aujourd’hui occupé par une mosaïque de groupes dont les intérêts pour occuper la zone peuvent être les mêmes, mais une fois que la zone est occupée, les divergences apparaissent après entre les différents groupes, c’est-à-dire le Mnla, Aqmi, Ansar ad-din… Entre tous ces groupes-là, je suis persuadé que, dans les mois à venir, les divergences vont apparaître. Et il me paraît essentiel que cette question soit prise au sérieux, cette question qui agite d’ailleurs toute la bande du Sahel jusqu’au Niger, en passant par le Tchad, avec tout ce que cela pose avec les populations touaregs qui habitent jusqu’en Algérie. Il y a véritablement un arc de feu qu’il faut éteindre (…)

En France, c’est votre candidat qui a gagné. Au Sénégal, votre vœu a été exaucé, puisque le candidat que vous avez soutenu au second tour a battu Abdoulaye Wade dont vous avez combattu la candidature. Alors, 2012 est une bonne crue pour vous et votre parti ?Tout à fait, parce que notre objectif premier, majeur, fondamental, c’était de faire partir le régime d’Abdoulaye Wade parce que, pendant douze ans, le pays a été totalement détruit. Et nous sommes en train de voir maintenant… Je disais toujours que c’est lorsqu’ils sont partis qu’on va découvrir certaines choses. Et, avec moi, vous découvrez chaque jour dans la presse des choses nouvelles qui apparaissent et qui illustrent la manière catastrophique avec laquelle le pays a été géré. Et, donc, notre objectif, c’était de faire partir Abdoulaye Wade. On avait retenu que celui d’entre nous qui serait le mieux placé dans l’opposition, on le soutiendrait. Et il s’est trouvé que c’était Macky Sall, donc on l’a soutenu. Abdoulaye Wade disait que les déclarations des leaders des partis n’engagent pas les militants et que les 80% des militants socialistes voteront pour lui, les 85% des militants de chez Moustapha Niasse voteront pour lui, ainsi de suite. Mais il a vu qu’il y a eu un report massif et presque automatique, 65%. Et ça, c’est vraiment une victoire. Et il y a beaucoup d’espoirs qui sont placés en cette victoire et en Macky Sall qui en est l’illustration. Il ne faudrait pas qu’on déçoive les attentes des Sénégalais. Et sur ça aussi, nous serons vigilants.

Qu’est-ce que Macky Sall et ses alliés ne doivent justement pas faire pour ne pas décevoir ces attentes du peuple ? D’abord, il ne faut pas faire tout ce que faisait Wade. Ça, c’est essentiel. Il ne faut pas que les Sénégalais disent qu’ils sont tous pareils, que ce que faisait Abdoulaye Wade c’est ce qu’on est en train de faire aujourd’hui. Donc, la première chose à faire c’est vraiment de prendre le contre-pied de ce que faisait Abdoulaye Wade et qui symbolisait la mal gouvernance. Il y a aucun domaine dans lequel les Sénégalais ont été satisfaits par rapport à leurs attentes, parce qu’Abdoulaye Wade avait pris des engagements en 2000 et il ne les a pas respectés. Il faut donc que les promesses que nous avons faites nous les respections ! Et je crois que c’est en train d’être fait avec la baisse des prix des denrées de première nécessité. Un effort est également en train d’être fait en direction du monde rural, notamment sur la campagne agricole. Et, troisièmement, pour ce qui me concerne, il y a une attente et il ne faudrait pas qu’on revienne aux délestages à n’en plus finir. La question de l’Ecole aussi, il faut qu’on la règle. Nous avions pris ensemble un certain nombre d’engagements dans le cadre des Assises, de Bennoo Bokk Yaakaar et il faudra donc que ces engagements-là soient respectés. Mais il faudra aussi que les Sénégalais sachent que le legs est lourd, et que les choses ne peuvent pas se faire du jour au lendemain (…)Comme sur le plan international, sur le plan interne aussi, c’est un partenariat que nous avons avec Macky Sall et nous serons vigilants. Quand nous constaterons que les engagements qui avaient été pris ne sont pas respectés, nous le ferons remarquer et nous le dirons clairement, parce que c’est ça le partenariat. Il ne s’agit pas de venir aveuglément dire que tout va bien, tout marche bien. Et ça, ce n’est d’ailleurs pas l’intérêt de Macky Sall.

Sur ce point justement, les alliés de Wade en 2000 lui avaient pratiquement accordé un blanc-seing sans aucune surveillance, mais on a vu ce qui s’est passé par la suite. Est-ce que cette fois les alliés ont au moins pris des dispositions pour ne pas commettre les mêmes erreurs ? Oui, je le pense, même si ce n’est pas écrit. Mais je m’en tiens à ce que Macky Sall a déclaré, jusqu’à ce que je voie dans son comportement des actes contraires aux engagements qu’il a pris. Moi je lui fais confiance, je fais un pari optimiste sur l’homme, en attendant de voir autre chose. Et si je vois autre chose, tout le monde sait que je vais le lui dire clairement.

En 2000, tous les leaders de parti qui ont participé à la victoire d’Abdoulaye Wade contre Abdou Diouf sont entrés dans le premier gouvernement de l’alternance. Mais ce n’est pas le cas cette année, car vous y avez tous envoyé vos «seconds couteaux». Est-ce une façon de garder une certaine marge de manœuvre par rapport au président de la République, pour éviter ce qui s’est passé avec Wade ? Non, pour ce qui nous concerne, c’est d’abord parce que nous avons estimé que pour le nombre de postes que nous avons (3), il fallait en avoir un pour les alliés. Il en restait deux. Et, décemment, vous ne pouvez pas dire : on a deux postes, j’en prends un et je vous laisse l’autre. Ce n’est pas décent. C’est pourquoi je n’y suis pas.

Charité bien ordonnée…(Rire) Non, dans le cas d’espèce, ça me paraît indécent. Pour ce qui est de notre parti, nous avons des ressources humaines absolument remarquables, qui peuvent nous représenter.

Mais là, aucun des leaders n’est entré dans le gouvernement, c’est comme si vous aviez, d’un commun accord, décidé de parer à toutes éventualités. Non, du tout. Peut-être que tout le monde était confronté à la même situation. Quand vous en avez deux, comme par exemple chez Idrissa Seck, et que vous dites : je prends un et je vous laisse l’autre (rires)…En tout cas, pour moi, la meilleure des solutions était qu’on puisse proposer deux camarades du parti, une femme et un homme, parce qu’il fallait aussi travailler dans la parité, et un allié. Dans ce cas de figure, il ne me paraissait donc pas décent que je prenne un des deux postes. Et puis j’ai occupé des responsabilités dans ce pays, ce qui fait que c’est une bonne chose de laisser à d’autres la possibilité d’occuper des responsabilités et de faire leurs preuves. C’est vraiment, pour ma part, ce qui m’a guidé. De plus, on peut servir le pays à n’importe quel poste. Là où je suis, je vais les aider à servir le pays autant que si j’étais dans le gouvernement. Puisque, une fois de plus, je rencontre le Président chaque fois que je le souhaite. Chaque fois qu’une question me paraît importante, je lui dis ce que j’en pense. Et si je vois aujourd’hui ou demain des choses qui ne marchent pas, je vais aller immédiatement en discuter avec lui et lui donner mon point de vue.

On sait que depuis votre défaite au premier tour et l’élection de votre candidat, Macky Sall, au second tour, vous n’avez jamais souhaité parler ou commenter dans la presse l’actualité du Ps. Peut-on au moins savoir les raisons de ce choix communicationnel ? C’est très clair et c’est un choix que nous avons fait ensemble dans le parti. C’est-à-dire qu’aujourd’hui nous n’avons même pas fait l’évaluation de l’élection présidentielle. Nous le ferons après, parce qu’une évaluation suppose qu’on situe des responsabilités, qu’on ait des échanges, et que ces échanges-là laissent des séquelles dans l’évaluation. Et ces séquelles-là peuvent empêcher qu’on puisse être unis pour aller aux Législatives. C’est pourquoi nous avons différé cette évaluation. Nous irons ensemble aller aux Législatives, et une fois qu’on aura terminé ces Législatives, on fera l’évaluation. D’ailleurs, il est proposé un séminaire pour discuter, évaluer les élections. Ensuite, nous nous préparerons pour nous occuper des questions internes à notre parti et des questions de notre coalition. Ça me semble une démarche cohérente, logique, pour atteindre les objectifs que nous nous sommes fixés, à savoir, la majorité à l’Assemblée nationale.

On vous sent personnellement très enthousiaste, résolument engagé à jouer pleinement votre partition dans la majorité. Avez-vous peur de «l’usure de l’opposition», douze ans après la perte du pouvoir par Diouf ? Non, ce n’est pas ça. De toutes les façons, on ne peut pas être dans l’opposition, parce que nous avons gagné. Vous savez très bien que pour que Macky Sall gagne, il a fallu que nous nous mettions tous ensemble, parce que l’objectif c’était de faire partir Wade. A partir de ce moment-là, nous sommes dans la majorité présidentielle, et nous avons travaillé pour qu’il y ait une majorité qui fasse partir Abdoulaye Wade. Et puis, douze ans d’opposition, ça suffit. Il faut que nous puissions travailler pour le pays au sein de l’exécutif, du Parlement. A notre façon, on a servi le pays dans l’opposition pendant douze ans. Pendant cette période-là, nous n’avons voulu avoir aucun rapport, sous quelque forme que ce soit avec Abdoulaye Wade. Et nous ne sommes responsables de rien ce qu’il a fait. Bien que lui-même ait voulu qu’on travaille avec lui, nous ne l’avons jamais accepté, parce que nous avons considéré qu’en démocratie, il faut qu’il y ait une majorité et une opposition. Et il faut qu’à l’Assemblée il y ait une opposition significative, mais que nous, nous soyons dans une majorité plurielle et que nous soyons vigilants pour encadrer cette majorité-là afin qu’elle ne verse pas dans les dérapages que nous avons connus sous le régime d’Abdoulaye Wade.

Auteur: THIERNO DIALLO
Publié le: Vendredi 25 Mai 2012

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