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RIXE ENTRE SERIGNE ABDOU FATTAH ET MBAYE NDIAYE : Ces marabouts en marge des normes républicaines

Auteur: loffice

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La sortie de Serigne Abdou Fattah Mbacké, porte-parole de la famille de Serigne Fallou Mbacké, lors du Magal de Serigne Bass Abdou Khadre Mbacké, 4e Khalife de Cheikh Ahmadou Bamba Mbacké, le samedi 17 novembre 2012 dernier, traitant de tous les noms d’oiseaux le ministre d’Etat auprès du Président de la République, Mbaye Ndiaye, est à placer dans son « contexte sociologique, aux yeux de nombre d’observateurs de la scène politique ». Et cela eu égard au type de rapport que l’exécutif a toujours entretenu avec la classe maraboutique, plus particulièrement avec Touba-la-Sainte ?

Aujourd’hui, nombreux sont les Sénégalais qui aimeraient en savoir plus sur les raisons qui font que depuis l’avènement de l’alternance, toutes les crises politiques au Sénégal ont toujours eu comme théâtre d’opération Touba. Il suffit qu’un ministre soit défénestré, ou qu’un homme politique ait maille à partir avec la justice, qu’il s’empresse de se rapprocher de Touba pour essayer de trouver une solution à ce problème. Par rapport à ça, les marabouts croient toujours détenir tous les pouvoirs. Aux yeux de Modou Gaye, informaticien établi non loin du Rond-point de Liberté 6, « c’est eux, en clair, qui font et défont les gouvernements, c’est eux qui gèrent la pérennité des hommes d’Etat au sommet du pouvoir. Et par rapport à ça, ils se croient tout permis ». A travers les rues de Dakar, nombreux sont ceux-là qui trouvent cette sortie « inélégante » pour au moins deux raisons. Arroser un homme d’Etat, de surcroit, un ministre de la République, de propos désobligeants, et en public, reste pour les uns, simplement malheureux et dangereux pour une République qui se respecte. 

D’autres de s’offusquer de la « profanation » du milieu où a eu lieu l’incident, à un moment de souvenir de la disparition d’un illustre homme de Dieu, donc de dévotion, de piété, de retour à Dieu. Et de ce point de vue, d’aucuns de penser que la sortie du marabout n’a aucun sens dans un pays à tradition démocratique, avec une séparation des pouvoirs qui est loin d’être un vœu pieux, mais une « réalité » ? Ce que Fallou Diop, gérant d’une quincaillerie à Colobane retient aujourd’hui, « c’est que nos hommes d’Etat se sont toujours servis de la classe maraboutique pour des strapontins, comme fonds de commerce. Et à partir de ce moment donné, c’est un type de rapport de force totalement à l’avantage des marabouts, lesquels en revanche se servent des hommes politiques pour régler des problèmes à caractère purement existentiel ». Et là, son voisin Doudou Diagne, commerçant, de faire remarquer qu’on est loin du « cadre spirituel ». Du fait qu’il ne s’agit que de gérer des « problèmes matériels ». De Tilène à Sandaga, nombreux sont les Sénégalais qui pensent que cette sortie du marabout n’a « rien d’étonnant au Sénégal », quand ils se rappellent ce fameux comportement du Président Abdoulaye Wade qui, pour les besoins d’une cérémonie religieuse, sera prêt à se transformer en traducteur devant le Khalife général face à un chef de chantier chinois. Ou un Madické Niang, ministre, lequel pour les besoins d’un Magal, se transforme en « chambellan » de son guide religieux. N’est-ce pas là une République simplement « dévoyée » ? Une République qui n’existe que de nom ? Selon Mansour Cissé, un homme d’affaires croisé au Rond-point Sandaga, « c’est là, en toute connaissance de cause, une véritable crise au sommet de l’Etat. En ce sens que nos hommes politiques ne sont pas si souverains, si responsables, si intègre qu’on le pense ».

L’honorabilité du Chef de l’Etat soumise à rude épreuve

Au-delà de l’incident qui a émaillé le Magal de Serigne Bass Abdou Khadre Mbacké, nombre de citoyens s’offusquent du fait que c’est « l’honorabilité » même du Chef de l’Etat qui a été « soumise à rude épreuve ». En ce sens que le ministre Mbaye Ndiaye a été le « porte-parole » et « l’envoyé spécial » du Président Macky Sall dans la ville sainte pour les besoins de cette cérémonie religieuse. Malick Mbaye, maître-tailleur à Colobane, de soutenir être édifié, à travers cet incident, au moins sur deux choses. D’abord, le pouvoir spirituel s’est toujours comporté comme une « sorte de pouvoir au dessus de l’exécutif ». Simplement parce que « nos hommes politiques qui considèrent les guides religieux comme de grands électeurs, ont délibérément pris l’option d’être à la solde de la classe maraboutique. De ce point de vue, leur pérennité au sommet de l’Etat, leur stabilité au sommet de l’exécutif semblent dépendre de la bonne volonté de marabouts qui ont cette capacité de faire et de défaire les régimes ». Son épouse, BT, elle, croit comprendre aisément les raisons pour lesquelles ces hommes politiques se sont toujours comportés en « thuriféraires », en « esclaves » de ces guides religieux à travers lesquels ils voient des hommes capables de leur assurer, au moins, une pérennité au sommet de l’Etat.

Comme des monarques

Responsable syndicale à Khar-Yalla, la dame Aminata Touré de constater, pour bien le déplorer, « que nos marabouts, dans bien des cas, ne se sont jamais préoccupés du mal vivre sénégalais. Ils n’ont jamais levé le plus petit doigt pour dénoncer la perversion de la jeunesse, ou se prononcer contre la vie chère, ces engagements de l’Etat qui n’ont pas été respectés, ces agressions tous azimuts ». Aux yeux de cette dernière, « depuis la disparition du saint homme de Tivaouane, Cheikh Al Seydi Hadj Abdoul Aziz Sy A’Dabbakh Malick (Rta), nos marabouts n’ont jamais réussi à s’ériger en véritable rempart contre la dépravation des mœurs. Sinon, ils se sont toujours préoccupés de leurs propres intérêts. On ne les entend jamais dénoncer, déplorer, s’émouvoir de la crise sociale ». Et de ce point de vue, « rien d’étonnant », selon une de ses camarades, Bineta Diagne, pour que ces marabouts, à l’instar de l’incident de la Résidence privée de Serigne Bass Abdou Khadre Mbacké, se comportent comme des « monarques ». Comme un « pouvoir au dessus de tous les autres pouvoirs ». Ainsi, fera-t-elle remarquer, « trinque la société parce que tout simplement nos hommes politiques ne sont pas dignes des postes qu’ils occupent aujourd’hui au sommet de l’État ».

Touba a toujours représenté un fonds de commerce pour les hommes d’Etat sénégalais

Bon nombre d’observateurs de la scène politique n’ont pas manqué de déplorer l’attitude de Maître Abdoulaye Wade qui n’a jamais caché sa préférence pour Touba et pour le Mouridisme dès le début de son magistère. Un choix qui, aux yeux de l’enseignant Bachir Ndiaye, « n’a jamais été dicté par une foi au Mouridisme ou à Serigne Touba. Mais simplement mû par des intérêts purement politiciens. D’autant que le Président Wade a toujours cru au Ndigël qui est l’un des piliers du Mouridisme ». Pour dire, fait remarquer son collègue Bathie Gassama, « que Touba a toujours représenté un fonds de commerce pour tous ces hommes d’Etat qui ont eu à se succéder au sommet de l’Etat. Depuis le Président Léopold Sédar Senghor, avec cet appui historique qu’il a eu de Serigne Fallou, en passant par Abdou Diouf qui avait bénéficié, en 1988, du fameux Ndigël de Cheikh Abdou Lahad Mbacké. C’est donc, en toute logique, qu’Abdoulaye Wade, dès son accession à la magistrature suprême, s’est tourné vers Touba pour, quand même, s’assurer une certaine stabilité à la tête de l’État ». Selon Safiétou Kane, une enseignante, « si en réalité, le choix de Wade a été porté sur Touba, ce n’est pas parce qu’il est mouride, mais tout simplement parce qu’il a voulu se servir de la ville sainte pour s’éternise au pouvoir ».

Le salut ne passe pas, forcément, par le « ndigël »

La culture démocratique a été telle que les marabouts, aujourd’hui, se sont rendu compte de leur impuissance, leur impossibilité à maintenir les hommes d’Etat au pouvoir. Le Sénégalais lambda ayant aujourd’hui acquis une tradition, une culture démocratique qui lui permet, nonobstant les consignes de vote des marabouts, de choisir le Président qui lui convient en toute liberté. En toute souveraineté. En toute démocratie. Sans tenir compte de quelque consigne de vote que ce soit. L’exemple de Cheikh Béthio qui se prévalait d’un « capital électoral de 12 millions de Talibés » est là pour le prouver. Qu’est-ce que, véritablement, le guide religieux des Thiantacounes a pu apporter au Président Wade ? Aussi bien au premier tour qu’au second. La position maraboutique par rapport à la présidentielle 2012, n’a-t-elle pas été l’occasion pour les Sénégalais de démontrer aux guides religieux que « si c’est pour les suivre sur la voie de Dieu », ils sont prêts à le faire ? Et que si les Cheikhs les invitent à les suivre « ailleurs », c’est le refus systématique. Pour dire que le constat, aujourd’hui, reste le même : « quand nous choisissons des marabouts, c’est pour qu’ils nous amènent sur la voie de Dieu et non pas vers l’enfer des hommes d’État ». Ne l’ont-ils pas appris à leurs dépens, tous ces marabouts qui, s’aventurant sur ce terrain glissant, s’étaient engagés publiquement et ouvertement au profit du candidat Abdoulaye Wade ? Les Sénégalais ayant montré leur maturité, « désavouant » une certaine catégorie de « Cheikhs ». Que « Peine perdue » pour Maître Abdoulaye Wade qui avait axé sa campagne sur « une soi-disant influence des guides religieux, en se trimbalant de marabout à marabout avec ses mallettes d’argent ». Suffisamment déjà, le Président Wade n’avait-il pas décrédibilisé les chefs religieux ? Avant de pousser le bouchon de façon tellement profonde qu’aujourd’hui, les Sénégalais ont même un mépris vis-à-vis de la plupart de ces Cheikhs qui, parfois, ont d’autres soucis que de se focaliser sur le retour à Dieu des Talibés. Une présidentielle qui aura, quand même, l’avantage d’apprendre à nos marabouts, surtout à nos hommes politiques, qui paraissent encore immatures, que le salut ne passe pas, forcément, par le « ndigël ».

Par Cheikh CAMARA

Auteur: loffice
Publié le: Vendredi 23 Novembre 2012

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