De nos jours, le repli et les revendications identitaires deviennent de plus en plus un lieu commun. De la « préférence nationale » en passant par l’ « exception culturelle », jusqu’à la « concurrence des mémoires » ; du « mythe de l’autochtonie » jusqu’à la prolifération des conflits interethniques, « l’identitose » semble n’avoir épargné aucune nation, aucun pays, aucune société, aucun individu.
Partout dans le monde, l’on a l’impression que s’il y a crise, pauvreté, anomie, perversité, ce serait parce que personne ne serait plus soi-même, que nous vivrions dans des pays, des sociétés acculturées, déracinées. Et que donc, pour résoudre ce problème, il faudrait s’ancrer dans ces valeurs qui seraient nôtres.
Le diagnostic est très simpliste, et la prescription tout aussi simpliste.
Et l’actuel agent viral, vecteur de cette épidémie, de cette pandémie ne serait que ce virus comparable à celui du sida, en l’occurrence, la mondialisation, et dont les ravages seraient tout aussi identiques.
Le monde donc, serait entrain de se déliter progressivement, et cela se manifeste par une certaine érosion écologique, culturelle, culturale, politique, économique ; érosion causée par ce virus redoutable appelé « mondialisation » et dont les dommages dépasseraient de loin ceux de ces anciens virus que l’histoire de l’humanité avait retenus à savoir : l’Esclavagisme, l’Impérialisme, le Colonialisme.
Mais, dans ce délitement généralisé, une partie du corps mondial semble être celui qui va le plus mal au point. L’Afrique, avec sa pauvreté, ses millions de séropositifs, sa désertification, ses conflits ethniques, etc. donne le spectacle parfait du sidéen qui est entrain de sombrer. Et les docteurs africains ou d’ailleurs de prescrire comme remède – en dehors des trithérapies proposées par les institutions de Bretten -Woods :
Mais quelle est donc cette identité africaine pour qu’on veuille l’ériger en barrière contre le sous-développement, ou comme remède contre la pauvreté ?
On nous sert d’exemple le Japon, les pays du sud-est asiatique qui ont pu se développer parce qu’ils auraient pu s’ancrer dans leurs racines et s’ouvrir aux effets bénéfiques des courants extérieurs.
Donc, en résumé, l’Afrique n’a pas su se développer parce qu’elle aurait perdu son identité, et donc pour se développer, il lui faudrait la retrouver ou à défaut, il lui faudrait développer des mécanismes « développementalistes » qui répondraient à ses propres réalités.
Mais l’identité africaine, est-ce que les africains la connaissent ?
Cette question vaut la peine d’un détour quand on sait que l’Afrique ploie sous le poids de guerres ethniques qui ont fini de trahir que l’Afrique n’est pas une, mais plusieurs, avec des identités qui semblent s’exclure.
Certains soutiendront comme d’habitude que ces conflits sont le fait de puissances extérieures qui ne veulent pas voir un jour l’Afrique s’unir et se développer. Ces puissances occidentales, pour écouler leur production d’armes de destruction massive susciteraient ces foyers de tensions. Pauvres africains, ils ne sauraient pas ce qu’ils voudraient !
En tout état de cause, ou l’Afrique est entrain de se déculpabiliser pour culpabiliser les puissances maléfiques externes, l’Europe, ces sorciers blancs ; ou l’Afrique se prend pour un gamin qui ne sait pas encore ce qu’il veut, et qui ne sait pas dire non aux caprices de son grand frère occidental ! Alors là, vivement le jour où elle se rendrait compte enfin qu’elle est jusqu’à maintenant le « berceau de l’humanité » et donc a priori, plus vieille que toutes les autres parties du monde.
Mais cette question de l’identité africaine est aussi un véritable casse-tête chinois !
Depuis au moins une dizaine de siècles, le continent noir est façonné dans les domaines religieux, politique, économique, culturel, cultural, idéologique, etc. par les puissances extérieures.
Ainsi, on peut être effaré, ou même se tordre de rire quand on voit des Moustapha, des Abdoulaye, des Cheikh, des Mariame, des Nafissatou, des Hawa, des Viviane, des Jacqueline, des Cécile, des Daniel, des Jean, des Paul, revendiquer une identité africaine. Ont-ils pris la peine de se demander d’où leur venaient tous ces prénoms ?
Rien n’appartient aux africains jusqu’à leur prénom !
Pire même, on voit des personnes se bomber la poitrine, parce qu’elles s’appellent Cheikh ou Fatimata, Jean- Pierre ou Marie ! Mieux, il est fréquent de voir les politiques utilisés la langue de Molière devant un parterre de gens qui ne comprennent que dalle de ce baragouin ; et d’autres, des religieux distillaient hebdomadairement des prêches dans ce dialecte que seuls les locataires du paradis comprennent, alors qu’ils nous parlent de cet enfer terrestre !
Où est donc cette « fibre africaine » tant convoquée ?
L’Afrique a-t-elle une fibre quelconque ? Même cette « fibre cotonnière africaine » mise au goût du jour par certaines organisations paysannes cotonnières, ne serait pas africaine à proprement parler puisque ce sont les européens qui ont implanté ce coton aussi.
Il y eut un moment où on tirait à boulées rouges sur ces « cultures commerciales » (café, coton, cacao, arachide, etc.) parce que défendait-on cela ne répondait pas aux besoins africains, maintenant, on adule ces cultures.
Il y eut un moment aussi où l’on critiquait la balkanisation de l’Afrique, maintenant, on « ivoirise », on « gabonise », on « sénégalise » !
Tout ça ne fait que révéler la facticité de ces clivages et vouloir s’y arc-bouter, c’est soit ignorer l’histoire de l’humanité ou nier la contingence de ces compartimentages sur lesquels on s’appuie pour revendiquer telle ou telle identité.
L’histoire a montré et continue de montrer que :
Si pour se développer, ou pour sortir de sa léthargie, l’Afrique devrait retrouver son identité, alors il faudrait qu’elle remonte loin dans le temps, et ça, ce n’est qu’une simple névrose, qui espérons-le, ne sera pas durable.
En effet, les peuples, quand ils sont confrontés à des crises, font généralement appel à ces profondeurs insondables que sont l’Histoire, la Terre, le Ciel et la Race :
Le repli identitaire n’est donc que la manifestation, sinon une réponse pathologique face aux mutations, aux crises, aux bouleversements observés ça et là.
Ainsi en toute logique, on pourrait se demander :
Nous sommes tous des êtres humains. Et nos racines ne se trouvent ancrées ni dans ces profondeurs célestes, ni dans ces profondeurs terrestres, ni dans ces profondeurs historiques, ni dans ces profondeurs raciales- toutes des profondeurs insondables- et qui jusqu’ici n’ont fait que nous diviser. Nous venons au monde comme si nous étions parachutés, nous ouvrons les yeux, nous voyons que nous évoluons dans des compartiments que nous n’avons pas créés.
Ma mère est meilleure que toutes les mères, ma famille que toutes les autres familles, mon village que tous les autres villages, mon pays que tous les autres pays, ma religion que toutes les autres religions ; sans pour autant savoir ni comment, ni pourquoi ; et on s’entretue à cause de choses que nous n’avons pas choisies pour la plupart des cas.
Mamadou Moustapha WONE (DEMBA)
Sociologue
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