Hier, Barack Obama a déroulé le tapis rouge à quatre chefs d’Etat de l’Afrique francophone.Un pied de nez pour le Sénégal et son chef qui passaient pour les chouchous de l’Occident.
Le Sénégal est-il en train de perdre le rôle de catalyseur qu’il a longtemps occupé en Afrique, notamment vis-à-vis de la France et des Etats-Unis ? En tout cas, des faits diplomatiques qui se sont accumulés ces dernières semaines le laissent croire. Le Sénégal qui, jadis, était la destination privilégiée, sinon la première, pour les tournées des présidents américains et français, aussi bien que des personnalités de haut niveau de ces deux grandes puissances mondiales, n’attire vraiment plus. En attestent deux événements majeurs qui se sont déroulés dans les continents. Sa place sur l’échiquier diplomatique aussi en prend un sacré coup.
Selon un diplomate occidental accrédité à Dakar, tout serait lié au ‘pèlerinage’ du chef de l’Etat à Benghazi. A en croire donc ce diplomate, bien au fait de la realpolitik, ‘le voyage de Wade en Libye a plus nui au Sénégal qu’il lui a apporté quelques dividendes au plan international’. Pourtant, premier président africain à encenser les rebelles libyens, Wade s’est plutôt rendu utile aux Occidentaux qui s’embourbaient de jour en jour en Libye et qui peinaient à arrêter une caution africaine du fait de la position tranchée de l’Ua. A cet effet, le courage politique de Me Wade et son message, aligné sur celui des Occidentaux, semble avoir été très mal rétribué.
Pourtant, lors du dernier sommet du G20 à Deauville -l’on se souvient particulièrement de cette poignée de main entre Karim Wade et Barack Obama - on n’était pas loin du parfait amour. Entre Wade et le couple franco-américain, il n’y avait l’ombre d’un quelconque malentendu. Que s’est-il donc au juste passé ? Sur la distance des Etats-Unis vis-à-vis du pouvoir libéral, un diplomate américain ouvre une éventuelle piste. Parlant sous l’anonymat, il soutient : ‘Si le président Obama est en froid avec son homologue sénégalais, le coup de Deauville y est pour beaucoup.’ D’après un recoupement des faits très sérieux, de retour à Washington, le président américain a été bien briefé sur le coup de pub donnée à Wade fils. Mais surtout la corrélation entre son introduction auprès de l’homme le plus fort du monde à Deauville et la volonté de Wade d’opérer une dévolution monarchique du pouvoir.
Selon toujours le diplomate américain, Washington et Paris auraient eu des échanges très francs sur la volonté de Wade de vouloir se faire succéder par son fils. Mais, les opposants sénégalais y ont aussi joué leur partition dans cette affaire, notamment un ancien ministre des Affaires étrangères qui a ses entrées à Washington. Ainsi, ne pouvant cautionner une telle aventure qui s’inscrit en faux vis-à-vis de son message à ses pairs africains sur la démocratie et la bonne gouvernance, Obama a donc pris ses distances. D’ailleurs, avant l’épisode Wade Bourgi, un autre signe du malaise, le président américain avait dépêché un diplomate américain à Dakar pour répercuter son message de vive voix à Wade.
Fillon et Juppé zappent le Sénégal en Afrique, Obama se passe de Wade à Washington
Aux faits haut cités qui dénotent du désamour des grands de ce monde vis-à-vis du Sénégal, depuis quelque temps, sinon à l’égard de ses autorités, des attitudes de ministres français, en juin et juillet, sont alors tombés comme un message sans équivoque adressé à Dakar qui, il y a peu, était une référence pour la France. François Fillon puis Juppé en tournée en Afrique ont royalement ignoré le Sénégal dans leur agenda. Mais, le coup le plus dur, le coup de semonce, est, à coup sûr, celui assené hier à Wade par Obama. Le premier président noir des Etats-Unis qui s’était illustré, lors de son voyage, en ignorant Dakar alors que Clinton et Bush en avaient fait leur point de chute en Afrique, a snobé, une fois de plus le Sénégal, en invitant Ouattara, Issoufou, Yayi et Condé à la Maison-Blanche. Un rêve que Wade voit définitivement s’envoler.
Mais, le Sénégal doit cette situation surtout à son débat politique. Un observateur avance que ‘l’âge du chef de l’Etat et sa volonté de briguer un troisième mandat sont devenus des sujets qui fâchent à Washington comme à Paris’. Si à Paris, Robert Bourgi a été officieusement utilisé pour dire ouvertement à Wade qu’il ne doit pas insister pour un troisième mandat, chez Obama, on ne veut même pas en entendre parler. Pour le faire comprendre au locataire du palais de la République, on utilise l’arme du boycott. Ceci expliquant cela, le Sénégal a perdu son aura au plan international. Ainsi, pour redorer son image de marque, le pays n’a vraiment pas beaucoup de choix : s’aligner sur certaines exigences. Pour le chef de l’Etat, c’est l’heure des choix difficiles qui commence. Une heure qui exige de mettre en avant l’intérêt général au détriment des ambitions personnelles. Un mauvais compromis vaut mieux qu’une mauvaise option !
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