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DJIBY DIAKHATE, SOCIOLOGUE « On passe du prostitué ou de la prostituée clandestine progressivement à la prostituée professionnelle »

Auteur: reineafrique.com

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Aujourd’hui, on assiste au développement d’un phénomène qui est en passe de devenir un phénomène de société, la prostitution clandestine des jeunes filles. Dans certains quartiers de Dakar, des filles s’adonnent à cette pratique à cause disent certains de la pauvreté et des difficultés de la vie quotidienne. Pourtant, cette pratique n’est pas sans conséquence dans une société traditionnelle comme la nôtre. En effet, certaines filles passent de la prostituée clandestine à la prostituée professionnelle, a dit le sociologue Djiby Diakhaté. Dans cet entretien accordé à votre site préféré, le sociologue tente d’expliquer les causes de cette nouvelle donne de nos sociétés africaines. Entretien…

Reineafrique.com - Djiby Diakhaté, aujourd’hui, nous assistons au développement d’un phénomène nouveau dans la société sénégalaise, la prostitution clandestine des filles. Selon vous, qu’est ce qui explique cela ?

Djiby Diakhaté- C’est un faisceau de facteurs explicatifs. Nous avons manifestement l’explication la plus dominante qui est la pauvreté. Il faut voir évidement que depuis les années 70, des cycles de sécheresse ont commencé à s’accélérer au Sénégal, on a assisté à des flux migratoire important des populations de campagne vers le littoral. Parce que évidement, dans le cadre de l’aménagement du territoire que le colonisateur avait mis en place pour répondre aux exigences de l’économie, l’essentiel des infrastructures de production au Sénégal sont concentrés au niveau du littoral et notamment au niveau de Dakar. Donc, on assisté à un boom démographique excessivement importante au niveau de la petite région dakaroise. Dakar est la région la plus petite du Sénégal, elle fait 550 km2 mais c’est paradoxalement la région la plus densément peuplée. PourquoiParce que simplement vous avez des gens qui viennent de l’intérieur du pays et aussi des pays limitrophes à la recherche de revenu, à la recherche de ressources. Vous avez alors, la promiscuité, vous avez la pauvreté qui atteinte des proportions de plus en plus élevé. Et les gens sont obligés d’utiliser des raccourcis pour accéder aux ressources. Voilà un facteur explicatif qui rend compte de la prolifération de la prostitution de type clandestin.

Pourtant, en Afrique la famille est réputée d’être un cadre efficace pour l’éducation ?

Ensuite, vous avez la famille qui, traditionnellement était la cellule sociale de base, c’était le noyau à l’intérieur duquel on inculquait à l’individu un certain nombre de valeur, qui, par la suite imprimait une orientation à sa conduite. Il se trouve aujourd’hui que la famille est en train de se désagrégé, elle est en train de se déluter et les parents ont fui systématiquement leurs responsabilités. Ce qui fait que de plus en plus les jeunes filles sont plus moins livrer à elles-mêmes, c’est elles-mêmes qui prennent en charge leur propre socialisation si ce n’est que la rue. On comprend aussi pourquoi, les jeunes gens arriver à un certain âge déjà ne sont pas suffisamment mieux former par des valeurs fortes et qui puissent déterminer leur conduite. Donc, c’est l’individualisme, c’est la liberté excessive, c’est le libertinage à la limite qui s’est emparé d’un certain nombre de jeunes. A cela, il faut ajouter la mondialisation. Parce qu’en fait, nous sommes aujourd’hui dans une société agressée de toute part par un certain nombre de réalité qui nous vienne de l’extérieur. Pauvre sur le plan économique on le sait mais pauvre aussi sur le plan des antis corps que nous mettons en place pour lutter contre les agressions extérieures. Donc, si vous voulez nous avons aujourd’hui, un système qui nous met totalement à découvert, nous n’avons pas de paraboles, nous n’avons pas de ressort qui nous permettent de faire face à ces agressions fortes et multiples qui nous viennent de l’extérieur. Et, cela se manifeste à travers les films que nous suivons, à travers l’internet, à travers les flux migratoire des pays développés vers nous. Donc, c’est essentiellement le type de tourisme sexuel etc. Toutes ces choses montrent évidement que nous sommes agressés sur le plan de nos représentations, sur le plan de nos pratiques culturelles, sur le plan de notre patrimoine traditionnel et pratiquement nous n’avons pas véritablement les outils nécessaires pour lutter contre toutes ces agressions. Il faut aussi montrer que nous avons u n système éducatif qui est totalement extraverti. Le curricula de notre système éducatif renvoi beaucoup plus à l’occidentaliste qu’à nos réalités propres. Parce qu’il ne faut pas oublier que l’école est une réalité coloniale, c’est une chose que le colonisateur nous a imposé et dès que nous avons accéder à l’indépendance, nous n’avons pas travaillé dans le sens de ré-domicilier l’école dans nos propres réalités nous avons continué à fonctionner selon le model occidental. Et la meilleure preuve, c’est la langue ou les langues qui sont enseignées dans nos établissements sont essentiellement des langues de type occidentalisant. Il y a un ensemble de facteur qui aujourd’hui explique évidemment le fait que nos valeurs se sont délutées, que nos repères traditionnels ont disparues et les jeunes sont plus ou moins livrés à eux-mêmes. La seule constante dans leur comportement, c’est la recherche de l’avoir. L’avoir est mis au premier plan, l’être est relègue au second plan. Donc, tous les moyens sont bons pourvu simplement que ça permet d’accéder aux ressources. 

Est-ce qu’on peut dire que certaines filles peuvent sortir de ce cadre sans difficulté ?

Pour beaucoup malheureusement, c’est l’enlisement qui se produit. Il est facile des fois d’entrée dans le circuit. On y entre parce qu’on besoin d’un petit sandwich pour le dîner, on y entre parce qu’on besoin du billet pour aller à Dakar demain alors qu’on habite la banlieue, on y rentre parce qu’on veut aller à un baptême qu’il faut apporter une cotisation dont on ne dispose pas à, l’instant, on y rentre parce que c’est la fin de la scolarité et qu’il faut bien payer au niveau de la comptabilité, les ressources ne sont pas là, on y rentre parce que le plus souvent c’est un motif bien précis ponctuel qui nous pousse a y aller. Puis après ça devient un engrenage duquel il devient absolument difficile de se sortir. Donc, pour beaucoup finalement, c’est l’enlisement, c’est la professionnalisation, on passe du prostitué ou de la prostituée clandestine progressivement à la prostituée professionnelle. Il est absolument difficile de s’extraire de ce cadre infernal. Mais pour certaines, qui, par la grâce d’une amitié ou d’un compagnonnage, d’une proximité avec un individu clairvoyant peuvent sortir de ce cadre infernal dont je parlais. Et le plus souvent, quand elle s’en sorte, elles ont un comportement exemplaire parce qu’évidement elles savent ce qui se passe de l’autre côté. Si vous voulez, elles deviennent, je crois, des personnes font finalement dans l’absolution systématique de leur péché et qui considèrent que c’est fini, elles tournent le dos carrément à ce type de vie. Je crois que des exemples existent qui montre qu’il y a eu des femmes, des mères de familles qui étaient naguère dans ce cadre là mais qui, aujourd’hui fonctionnent comme des vrais modèles, d’un comportement vraiment exemplaire sans tâche. Comme qui dirait que bon c’est un épisode de leur existence quelles ont eu à vivre et quelles ont fermées la parenthèse, maintenant c’est fini, elles reviennent dans la réalité consciente qu’il ne faut plus retourner à cette activité deshumanisante.

Propos recueillis par A. C 

Auteur: reineafrique.com
Publié le: Vendredi 02 Septembre 2011

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