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CHEIKH TIDIANE GADIO : « Wade, c’est moi qui l’ai trouvé »

Auteur: Mouhamed Diaw

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Invité de l’émission "Opinion" le week-end dernier, Cheikh Tidiane Gadio a fait un tour d’horizon sur les questions d’actualité. De l’agression d’une de ses militantes à Bambey aux violences mortelles de Fanaye Diéri, en passant par les problèmes d’électricité et ses rapports avec le chef de l’Etat, il a répondu à toutes les questions, sans langue de bois. En voici de larges extraits.« Si le peuple sénégalais fait le choix de la rupture, si le peuple sénégalais fait le choix d’un nouveau leadership. D’un leadership de transformation, non pas d’un leadership de transaction, de transaction et de deals, mais d’un leadership de transformation, un leadership qui a le courage de dire la vérité, de pratiquer la vérité et de travailler 24H sur 24 pour son peuple. Si le peuple fait ce choix, c’est nous le candidat du peuple, de ce point de vue. Et pour cette raison, nous organiserons autour de nous tous les Sénégalais qui partagent l’émergence citoyenne sous forme d’un engagement pour servir la république. Et donc nous travaillerons avec ces Sénégalais. Vous savez notre crédo c’est quoi ? Libérer les énergies ! Libérer les énergies dans ce pays. Non seulement libérer l’énergie, le secteur énergétique, mais par delà le secteur énergétique, libérer les énergies dans tous les domaines. »

« L’agression de Gnagna Ndaw est indigne du Sénégal »

Il y a quand même un point très important à propos duquel j’aimerais qu’on parle. Car moi, je ne peux pas, en tant que président du Mouvement Politique et Citoyen Luy Jot Jotna, m’exprimer pour la première fois au plan national, et ne pas rendre hommage à la camarade coordonnatrice du MPCL à Bambey qui a été sauvagement agressée par une ministre de Wade. Une ministre qui s’en est réclamée quelque part, parce qu’il a dirigé ce commando. C’est indigne du Sénégal, c’est indigne de notre démocratie ! On attendait du Président Wade une condamnation ferme de sa camarade. Ce qui n’a pas encore été fait. Ce ne sera probablement pas fait. Pourquoi cela ne sera pas fait ? Parce que le cas Alioune Tine est là. Alioune Tine, qui a été sauvagement agressé lors de la manifestation 23 juin, le Président l’a critiqué, plutôt que de déplorer ce qui s’est passé.« C’est triste donc qu’on en soit uniquement à n’avoir comme souci que de combler le déficit, le manque d’énergie »« Pour nous, ce n’est pas une prouesse ou un exploit (le fait de réduire les délestages). Il y a pas à venir se vanter, louer des barges, transformer notre nation en une nation de groupes électrogènes.Quand vous faites ce que vous auriez du faire depuis longtemps, les gens disent simplement que vous avez corrigé une erreur ou un manquement. C’est difficile de féliciter quelqu’un qui n’a fait que ce qu’il doit faire ou ce qu’il aurait du faire. C’est comme quand on prend l’argent des Sénégalais ; on leur construit des infrastructures, après, on vient demander à ce que les Sénégalais vous félicitent. Mais, où est votre victoire dans tout ça ? Si vous arrivez, par vos compétences, par vos relations internationales, à amener des ressources pour notre pays et à nous régler tel ou tel problème, vous attendez de la Nation qu’elle vous soit reconnaissante. Mais quand vous prenez notre propre argent, et vous en disposez comme vous voulez, et vous n’en êtes pas comptable. On ne peut pas vous demander de rendre des comptes sur quoi que ce soit, après vous voulez attendre des félicitations des Sénégalais, ça va être difficile. C’est vrai qu’il y a une légère amélioration, mais, comme disait l’autre, à quel prix ? Avec quelle ardoise ? Et ça, c’est extrêmement important. Parce qu’on va vers des élections, prendre l’argent des Sénégalais, mobiliser des ressources énormes et, ensuite, délester certains secteurs vitaux comme l’éducation, comme la santé, comme l’agriculture, prendre des ressources ailleurs, venir régler le problème le plus crucial. On déleste là-bas pour régler les délestages ici, ce n’est pas ça la politique que nous voulons mettre en place dans notre pays.Nous nous voulons une bonne évaluation, nous appuyer sur l’expertise nationale. Nous avons des partenaires, nous savons comment mobiliser ces ressources. Sans être ministre de l’énergie, nous avions fait beaucoup déjà pour régler les problèmes d’énergie de notre pays. Nous sommes sérieux, nous somme crédibles, nous aimons notre pays. Si ces partenaires viennent travailler avec nous autour de plans de sortie de crise faits par des Sénégalais et pour des Sénégalais, ces plans là, on pourra les mettre en œuvre très facilement. Je trouve que c’est triste que l’électricité, qui devait accélérer la croissance - on a vu le rapport du FMI sur cette question, sur les rapports entre énergie et taux de croissance- nous ait coûté autant. C’est triste donc qu’on en soit uniquement à n’avoir comme souci que de combler le déficit, le manque d’énergie. On n’est même pas entrain de voir et de comprendre la valeur ajoutée qu’un flux énergétique normal apporte à un pays. Nous en sommes simplement à «  ne coupez pas le courant », « s’il vous plait, donnez nous de l’énergie » On en est donc à la phase la plus élémentaire, la plus primaire dans la gestion de l’énergie.

« Chaque fois qu’un gouvernement a suspendu une décision, cela pose des questions sur la maturité du processus qui a été mené »

Je veux dire la violence, malheureusement, surtout la violence politique, on l’a eu dans ce pays, au Sénégal, mais à des proportions suffisamment assez contrôlées pour qu’on ne parle pas de situations extrêmement graves. Mais là, ce qui se passe à Fanaye, ce qui s’était passé à Sangalkam, c’est très préoccupant par rapport à la montée de la violence dans notre pays. Premièrement, une mort d’homme, c’est très grave. C’est très, très grave dans tous les pays du monde. Et il faut qu’on fasse très attention. Deuxièmement, la sensibilité de la question de la terre : au Fouta particulièrement, mais dans d’autres régions du Sénégal, tous ceux qui connaissent ces régionslà, qui respectent ces terroirs et leurs traditions ancestrales, font attention avant de s’engager dans des procédures.Moi je trouve très gênant, pour un gouvernement, de s’engager dans une procédure et ensuite de la suspendre. Chaque fois qu’un gouvernement a suspendu une décision, cela pose des questions sur la maturité du processus qui a été mené pour arriver à la décision ? Est-ce que les populations ont été bien informées et associées à la décision ? Quel est l’intérêt du projet qu’on va implanter et quel est son impact sur l’environnement, la vie des populations autour ? Si ce travail a été bien fait, on ne serait pas dans des situations embarrassantes comme celle-là, où le gouvernement décide, et ensuite retire la décision.L’autre problème, à mon avis très grave, c’est l’image que cela donne de notre pays à quelques mois des élections. Cela inquiète beaucoup les Sénégalais. Nous avons demandé à nos militants de faire une grande délégation et d’aller présenter nos condoléances aux populations, et de dire notre solidarité à la population locale et de demander qu’on trouve les moyens pour renoncer à ce projet, d’éviter la violence ; par ce que il y a beaucoup de blessés évacués à l’hôpital de St Louis. Nous espérons que la violence sera dépassée très rapidement.

« Moi, j’ai des problèmes avec les institutions, pas avec des personnes »

Nous sommes quand même le Mouvement Politique et Citoyen Luy Jot Jotna peut-être la seule force politique qui a écrit dans son Manifeste que nous ne comprenons pas que des opposants se mettent à menacer des gens qui sont au pouvoir et qui détiennent tous les leviers du pouvoir. Que c’est cela aussi qui bloque l’Alternance en Afrique. Donc sous ce rapport, nous ne menaçons personne.Son fils, nous n’avons pas à avoir de bonnes ou de mauvaises relations personnelles. J’ai toujours dis que je ne reconnaissais pas son fils comme une institution de la République. Moi j’ai des problèmes avec les Institutions. Pas avec les personnes. Quand j’étais au Gouvernement, on avait des relations très cordiales. On n’était pas des amis, il ne sait pas où j’habite, je ne sais ou il habite. On n’avait pas des relations de fréquentation, chacun faisait son travail dans son domaine. Mais ce que je dis, c’est qu’il n’est pas une Institution donc je ne le reconnais pas en tant que tel. Maintenant cela mis de côté, ce n’est pas nous qui, arrivés au pouvoir, allons mener une chasse aux sorcières. Nous, arrivés au pouvoir, nous l’avons dit : premier grand geste que nous allons poser, c’est la réconciliation nationale. Réconciliation autour de l’histoire du Sénégal.Mais, bien sûr, avant tout, la grande réconciliation en Casamance. Il faut régler la crise Casamançaise. C’est une catastrophe pour le Sénégal. Je l’ai même appelée honte nationale. Ce n’est pas un mot de trop, c’est la vérité. Depuis 31 ans, on vit et on accepte cette situation de guerre en Casamance. Nous, notre discours, c’est un discours de réconciliation nationale. Quand on veut réconcilier les sénégalais avec leur histoire politique, il faut réhabiliter Mamadou Dia, réhabiliter Valdiodio Ndiaye, les Cheikh Anta Diop et autres. Ces grands leaders de ce pays sont d’illustres personnages qui méritent la reconnaissance de leur pays. Par rapport à ça, que le fils de Wade veuille rester dans son pays, vivre et travailler au Sénégal, nous n’avons-nous aucun projet particulier contre lui. Tous les citoyens Sénégalais pourraient avoir à rendre contre. Y compris moi-même, y compris lui- aussi. Mais s’il ne se reproche rien comme il dit, il dit qu’il a tout géré dans la transparence, que tout ce dont on l’accuse est totalement faux et qu’il a gagné tous ses procès, quel est le problème ?Cela veut dire qu’il est un citoyen libre dès maintenant et qu’il n’y a aucun problème et qu’il saura se défendre s’il est attaqué injustement. Maintenant s’il faut que l’attaque vienne pour des raisons personnelles et subjectives de personnes comme moi, le Mouvement politique citoyen Luy Jot Jotna a des priorités nationales beaucoup plus importantes que la personne du fils du Président de la République.Le Président lui-même on a dit qu’on souhaitait qu’il prenne sa retraite, qu’il soit là, au Point E, et il verra deux mois après que les Sénégalais vont faire la queue pour venir le saluer et lui dire toute leur amitié et le remercier pour tout ce qu’il a fait pour son pays. Je le pense sincèrement, ce n’est pas de la démagogie. Les qSénégalais sont comme ça. Aujourd’hui, le Président Abdou Diouf, s’il allait à Sandaga et qu’il marche dans la rue, vous savez très bien qu’il y aurait une émeute populaire. En 1999, s’il sortait à Sandaga, il ne pourrait pas faire cent mètres. Les Sénégalais sont comme ça. C’est un grand peuple, c’est un peuple qui regarde plus vers l’avenir que vers le passé.

« Wade, c’est moi qui l’ai trouvé » !

Je dois dire que la violence, elle n’est pas que physique, elle est aussi verbale. Mais quand le Président du Sénégal va, dans un journal, faire une interview et attaquer des citoyens, attaquer ses anciens collaborateurs comme le Président l’a fait avec Alioune Tine, en le menaçant ; ensuite attaquer Cheikh Tidiane Gadio et, malheureusement, dire certaines choses…Seul son âge me retient de répondre sur le fond. Et je ne veux pas répondre sur le fond. Mais sur la forme, je dirais que je suis préoccupé ! Mais ce qui m’a attristé ce n’est pas ça. Ce qui m’a attristé, c’est que je me suis rendu compte que le Président a oublié dans quelles circonstances il m’a connu. Il a oublié ! Le Président Wade dit que, quand il a été élu, il cherchait des jeunes doctorants, quelqu’un qui avait un doctorat en communication, qu’il m’a cherché et qu’il m’a trouvé. C’est moi qui ait cherché, et qui ait trouvé le président Wade, en 1999. Moi, j’étais étudiant en doctorat, en 1984, quand j’étais sorti de la Sorbonne et que je suis revenu au Sénégal pour enseigner au Cesti et préparer mon doctorat. J’ai abandonné ce circuit pour aller aux Etats Unis faire un doctorat en communication. Donc, c’est tout à faire autre chose.Le Président Wade, c’est moi qui l’ai appelé chez lui au nom du Forum des Citoyens pour l’Alternance, en 1999 : lui, Amath Dansokho, Bathily, Niasse, Landing Savané, Djibo Leity Kâ. Nous avions appelé tous les leaders de l’opposition pour leur envoyer une lettre dans laquelle nous expliquions pourquoi il faut une large coalition pour en finir avec le régime du Président Diouf à l’époque. Et c’est quand il a reçu notre lettre que le Président Wade m’a rappelé. Nous avons discuté et nous avons commencé à nouer une relation. Et il m’appelait chaque jour.Et quand le Président Wade a eu un problème avec la présence de Séguéla dans la campagne de Diouf, il m’a demandé ce qu’il fallait faire. Je lui ai fait rencontrer le meilleur stratégiste que je connaissais à l’époque, en matière électorale, qui s’appelait James Carville, qui avait fait les deux campagnes de Bill Clinton. Je lui ai fait rencontrer le Président Wade à Londres en 1999. Donc, le Président Wade ne se souvient plus dans quelles circonstances il m’a connu. Juste pour vous donner une anecdote : une fois, quand notre frère Ousmane Tanor Dieng avait pu bliéun article très dur contre le candidat Wade, il m’a appelé ; j’étais dans le Vermont : « Gadio, Tanor nous a attaqués, tout le monde attend ta réponse  ». J’ai dit : « non, les camarades à Dakar ont répondu  ». Il a dit : « non, on attend ta réponse, on compte sur toi  » . Quand j’ai répondu, Wade m’a appelé et m’a dit : « Gadio, la cause est entendue, merci et félicitations ». Tout cela, Wade l’a dit, il ne sait plus comment il m’a connu ».
Auteur: Mouhamed Diaw
Publié le: Mardi 01 Novembre 2011

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