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[ DEUIL ] NDEYE GUEYE RACONTE LES DERNIERES HEURES DE SA MAMAN « Je vais mourir. Prends soin de ton père et de tes frères »

Auteur: Ndeye Fatou SECK - L'Observateur

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La danseuse Ndèye Guéye est en deuil, Elle a perdu hier sa mère, Aby Pouye emportée par une sournoise hypertension à l’âge de 57 ans.

Quand; au plus fort de l’alitement Aby Pouye lui demandait de se lever et de ne point céder à cette vilaine maladie qui l’affaiblissait depuis bientôt une semaine, Ndèye Guèye était loin de se douter qu'elle vivait ses derniers moments de bonheur et de communion avec sa mère. « En fait, c'est moi qui étais malade depuis bientôt une semaine. J'ai même été hospitalisée et j'étais sous perfusion. Au bout d’une semaine, je suis rentrée à la maison et je suivais un traitement à domicile. Avant-hier (mardi), je suis allée à mon rendez-vous à l'hôpital. A mon retour, vers les coups de 11h, je suis revenue à la maison et j'ai trouvé ma maman au salon. Elle se portait comme un charme. On a discuté et je lui ai même demandé ce qu’elle souhaitait qu'on prépare pour le dîner. Elle a commandé du vermicelle à la viande et m’a lancée ceci : «Tu ne dois pas tomber malade car tu es un soutien de famille. Notre seul soutien. Fi nga ma fêté, yalla na la fa yalla fété. « Dieu t'assiste comme tu m'assistes » Interloquée par ces propos, je lui ai juste souri et demandé à quoi elle pouvait bien faire allusion » narre, les yeux gorgés de larmes, la danseuse Ndèye Guèye, loin de se douter que sa maman sa génitrice lui faisait ses dernières recommandations avant de s’en aller pour un voyage sans retour. 

«J'ai eu le pressentiment que, je la voyais pour la dernière fois» 

En cette maudite soirée de mardi, la maisonnée des Guèye bruit d'une atmosphère très détendue. Regroupée autour de leur génitrice, Aby Pouye, contente de revoir sa Ndèye Guèye chérie reprendre des couleurs, la famille a, dans la communion, partagé un succulent dîner de vermicelle à la viande. Dans une ambiance très décontractée et bon enfant, les Guèye; loin de se douter du drame qui allait bientôt frapper leur demeure; ont partagé un délicieux thé en suivant l'émission bantamba sur la 2stv. 

«L'ambiance était très détendue. Nous avons dîné et malgré le fait que ma maman n'ait pas bien mangé, on sentait qu'elle était heureuse de voir sa progéniture réunie autour d'elle. Nous avons bu le thé et elle s'est ensuite retirée dans sa chambre, après un regard», sanglote Ndèye Guéye. Le dernier. L'ultime au revoir. Après un dernier verre de lait chaud partagé avec ses frangins, Ndèye Guèye s'est retirée, à,4 heures du matin, dans sa chambre pour profiter des dernières heures de cette nuit glacée. Son repos sera de courte durée. A peine la tête reposée sur l'oreiller, elle sera réveillée par les appels affolés de ses frères. Assommée et un chouia barbouillée, Ndèye Guèye traînera le pas jusque vers la chambre de sa mère. Elle manquera de tomber en syncope devant le spectacle qui s'offre à ses yeux, Sa mère, qui leur a tantôt souhaité bonne nuit, était allongée inerte sur son lit, suffocant et se débattant pour offrir à sa gorge-atrophiée une dernière bouffée d'oxygène. Qui, hélas, refusera de parvenir à ses narines dilatées. Ndèye Guèye raconte : «Elle a commencé à vomir le lait qu'elle avait bu plus tôt dans la soirée. Nous nous sommes résolus à l'acheminer à l'hôpital Roi Baudouin. Mais une fois à la porte de la maison, elle a refusé de mettre le pied dehors. Elle s'est agrippée à la porte de toutes ses forces. Désespérément». Comme si elle sentait qu'elle ne reviendra plus dans sa demeure. Plus jamais. Installée à bord du taxi, elle s'accrochera dans un ultime regain d'énergie à la main de sa fille Ndéye Guèye, lui lançant cette, dernière recommandation : «Je vais mourir. Prends bien soin de ton père et de tes frères». C'est sur ses derniers mots qu'elle quittera sa demeure :et ses enfants à bord d'un taxi. Elle n'y reviendra que bien plus tard dans la journée. Dans un cercueil. «Quand elle m'a balance ces derniers mots, j'ai eu le pressentiment qu'elle était partie pour jamais, qu'elle ne reviendra plus et que je la voyais pour la dernière fois. J'en ai fait part à ma sœur, qui m'a supplié de m'en remettre à Dieu», pleure encore la danseuse. Scotchée à son portable, Ndèye Guèye verra les heures s'égrener, lentement, interminablement, l'espoir accroché au bout du fil. A un coup de fil qui finira par tomber vers 4h 30mn du matin. Au bout de la ligne, la voix brisée mais encore forte de son grand-frère, lui annoncera la triste nouvelle : «Maman s'est reposée. Elle s'en est allée». Le sol se dérobe sous ses pieds, Aphone, les sons refusent de sortir de sa gorge. Silencieusement, en longs sillons, les larmes coulent sur ses joues. Son long hurlement strident qui suivra déchirera le silence de cette glaciale aube naissante du mercredi au quartier Fith Mith de Griédiawaye. Aussitôt, les voisins et amis assiègent la demeure des Guèye. Très vite, la nouvelle se répand. Les hurlements fusent de partout. Certains tombent en transe, d'autres, sous le choc, gardent le silence. La nouvelle est sur toutes les lèvres mais personne ne veut y croire. Pas encore. Pas maintenant. Aby ne peut pas être partie. «Ce matin (le mardi), je l'ai croisée dans la rue quand j'allais au marché», lancera une voisine. «Elle me taquinait encore hier (mardi), dans l'après-midi», lâche un autre. «C'est impossible. Elle avait l'air bien portante», murmure; sous le choc une nièce de la défunte. Mais, voilà, le destin jaloux en a décidé autrement. Aby est partie. Sur la pointe des pieds. Comme elle a vécu. Fauchée par une sournoise hypertension. 

Cet après-midi de mercredi, la demeure des Guèye est envahie par la foule de parents, amis, voisins et connaissances. L'atmosphère est douloureuse, pesante, lourde d'un silence bavard. Une tente modeste est dressée à l'entrée, de la maison mortuaire. Pieds nus, vêtue d'une tunique en cotonnade fleurie, un foulard enturbannant sa tête, un voile rouge sur les épaules, Ndèye Guèye accueille, le regard vague et éteint, les visiteurs venus lui témoigner leur sympathie en ce jour de deuil. Tout le gratin de la culture s'est donné rendez-vous chez les Guèye. Serigne Mbacké Ndiaye, Salam Diallo, Oumou Sow, Mbathiou Ndiaye; Ndiollé Tall Lamine Samba, Ahmed Aïdara, Lac de Guiers 2, entre autres, ont tenu à assister et à épauler leur «sœur» en ce moment douloureux. Décrite comme une femme généreuse, exemplaire et brave, en plus d'être une maman pour tous, Aby Pouye, 57 ans, originaire de Khodaba(région de Thiès) repose depuis hier au cimetière de Pikine. Loin de sa Ndèye Guèye, mais à jamais vivante dans son cœur. Pour l'éternité. 

NDEYE GUEYE PARLE DE SA MERE«A l'annonce du décès de ma mère, j'ai pensé arrêter la danse» 

«Quand j'ai appris le décès de ma mère, j'ai pensé mettre un terme à ma carrière de danseuse. Avec le soutien de mes proches, j'ai recouvré mes esprits. La danse est mon gagne-pain et c'est grâce à la danse que je satisfaisais les moindres désirs de ma mère. Je regrette juste de ne pouvoir réaliser tous les projets et rêves que je nourrissais pour elle. C'est le jour le plus douloureux de ma vie. Je ferais l'impasse sur un milliard pour revoir ma mère. Mais comme Dieu en a décidé ainsi, je retiendrai d'elle l'image d'une femme généreuse, d'une mère. Elle était la mère de tout le monde, elle aimait les enfants d'autrui plus que ses propres enfants. A la maison; on était obligé de cuisiner avec une grande marmite à cause des personnes qu'elle accueillait tout le temps. Quand on s'en plaignait, elle répondait toujours : «Je nourris et soigne les enfants des autres parce que je ne sais pas ce qui adviendra des miens». Je vivifierai sa mémoire à chaque fois que Dieu m'en donnera les moyens. 

Auteur: Ndeye Fatou SECK - L'Observateur
Publié le: Vendredi 27 Janvier 2012

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