"Vous avez l’instinct du sculpteur"
Né à Dakar en 1935, Ousmane Sow débarque à Paris à l'âge de 22 ans, où il vit de petits boulots, de nuits passées au chaud dans les commissariats parisiens, de l’hospitalité des uns et des autres, avant d'entrer à l'école de Boris Dolto. Avant de s’accomplir dans sa passion, il se consacrera donc à un métier - lié au corps, évidemment - : il sera kinésithérapeute. Mais dès sa plus tendre enfance, Sow sait qu’il deviendra sculpteur. Sur les plages sénégalaises déjà, il ramassait des pierres pour les modeler, les façonner. "Vous renouvelez ce geste vieux comme l’humanité. Vous avez, l’instinct du sculpteur", dit de lui Jean Cardot. Son maître d’école expose l’une de ses premières sculptures dans la classe. Un bon présage.
Il attendra pourtant ses 50 ans avant de se consacrer pleinement à son art. Il expose d’abord à Dakar, qu’il a rejoint en 1960, à l’Indépendance. De cette période sénégalaise, on retient surtout la gigantesque sculpture de plus de 50 mètres, pompeusement appelé "Monument de la renaissance africaine" qu’il a édifiée en 2010 sous le regard bienveillant d’Abdulaye Wade. Sur le continent européen, son œuvre, moins colossale, est présentée en Allemagne, en Italie, en France. Sow s’intéresse à l’homme, à l’Africain, aux ethnies zoulou, masaïs, peul, nouba. Il sculpte les peuples d’Afrique "dans une mixture dont il a le secret, à base de sable, de paille et de jute, soit une vingtaine de produits longuement macérés ensemble", écrit Le Monde.
Little Big HornLe succès est au rendez-vous. Son art dépasse les frontières. Sow devient l’un des créateurs contemporains les plus doués de sa génération. Il expose aux États-Unis, au Whitney Museum. "Ousmane Sow ne cisèle pas seulement la complexité des êtres et des choses, des instants et des événements, des émotions et des sentiments, il sait extraire l’énergie vivifiante de la terre pour créer l’Homme à l’image de l’Homme, il arrive à extirper de l’inerte la mémoire essentielle du vivant, sait l’emprisonner pour mieux la libérer, la contraindre pour mieux la magnifier", écrit à son propos l’écrivain John Marcus.C’est en 1999 qu’il connaît la consécration, quand il expose ses sculptures sur le Pont des Arts, au-dessus de la Seine. Plus de trois millions de visiteurs viendront admirer ses "guerriers" et "lutteurs", massifs, magistraux. La même année, son oeuvre consacrée à la bataille de Little Big Horn - ultime victoire du peuple sioux sur le général Custer avant l’extermination – fait l’unanimité. Pas moins de trente-cinq sculptures, hommes et chevaux font partie de cette œuvre unique.Aujourd’hui,Ousmane Sow travaille sur les personnalités qui ont marqué sa vie, une série de sculptures intitulée "Merci" parmi lesquelles on retrouve Victor Hugo, Toussaint Louverture, Martin Luther King ou encore son propre père… Mais mercredi 11 décembre, c’est lui - l’homme "aux doigts de sorcier" comme le surnomme John Marcus - que le monde de l’art a voulu remercier. "Cher Ousmane Sow, conclut ainsi Jean Cardot. Vous étiez naguère sur le pont des Arts. Il suffisait de passer le pont ! Et vous voici désormais parmi nous sous la coupole, où nous sommes heureux de vous accueillir."
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