Logé à l’entrée de Mbour, à quelques kilomètres de Saly Portudal, Médinatoul Salam offre un paradis artificiel aux milliers de «Thiantacounes» qui y vivent parfois dans un dénuement total. Découverte d’un lieu de culte mythique où les mosquées n’ont pas de place.
Médinatoul Salam ! L’empire du Cheikh des « Thiantacounes » semble une forteresse imprenable ! Nichée à l’entrée de Mbour, à quelques encablures de la station balnéaire de Saly Portudal, la seconde résidence de Cheikh Béthio Thioune, guide moral des « Thiantacounes », est un immense domaine qui s’étend à perte de vue. Sur une vingtaine d’hectares. Situé à 2 kilomètres de la route nationale, on y accède par une route en latérite. Et si vous n’êtes pas un habitué de l’endroit, il vous est très facile de vous perdre dans les dédales sablonneux de cette paisible bourgade de Keur Samba Laobé. L’entrée du hameau, d’apparence austère, semble inhabitée. Point d’âme qui vive. Excepté quelques chantiers épars et des maçons qui suent sous le chaud soleil comme des forçats. Un charretier, le visage parsemé de boutons, un maillot bleu collé sur les os, un sachet de jus de bissap aux lèvres, nonchalamment perché sur le siège de fortune de sa monture, indique le chemin : «Vous continuez tout droit sur la route bitumée et au prochain croisement, vous tournez à gauche. Vous trouverez une foule de gens. C’est là-bas». L’endroit indiqué est bondé de monde. En ce mardi 17 avril, Médinatoul Salam s’apprête à commémorer l’anniversaire de la rencontre du guide moral avec le défunt Khalife des mourides, Serigne Saliou Mbacké. On se croirait dans une ruche. Tellement l’endroit bourdonne de partout. Par milliers, les talibés débarquent. Qui d’un car de transport en commun. Qui d’une charrette ou encore de voitures particulières. Hommes, femmes, enfants, jeunes et moins jeunes ont convergé de Dakar et des autres régions du Sénégal pour magnifier ce moment sacré dans la vie de leur «Cheikh». Quelques arbres disséminés ça et là prodiguent une ombre bienfaisante. A gauche, un grand domaine se dresse. Imposant et majestueux. Sur les murs peints en jaune, un énorme tableau représentant Serigne Saliou Mbacké et tapissant le flanc droit du mur, accueille les visiteurs. Poussé le portail en fer forgé, une immense cour tendue de sable blond, chaud au toucher, happe agréablement les hôtes. Une Jeep, un 4X4 et d’autres sortes de véhicules sont stationnés à l’ombre d’un parking. L’une d’elle, noire et rutilante, attire le regard : «C’est la voiture personnelle du Cheikh», informe une « Thianta ». Des talibés éparpillés un peu partout, sacrifient au traditionnel déjeuner. D’énormes bols de riz à la viande sont distribués. Un mégaphone distille en fond sonore des chansons en l’honneur du Cheikh. A l’arrière cour, posés sur les flancs gauche et droit de l’immense propriété, deux bâtisses laquées de beige et couvertes de pierres de carrière, par endroits, se dressent fièrement. Bienvenue au palais de Cheikh Béthio Thioune !
«Est-ce qu’il y avait des mosquées chez Cheikh Ibrahima Fall ?»
Ici, il faut montrer patte blanche pour accéder à la demeure. Les entrées sont scrupuleusement filtrées. Une fois à l’intérieur, ordre est donné d’enlever ses chaussures. Dans l’enceinte du palais du Cheikh, on marche pieds nus ou en…chaussettes. Les chanceux talibés qui ont pu accéder à l’intérieur paressent dans d’énormes sofas. Une imposante chaise pliante sur laquelle on peut lire «Dieureudieuf Serigne Saliou» trône à l’encoignure gauche de la porte d’entrée. L’endroit détonne de par ses lambris dorés, ses lumières opalines et son chic discret. Le palais du «Cheikh» est un havre de fraîcheur comparé à la forte canicule du dehors. Loin du confort du palais du Cheikh, Médinatoul Salam, c’est aussi les maisons des disciples du «Cheikh». «6000 parcelles de 500m2 chacune, que le Cheikh a mises à la disposition des ses affidés. Libre à chacun d’y ériger sa maison en dur ou en simple baraque», confie Ibrahima Diagne, chargé de la communication du Cheikh. Fondé par le guide moral des « Thiantacounes », Médinatoul Salam qui s’étend sur plusieurs «hectares achetées par Cheikh Béthio Thioune grâce aux fonds récoltés lors des thiants» est une terre de paradis pour les Thiantacounes qui y ont élu domicile. Ici, point de mosquées ou de lieux de culte, les talibés répondent par des regards inquisiteurs et médusés lorsque vous leur posez la question. «Y avait-il une mosquée chez Cheikh Ibar Fall ?», lâchent-ils presque en chœur. Sans plus ! A Médinatoul Salam, la solidarité entre talibés est de mise et la vie en communauté semble être leur credo. «Nous sommes très solidaires entre nous. Et même quand il y a événement comme un mariage ou un baptême, les concernés ne dépensent rien du tout. Nous nous cotisons entre Thiantacounes et nous achetons le nécessaire pour la fête : les bœufs, les moutons, les boissons et même les bâches», confie un Thiantacoune sous le couvert de l’anonymat. Ainsi va la vie à Médinatoul Salam. Où les habitants vivent en totale harmonie, reniant parfois parents et famille. Pour et au nom de l’amour du Cheikh.
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