Jadis dans l’anonymat le plus total malgré sa proximité avec Ziguinchor, Mandina Mancagne est devenu tristement célèbre pour avoir été le témoin impassible de l’un des plus grands massacres en trente ans de conflit en Casamance. C’est de ce drame que ce village, situé à la périphérie de la capitale du sud veut se relever, non sans difficultés.

(Correspondance) - Le 19 août 1997, l’opinion découvre encore une fois l’atrocité du conflit casamançais, deux ans après le massacre de 25 soldats par des rebelles armés à Babonda, le 25 juillet 1995. Cette fois encore, 23 soldats sont froidement abattus par des hommes armés identifiés comme étant des combattants du Mouvement des forces démocratiques de la Casamance (Mfdc). Le drame s’est produit à Mandina Mancagne, village situé à la lisière de la commune de Ziguinchor. Qui pouvait imaginer un tel massacre dans une zone qui pourrait même être considérée comme la périphérie de la capitale du sud ? Le mal était déjà fait. Et depuis lors, Mandina Mancagne plongea dans l’agonie. Ses habitants ont préféré quitter les lieux, transformés en champs de bataille où s’affrontent militaires et rebelles séparatistes de Casamance. Pendant plusieurs années, Mandina Mancagne est presque rayé de la carte et devient même un village maudit et d’une célébrité redoutable.

Et pendant tout ce temps, l’armée qui y a élu domicile s’occupe de la sécurisation de la zone à travers des opérations de ratissage. Lesquelles ont permis de «dépolluer» la zone. Ce travail de longue haleine a permis, dans le temps, le retour progressif des populations à Mandina Mancagne. Une fois sur place, le décor était tout autre avec des habitations délabrées, envahies par les herbes sauvages si elles n’ont tout simplement pas été détruites. Mais, qu’à cela ne tienne. La volonté de retour était plus forte que tout chez les habitants. Aujourd’hui, Mandina Mancagne semble avoir retrouvé ses «fils». Le symbole de cette résurrection est l’école primaire du village. Délocalisée pendant plusieurs années à Tilène, un quartier de la banlieue de Ziguinchor, l’établissement connait une seconde vie.

Mais, que de chemin parcouru, mais aussi, de sacrifices énormes et de courage indompté comme nous le raconte l’ex-directeur. «Il nous a fallu beaucoup de courage pour accepter de venir rouvrir l’école. A l’époque, le village était quasi vide. Il n’y avait que quelques maisons et nous étions obligés de modifier l’emploi du temps pour ne pas trop durer ici», se rappelle avec fierté Amadou Diallo. Qui poursuit : «A chaque fois qu’on voyait un groupe de personnes entrer dans le village, c’était la panique totale car, on pensait à une attaque rebelle.» C’est dans cette ambiance de crainte et d’angoisse qu’un groupe d’enseignants animait tant bien que mal l’école de Mandina Mancagne.

Aujourd’hui, c’est un tout autre visage que l’établissement offre. Car, depuis des années, la solidarité s’est développée autour de cette école qui a bénéficié du soutien de l’Etat, mais aussi et surtout, des partenaires, Ong et ressortissants du village. «Nous sommes nés dans ce village, nous y avons grandi. Il n’y a pas de raison qu’on ne se sacrifie pas pour notre localité», se glorifie Hyppolite Minkète. Ce fils de Mandina Mancagne, aujourd’hui, responsable politique, fait partie de ceux qui ont aidé l’école cette année à organiser sa fête de l’excellence. Il s’est agi donc pour eux d’aider leurs enfants à cultiver l’excellence dans cet environnement pas du tout facile où la pauvreté se vit au quotidien et où le stress est permanent.Ce besoin de résurrection touche aujourd’hui tous les secteurs à Mandina Mancagne. Un défi pour le relèvement duquel la diaspora entend se mobiliser. Mais déjà, Mandina Mancagne réapprend à vivre, même si les souvenirs atroces restent encore vivaces.