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Les sentiers invisibles de l’économie nocturne

Auteur: AÏcha Fall

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Les sentiers invisibles de l’économie nocturne

La contrebande en Afrique de l’Ouest ne disparaît pas sous l’effet des contrôles, elle se reconfigure. Les flux informels se déplacent au rythme des nouvelles routes, des postes frontières renforcés ou des écarts de prix entre pays voisins. Lorsque des taxes augmentent sur le carburant, le riz ou le sucre, les itinéraires s’adaptent presque immédiatement. Selon la Banque mondiale, entre 15 % et 30 % des échanges transfrontaliers dans la région échappent aux circuits formels, une estimation qui représente pour certains États sahéliens fortement dépendants des droits de douane un manque à gagner fiscal équivalant à plusieurs points de PIB.

Cette économie parallèle repose sur une logique rationnelle d’arbitrage. Les différentiels de fiscalité, de subventions ou de réglementation créent des opportunités de profit qui incitent les opérateurs à contourner les règles. Par exemple, en 2024, l’écart de prix du carburant entre le Nigeria et certains pays voisins dépassait 40 %, alimentant des flux massifs de carburant de contrebande. Ces pratiques faussent la concurrence, fragilisent les entreprises formelles et réduisent l’efficacité des politiques publiques, puisque les signaux de prix sont brouillés et les recettes fiscales amputées.

Les conséquences macroéconomiques sont loin d’être marginales. D’après le FMI, la fraude et la contrebande réduisent en moyenne de 2 % à 4 % du PIB les recettes publiques potentielles dans plusieurs économies ouest‑africaines. Cette perte limite la capacité de financement des infrastructures, de la santé ou de l’éducation, et alimente un cercle vicieux où la faiblesse des services publics renforce l’acceptabilité sociale de l’informel. Elle accentue aussi la dépendance aux financements extérieurs, souvent plus coûteux et conditionnés.

La persistance de ces routes informelles met en lumière les limites des approches uniquement répressives. Le renforcement des contrôles sans harmonisation fiscale ou commerciale tend surtout à déplacer les flux plutôt qu’à les réduire. Des initiatives régionales, comme celles portées par la CEDEAO sur la facilitation des échanges ou l’interconnexion des administrations douanières, visent à réduire ces incitations. La lutte contre la contrebande passe donc autant par une meilleure cohérence des politiques économiques que par la surveillance des frontières, avec à la clé des gains budgétaires et une concurrence plus équitable pour les acteurs formels.

Auteur: AÏcha Fall
Publié le: Mardi 23 Décembre 2025

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