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Sur les traces du village d'origine d'Omar Ibn Saïd, un homme lettré capturé et vendu comme esclave en 1807 aux Etats-Unis

Auteur: BBC

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Sur les traces du village d'origine d'Omar Ibn Saïd, un homme lettré capturé et vendu comme esclave en 1807 aux Etats-Unis

C'est une histoire fascinante qui continue de faire couler beaucoup d'encre en Afrique et aux États-Unis.

Cette histoire est celle de Omar Ibn Saïd. Né au Fouta Toro (Sénégal) vers 1770, il fut capturé et vendu à l'âge de 37 ans comme esclave à Charleston (Caroline du Sud- États-Unis).

Échappé à son maître, il s'était enfui avant d'être appréhendé et emprisonné à Fayetteville (Caroline du Nord). De son lieu de détention, l'homme se mit à écrire sur les murs de la prison. La nouvelle de l'esclave qui griffonne une écriture étrange gagne la ville. Il est acheté à nouveau par un autre maître.

Depuis la découverte de ses manuscrits en arabe où il raconte sa vie et son origine, des chercheurs américains et sénégalais se sont lancés à la recherche de ses origines. Un groupe de chercheurs sénégalais pense avoir identifié enfin le village en question au cœur du Fouta, au nord du Sénégal.

Qui est Omar Ibn Saïd ?

Dans l'un de ses manuscrits autobiographique, Omar Ibn Saïd parle de sa vie. Il écrit : ''avant ma venue au pays des Chrétiens (Etats-Unis), ma religion était celle de Mohammad, le prophète d'Allah. Qu'Allah le bénisse et lui accorde la paix''. Il explique avoir fait le pèlerinage musulman à La Mecque.

Evoquant sa naissance, il déclare être « né dans le Fouta-Toro, entre les deux rivières'' et affirme avoir étudié dans le Boundou (Province à l'est du Sénégal) pendant 25 ans.

« Après mes études, je suis retourné chez moi pendant six ans avant qu'une armée n'envahisse notre pays. Ils ont tué beaucoup de gens. Ils m'ont capturé, et m'ont vendu à un chrétien qui m'a emmené dans un grand bateau. » écrit Omar Ibn Saïd.

Embarqué dans un bateau à destination de l'autre côté de l'Atlantique, il est débarqué après un mois et demi de voyage à Charleston où il a été vendu.

''Là, ils m'ont vendu à un homme petit, faible et méchant, nommé Johnson, un infidèle complet qui ne craignait absolument pas Dieu'' écrit Omar Ibn Saïd.

Victime de sévices comme la plupart des esclaves, il s'est enfui quelques années plus tard.

''Je suis un homme de petite taille et incapable de faire un dur travail. Je me suis donc enfui des mains de Johnson et, un mois plus tard, je suis arrivé à un endroit appelé Fayd-il (Fayetteville)'' relate -t-il dans ses écrits avant de raconter les circonstances de son arrestation.

''À la nouvelle lune, je suis entré dans une église pour prier. Un jeune garçon m'a vu et est parti à cheval chez son père pour lui dire qu'il avait vu un Noir dans l'église. Un homme et un autre homme avec lui à cheval sont arrivés, accompagnés d'une meute de chiens''.

Arrêté et emprisonné pendant ''seize jours et seize nuits'', il a été acheté par un ''nommé Jim (James) Owen, qui se trouve être le frère du gouverneur de Caroline du Nord.

Contrairement à son premier maître décrit comme un ''infidèle méchant'', James Owen est décrit comme un ''homme bien qui lit l'Evangile''.

« Je suis toujours sous la protection de Jim Owen, qui ne me bat pas, ne m'insulte pas et ne me soumet ni à la faim, ni à la nudité, ni au travail forcé'' écrit-il à la dernière page de son manuscrit autobiographique précisant toutefois ''ne pas pouvoir travailler dur, car je suis un homme petit et malade''.

Dans ses manuscrits, il évoque une conversion au christianisme tout en continuant à faire référence au Coran.

Pour Mamarane Seck, cet aspect est ''troublant et suscite beaucoup d'interrogations qu'il convient d'éclaircir''.

Coppé, un village ancien au cœur du Fouta pourrait être le village d'origine d'Omar Ibn Saïd

Mamarame Seck est Enseignant-chercheur, à l'Institut Fondamental d'Afrique Noire (IFAN) de l'Université Cheikh Anta Diop de Dakar. Il est aussi le conservateur du Musée historique du Sénégal à Gorée.

Avec un groupe de chercheurs historiens sénégalais, il s'est lancé à la recherche du village d'origine de Omar Ibn Saïd, désormais rendu célèbre par la découverte de ses manuscrits en arabe, exposés actuellement à la Bibliothèque du Congrès américain.

Joint au téléphone par BBC News Afrique, il nous apprend qu'il pense avoir identifié le village d'origine d'Omar Ibn Saïd après des recherches effectuées au Fouta dans le nord du Sénégal.

Pour mener à bien ses recherches, il a obtenu une copie des manuscrits en arabe soigneusement conservés à la bibliothèque du Congrès américain.

''En faisant relire le texte (en arabe) d'Omar Ibn Saïd par les gens du Fouta, j'étais convaincu que ce texte nous révélerait des choses que d'autres (traducteurs anglais) n'ont pas forcément compris'' explique le Dr Mamarane Seck.

Muni des manuscrits et fort des détails que contiennent ces documents, il a mené plusieurs entretiens au Fouta avec des notables et des lettrés en arabe pour essayer de tirer le maximum d'information sur des manuscrits rédigés avec une calligraphie en style maghribi (généralement adoptée par les marabouts et les écoles coraniques de l'Afrique de l'Ouest).

En tant que chercheur, les descriptions géographiques contenues dans les manuscrits ont également été d'une grande importance.

''Ce n'est pas seulement le manuscrit autobiographique, mais il y a aussi d'autres documents des lettres écrites par l'esclave'' fait remarquer Mamarane Seck ajoutant que dans une de ces lettres qui date de 1819, Omar Ibn Saïd disait quelque part vouloir retourner en Afrique dans un village dont la mention sur le manuscrit avait été lu ''Coppé'' par un imam.

''C'est ça qui m'a poussé, après avoir visité d'autres lieux dans le Fouta, d'aller à Coppé et de m'intéresser principalement à ce village pour savoir dans quelle mesure, il pourrait être le village d'origine de Omar Ibn Saïd'' relate l'universitaire sénégalais.

''Dans l'histoire du village, dit Mamarane Seck, sa position géographique, la lecture de son nom par un imam respecté et d'autres témoignages recueillis sur l'histoire du village, tout indique que Coppé pourrait être le village d'origine de Omar Ibn Saïd''.

''Omar dit dans ses écrits qu'il vient d'un lieu (Coppé) situé entre les deux fleuves. Cette description nous renvoie à l'Ile à Morphile, qui est entre le fleuve Sénégal et son affluent le Doué'' précise-t-il.

Evoquant sa capture, puis sa vente comme esclave à un homme blanc, Omar Ibn Saïd a parlé ''d'une bande de mécréants qui est venue attaquer son village et qui ont tué beaucoup de personnes et ont marché avec moi jusqu'au fleuve''.

''Si vous regardez la géographie du village, tout cela correspond'' soutient le Dr Mamarane Seck.

L'année de la capture de Omar Ibn Saïd (1807), correspondre également à un fait historique bien connu des historiens sénégalais.

''Oui nous étions en 1807, c'était la fin du règne d'Abdul Qadir Kan qui était le premier Almamy du Fouta Toro'' souligne l'universitaire sénégalais.

''Il (Almamy) était connu pour avoir mis fin à l'esclavage des musulmans. D'ailleurs, il a été assassiné à cause de ça'' rappelle-t-il, avant d'ajouter qu'il était ''fréquent à cette époque-là, de voir des attaques de villages ennemis pour se faire des captifs''.

Comment est apparue l'histoire de Omar Ibn Saïd

Tout est parti de la découverte d'une série de 15 documents écrits en arabe par Omar Ibn Saïd en personne.

Tombés entre les mains de Théodore Dwight, abolitionniste et fondateur de l'American Ethnological Society, les manuscrits ont été traduits en anglais par Dwight et ses collègues universitaires et membres de l'American Colonization Society en 1925.

Egarés, les documents traduits ont été retrouvés en 1995, soit soixante-dix ans plus tard.

Depuis lors, ils suscitent la curiosité des visiteurs de la bibliothèque du Congrès plus particulièrement des chercheurs et la communauté afro-américaine.

Des chercheurs américains et sénégalais travaillent sur le sujet

Omar Ibn Said a vécu comme esclave jusqu'à sa mort en 1864 à l'âge de 94 ans. Pour l'universitaire sénégalais, son histoire suscite un double intérêt.

''Etant membre d'un groupe de recherche sur le retour des biens culturels, il est nécessaire que les communautés elles-mêmes soient associées dans cette recherche de l'origine de l'esclave'' dit-il.

''C'est dans ce cadre-là que je me suis mis à travailler sur ce sujet notamment en essayant de faire revenir le texte pour le partager avec les gens du Fouta parce qu'il a été écrit par un des leurs même s'il l'a écrit en étant esclave pour moi, c'est un héritage commun de la population du Fouta'' explique Mamarane Seck.

''Deuxièmement avec le texte d'Omar Ibn Saïd, nous pouvons mieux comprendre d'abord les conditions de sa captivité et l'esclavage dans la sous-région'' dit-il soulignant qu'un travail de recherche visant à retrouver sa tombe aux Etats-Unis avec des collègues américains est en cours.

Auteur: BBC
Publié le: Vendredi 14 Novembre 2025

Commentaires (8)

  • image
    Amans il y a 11 heures

    Tu veux trouver une femme pour une nuit? Viens sur ->> Hot21.fun

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    Usa il y a 11 heures

    Peut on voir les manuscrits

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    Suis il y a 11 heures

    Paix à son âme

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    Ngor Jegaan il y a 10 heures

    Vivement ce genre d'article qui à défaut de nous changer de la routine politique assez souvent biaisée (donc abrutissante) au moins rééquilibre l'offre informationnelle.

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    Veritas il y a 10 heures

    À l'instar de la biographie de Ayuba Suleyman Diallo (Job ben Solomon), l'exploitation de ce manuscrit, pour le coup autobiographique, est un élément essentiel pour comprendre cette période du point de vue des esclaves déportés.
    Deux grandes difficultés rendent souvent difficiles la reconstitution de l'opinion des populations qui peuplaient le Sénégal moderne : la transmission des faits historiques par les griots est de plus en plus difficile et souvent hagiographique, l'illettrisme était la règle sous nos tropiques.
    C'est donc, malheureusement pour eux, une grosse chance pour nous que des lettrés arabophones venant du Fuuta ou du Bundu aient laissé des traces écrites de leur périple transatlantique
    Du courage aux chercheurs !

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    il est mauritanien il y a 9 heures

    FOUTA TORO n'est pas seulement sénégalais; il peut bien être mauritanien

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    tous il y a 8 heures

    tous ceux qui avaient été arrachés à l'afrique avaient des capacités c'étaient des travailleurs qui avaient des savoirs dans toutes de domaines; au pire ils pouvaient au moins travailler la terre: c'est grace à eux que ...

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    Soumaré il y a 3 heures

    Effectivement Fouta Toro a été divisé en deux, l'autre rive du fleuve Sénégal fait partie de la Mauritanie, mais l'île entre les deux fleuves dont parle Oumar Ibn Saïd dans l'un de ses manuscrit, ne se trouve que dans la partie sénégalaise de Fouta Toro, en l'occurrence l'île à Morphile, car dans la partie mauritanienne il n'y a pas une Île semblable.
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