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" La justice des pauvres par Aliou Ndiaye

Auteur: Aliou Ndiaye

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Dans le contrat social, Jean Jacques Rousseau a laissé à l'Humanité tout entière de beaux traits d'esprit. Des maximes utiles pour nos esprits fossiles. Le fort, prévient-il, n'est jamais assez fort pour être toujours le plus fort. Pour garder sa puissance, un édit doit transformer sa force en droit et l'obéissance en devoir. La législation est donc un bon business. C'est du Win-win. Elle offre une protection pour les gouvernés et un paravent pour les gouvernants. Respectée, elle est le garant de l'équilibre, de la stabilité et de la paix sociale. Dans le contexte actuel du Sénégal, le Code pénal est devenu un gourdin. Entre les mains de quelques psychopathes dangereux, il casse du pauvre et de l'opposant. Tout pouvoir sans entraves et sans contrepoids mène à l'abus, à la folie. L'arbitraire est la démence du pouvoir. Et les signes cliniques de cette dégradation mentale se lisent à l'échelle des faits les plus banals de l'actualité. Deux charretiers ont été arrêtés le mardi 3 janvier dernier au marché Boubess de Guédiawaye. Pris en flagrant délit de consommation de chanvre indien, ils ont quand même bénéficié du soutien de la population. Cette dernière s'était opposée à l'arrestation des délinquants. Les policiers ont dû tirer des coups de feu en l'air pour se frayer un chemin. Cette nouvelle rébellion a été prise pour un simple incident. C'est une grave erreur. C'est un signe et une preuve. Le Sénégalais ordinaire a perdu confiance en la loi. La justice des pauvres est le pire des injustices. Et en la matière, le gouvernement d’Abdoulaye Wade ne se gêne pas. Surtout pas. Lamine Touré et Cheikh Diagne, les deux charretiers de Guédiawaye, ont été condamnés à un mois de prison ferme, malgré leur dénégation. Cheikh Amadou Bamba Diallo, présenté comme leur acolyte, a pris une balle à l'épaule. Il a été envoyé au Pavillon spécial de l'hôpital Aristide Le Dantec en attendant de faire face au juge. Les faits ainsi relatés sont en contradiction flagrante avec le sort fait à Baye Moussé Bâ dit «Bro» et Sémou Diouf. Ces deux gros bras bénéficient d'un privilège de sanction. Ils ont été placés sous contrôle judiciaire. Cette décision du juge est une faveur. Ils ne sont pas les seules personnes citées dans le dossier à pouvoir présenter des garanties de représentation. Mais ils ont été les seuls à se pavaner malgré la gravité des faits et les charges du dossier. Les deux favoris doivent leur liberté à un ministre d'Etat du gouvernement de Abdoulaye Wade. Si on en croit les confessions de la presse, ce dernier aurait fait des pieds et des mains pour sortir «Bro and Co» de prison. Toute cette agitation tient d'une certaine désinvolture et d'un défaut de talent très grave. Wade et son gouvernement scient la branche sur laquelle ils sont assis. La justice à deux vitesses porte en elle-même les germes d'une violence autodestructrice. Ce qui s'est passé à Guèdiawaye sonne un glas. Une semaine auparavant, l'Union des magistrats sénégalais avait sonné son tocsin. Une goutte d'eau fera déborder le vase. Bientôt. Il existe de ces images qui vont s'incruster dans la mémoire collective. Il en est du départ en trombe des policiers de Dieuppeul lors de la fusillade de Mermoz-Sacré-Cœur. Personne ne comprend l'apathie des agents devant le drame. Barthélemy Dias tirait sur les nervis au nez et à la barbe des forces de l'ordre. Aucune tentative pour le désarmer n'a été notée. Les nervis auraient dû être arrêtés sur les lieux du crime. Car avant même de faire route sur la mairie de Baobab, leur expédition était passée par le domicile du professeur Abdoulaye Bathily. Pourquoi les populations vont-elles laisser la police arrêter de petits fumeurs de «yamba» alors même qu'on les a vus assister sans réagir à la fusillade du 22 décembre ? Est-ce que les nervis sont plus Sénégalais que les trois charretiers de Guédiawaye ? Est-ce que le fait d'aller en mission commandée par le régime libéral offre plus de droit ? Le bon sens populaire sait parfois être sentencieux. Il n’y a pas de justice dans ce pays, sauf pour les pauvres et les opposants malhabiles. Et Wade vient encore de pousser le bouchon. Pour des raisons purement électoralistes, le chef de l'Etat a décidé de sortir de prison toutes les femmes à la date du 20 janvier. Jamais, le pouvoir judiciaire n'a reçu pareil soufflet. Wade ne fait même pas cas des détentions préventives, des garanties de représentation et de la nature des poursuites. La politique politicienne est, pour lui, au-dessus de tout. Mais la ruse s'est usée. Une goutte d'eau fera déborder le vase. Bientôt.
Auteur: Aliou Ndiaye
Publié le: Lundi 09 Janvier 2012

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