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" Le dernier magicien " par Aliou Ndiaye

Auteur: Aliou Ndiaye

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Il faudra s'y résoudre malheureusement. Abdoulaye Wade a perdu la main. L'homme politique intercontinental, le calculateur prodigieux, l'esprit et la lettre de l'opposition au Parti socialiste a disparu. Le discours du 14 juillet avait des allures sinistres d'oraison funèbre. Le funambule est tombé lors d'un dernier numéro d'acrobatie peu applaudi. Une chute en technicolor et en mondovision. Vendu comme un retour tonitruant sous les feux de la rampe politique, le Cirque de la peur bleue a hérissé le citoyen ordinaire. Wade a fait des aveux circonstanciés, du bluff et des accusations gratuites. Désormais, sa parole compte pour du beurre. «Waxoon, waxeet». Les habitants de la grande banlieue de Dakar en savent davantage sur le niveau d'estime du chef de l'Etat. Ils ne sont qu'un regroupements de casseurs vulgaires et de vandales en puissance. Désormais, le prestidigitateur du «Sopi» pose sa scène en rase campagne. Des tours de passe-passe fiduciaires pour des chefs de village conjoncturés. On peut tromper une partie du peuple, une partie du temps. Mais on ne peut pas tromper tout le peuple, tout le temps.
 
Vraisemblablement, la rencontre avec les chefs de village, prévue cette semaine, sera le dernier tour de magie de Me Waxeet. Il faudra s'attendre à des opérations de multiplication de billets de banque. Wade va sortir de son chapeau haut de forme des indemnités. Pour lui, la docilité des ruraux est au marché. Il faut juste savoir y mettre le prix. Dans sa stratégie de conservation du pouvoir, il choisit donc d'aller sur un terrain bien connu des Socialistes. La campagne est considérée par toute une génération d'hommes politiques sénégalais comme le paradis des charlatans et des diseurs de bonnes aventures. On peut y vendre du vent, de la poussière et du folklore à des paysans incrédules. De la verroterie contre des esclaves. L'esprit de traite a ses disciples fervents et ses continuateurs zélés. Le pape du Sopi semble désormais faire partie de l’escouade fameuse des nouveaux nègres marrons.
Ce nouveau commerce triangulaire, argent-paysan-président, n'a pas beaucoup de chances de prospérer. Wade fait un calcul mauvais. Il ne voit que des chiffres. 20 000 chefs de village, 60% de la population du Sénégal, le grenier électoral par excellence. Puisque la banlieue de Dakar semble définitivement perdue, en voilà donc un bon réservoir de substitution. Le Président sortant oublie la dimension humaine de la chose. Ces chefs de village ne sont ni des automates, ni des ignares. Élevés dans la pure tradition locale, ils sacralisent la parole donnée. Depuis leurs tendres enfances, on leur dit «Gor, ca waxja (un homme d'honneur n'a qu'une parole)». On verrait mal des gens de ce format social et intellectuel se prosterner devant un disciple de Charles Pasqua. L'homme politique français est devenu célèbre pour ses frasques et ses déclarations tonitruantes. Parmi lesquelles : les promesses électorales n'engagent que ceux qui y croient.
La Présidentielle anticipée proposée par Abdoulaye Wade n'est donc pas un bluff. Il a fait le calcul d'une sorte de guerre éclair pendant laquelle ses panzers venus du monde rural et de la jeunesse passeraient sur l'opposition. À la vitesse des chars allemands de la seconde guerre mondiale, ils écraseraient tout sur leurs passages. Le Président sortant veut jouer sur l'effet de surprise et la massivité de l'attaque pour l'emporter. Les obstacles objectifs à son plan existent. Mais Wade ne s'encombre pas outre mesure. Un homme capable de modifier une Constitution pour se faire réélire avec 25% des suffrages exprimés est aussi capable d'organiser une élection au rabais. L'essentiel pour lui, c’est de l'emporter. Dans le cas d'un refus de l'opposition, il escompte une autre période d'accalmie pour mieux affiner sa stratégie. Les ruraux et les nouveaux volontaires de l'éducation payés à 50 000 FCfa le mois devraient, dans ses calculs, lui permettre d'atteindre la barre des 50% au premier tour. Au rythme où marche la Nation, ce n'est plus un pari ou un poker menteur, c'est un jeu bien plus risqué. On appelle cela la roulotte russe. Pan !
Auteur: Aliou Ndiaye
Publié le: Lundi 18 Juillet 2011

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