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Tuesday 18 November, 2025
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Le turlupin de Tamaro

Auteur: Souleymane Jules Diop

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 « Un seul mauvais exemple, une fois donné,
est capable de corrompre toute une nation,
et l’habitude devient une tyrannie. »
VOLTAIRE

Karim Wade, fils d’Abdoulaye Wade, est décidément un inénarrable fagotin. Ses nombreuses charges ne sont jamais trop lourdes. Il est un jour en turban dans les cours royales du Golfe persique, un autre en costume anglais dans les banques à la recherche de financements, amasse d’énormes sommes d’argent. Mais dès qu’il s’agit de répondre à ses accusateurs, le fils d’Abdoulaye Wade s’effondre. Le dandy des principautés arabes se transforme en victime des « comploteurs » et laisse couler ses sécrétions lacrymales.
Laissez-moi vous le dire. S’il tenait tant à son honorabilité, il y a longtemps qu’il serait parti, tellement les casseroles bruissent, les scandales s’accumulent. On ne sait plus quelle affaire considérer, par quel bout la prendre. Quand vous pensez à un scandale, ne vous laissez pas affliger. Reculez de quelques semaines dans le temps et un autre vous parviendra à l’esprit, plus grand que celui qui l’a précédé, qui vous fera catastropher. Le problème est qu’à toutes ces accusations, le turlupin de Tamaro répond invariablement comme un automate, avec des phrasées empruntées à ses avocats : « vous avez porté atteinte à mon honneur et à ma réputation. C’est de la pure comédie. Il n’a pas besoin d’un QI trop élevé pour savoir que ses plaintes, s’il les met à exécution, n’ont aucune chance d’aboutir. Pour qu’il y ait diffamation, il faut que soit établie une intention manifeste de nuire : ces documents ont été écrits il y a plusieurs années ; il faut que les propos cités aient un caractère publicitaire : ce sont des documents classifiés qui n’ont jamais été rendus publics par leurs auteurs. Mais même si les conditions d’une plainte avaient été réunies, ses avocats se heurteraient à un dernier obstacle, l’immunité diplomatique. Il restera à Karim Wade un bouc émissaire, le journal Le Quotidien. Mais il ne sera pas au bout de ses peines. Il faut que le journal soit l’auteur des passages cités, il ne l’est pas : les télégrammes ont été publiés par Wikileaks, beaucoup plus lu que Le Quotidien. Avant donc que l’honorabilité de Karim Wade ait été atteinte, elle était déjà morte et enterrée.
C’est pourquoi l’agitation convulsive avec laquelle il menace tous ceux qui l’accablent n’est qu’une façon de sublimer sa propre peur d’aller en prison. Car tout le monde ne peut pas mentir en même temps. Et surtout, les diplomates français et américains, auteurs de ces télégrammes diplomatiques, ne peuvent pas tous comploter pour nuire à un seul individu. Il est évident que s’ils étaient animés par cette intention, ils n’auraient pas classé confidentiels ou secrets leurs télégrammes. Ils n’auraient pas attendu si longtemps pour les « faire » publier. Ces feintes indignations ne peuvent tromper personne et à moins qu’il achète le site Wikileaks s’il est à vendre, rien ne fera cesser ces révélations. Je ne peux pas cacher ma joie. Je suis heureux de la revanche que toutes ces révélations me font prendre sur lui. Il ne dort pas la nuit et dès le petit-matin, il attend le câble qui viendra lui nouer l’estomac pour le restant de la journée. C’est un pur bonheur pour nous tous qui attendions ce moment. Il va toujours trouver des « ennemis » et des « comploteurs », mais aucun candidat ne peut coordonner en même temps les déclarations de Robert Bourgi, les télégrammes des diplomates occidentaux et les publications de Wikileaks. C’est un non sens. La question n’est pas de savoir qui complote contre qui. Karim Wade doit répondre de ces accusations graves. Pour avoir dirigé, avec son ami Ousmane Sy, les négociations qui ont abouti à la vente de la licence Sudatel à 100 milliards de francs, il doit nous dire où sont passés ces fonds, puisque le ministre des Finances avait lui-même avoué que l’argent n’avait pas été directement versé dans les comptes du Trésor, parlant d’une perte de plusieurs milliards au change, sans convaincre. Je lisais hier, effaré, un télégramme dans lequel Alex Segura explique dans le menu détail le procédé par lequel une bande de faussaires, sous la conduite d’Ibrahima Sarr, le même qui travaille avec Karim Wade, maquillait les comptes de l’Etat pour cacher à une mission du Fmi l’existence d’un trou budgétaire d’un milliard de dollars. Quand  Abdoulaye Wade a été mis au courant de ces pratiques criminelles, il a tenté de nier, avant de se résigner face aux preuves accablantes. L’on comprend mieux pourquoi M. Segura a reçu une mallette remplie de devises à la fin de sa mission au Sénégal. C’était pour se payer son silence.
Je ne veux pas ici évoquer cette affaire de possession de drogue, que nous avons apprise depuis plusieurs mois. Dans le fond, il n’y a rien qui ait été écrit sur les pratiques criminelles de ce régime, que nous ne savions déjà. C’est faire preuve d’un grand courage que de la reprendre, mais ce n’est rien, à côté de l’ampleur des détournements de ressources qui auraient pu aller aux couches les plus pauvres de la société. Lors du dernier passage d’Abdoulaye Wade dans un hôtel new-yorkais, le Fbi avait libéré ses chiens renifleurs dans sa suite, au moment de son départ. Ses bagages avaient été fouillés à l’aéroport, suite à de réels soupçons de trafic de drogue. Aucun chef d’Etat n’avait subi une telle humiliation. Il s’est jusqu’ici garanti le silence sur ses pratiques en faisant planer sur chacun la menace de poursuites judiciaires ou en corrompant ceux qu’il ne pouvait pas soumettre. Voilà qu’au grand jour nous découvrons, sous les plumes des diplomates, les raisons de sa détermination à se maintenir au pouvoir à vie. Nous apprenons de son vivant ce que nous ne devions apprendre qu’après sa mort. C’est maintenant l’éventualité d’un procès qui l’empêche de quitter le pouvoir. Mais son fils « surdoué », « le meilleur, le seul capable de diriger son ministère, le seul qui a des relations dans le monde des finances », n’y échappera pas. Son père a voulu lui éviter cette éventualité, en tentant ce virage raté vers la monarchie héréditaire. Mais que Karim Wade s’en avise : les Sénégalais en ont assez de son cirque et ils le feront cesser. Tout le monde est convaincu de la véracité des révélations de Wikileaks, jusques parmi les successeurs potentiels de son père. Quand vient le cas Karim Wade, les oppositions se dissipent et l’unanimité se fait jour. Il a réussi à exaspérer un peuple qu’il a eu tort de mépriser : il ne fréquente pas ses hommes, il n’habite pas ses quartiers, Il ne parle pas ses langues, mais il aime son argent.
SJD
WADE TAKES ACTION RELUCTANTLY, THEATRICALLY ------------------------------------------- ¶13. (C) Segura said that after the July audit brought to light the huge problem of extra-budgetary commitments, he met with President Wade almost on a daily basis. Wade apparently went through the full "five stages" of loss, starting by denying that the problem (until Segura showed him copies of 80 illegal payment commitments), to anger, "O.K. I'll throw them all out!" and finally, to acceptance, leading to the recognition that he was facing a serious problem thus the firing of then-Budget Minister Sarr. Segura reported that he constantly had to sidestep Wade's requests for advice on personnel matters, such as on who needs to be fired. FORMER BUDGET MINISTER WAS IN DEEP ---------------------------------- DAKAR 00001140 004.2 OF 005 ¶14. (C) Segura made no bones that former Budget Minister Sarr was intimately implicated in the budget abuse, stating that it was clear that Sarr had lied to the IMF on a number of occasions. During the negotiations for Senegal's PSI program, Sarr hugely under-reported the estimate of the government's unpaid bills. In another instance, Sarr provided a signed document indicating the volume of extra-budgetary commitments, which is probably no more than ten percent of the actual amount that Sarr approved. Segura was able to obtain documents of more than 80 illegal funding commitments signed by Sarr. In all, at least 15 ministries and a number of national agencies received illegal funds, or commitments. Ministry of Finance contacts have told us that the Ministry of Infrastructure was the largest recipient of these irregular obligations, which, in turn, directly implicates President Wade, Karim and APIX, who are the driving forces behind the country's special infrastructure projects. Segura also explained that Sarr had lied to him in May, when Sarr claimed he had not signed the non-transparent, likely illegal, contract for the evaluation of the GOS's shares in Sonatel (Ref D), when copies of the document that Segura obtained were, in fact, signed by Sarr.
Auteur: Souleymane Jules Diop
Publié le: Jeudi 15 Septembre 2011

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