Calendar icon
Saturday 15 November, 2025
Weather icon
á Dakar
Close icon
Se connecter

Matam : Une région qui souffre profondément de son enclavement

Auteur: Omar Kane

image

Malgré son nouveau statut, Matam est encore loin d'être à la hauteur des autres capitales régionales de notre pays. Non seulement l'accès à la ville relève d'un véritable casse- tête du fait de son enclavement, mais il y a que l'inexistence d'une station d'essence constitue une très sérieuse contrainte pour les automobilistes.

Avec l'isolement des trois ponts, suivi par des engagements des autorités administratives au plus haut niveau de l'Etat, les Matamois espéraient voir le problème de l'enclavement de leur ville définitivement résolu. Mais seulement aujourd'hui, la surprise est grande. Après plus de quatre mois, ce sont des travaux de confortement qui ont été effectués, juste pour rétablir le trafic en cette période hivernale durant laquelle aucune pistes de déviation n'est praticable du fait de l'envahissement des eaux de la crue. Malgré ces travaux qui, selon les techniciens, garantissent les normes sécuritaires, il demeure que le trafic repose sur un certain nombre de conditions difficilement ressenties par les automobilistes. A l'entrée des ouvrages, l'entreprise y a érigé des « portite » d'une très petite largeur qui, selon M. Diaw, transporteur en commun, constitue un danger. « Imaginez-vous que sur cet axe routier, il n'y a plus que les vieilles voitures qui font la navette avec Ourrossogui. Des voitures extrêmement délabrées dont la plupart ne dispose même pas de frein. C'est un très grand danger pour les passagers au cas ou deux véhicules se rencontrent au milieu d'un des trois ponts. Nous nous attendions à des travaux dignes du nom. C'est-à-dire à défaut d'avoir de nouvel ouvrage, que le gouvernement mette le temps et les actions qu'il faut pour la réhabilitation des ouvrages. Mais c'est cela que nous constatons », regrette-t-il. Sur la question, le préfet de Matam abonde dans l'autre sens. « D'après les techniciens en charge des travaux de ré confortement, les ouvrages garantissent aujourd'hui la sécurité. Les travaux réalisés sur les trois ponts nous   permettent de les rouvrir. Nous avons pris toutes les dispositions nécessaires. Maintenant sur la mise en place des « portides » à l'entrée des ponts, ce sont des spécialistes qui ont fait les études. Il n'y a aucun risque à ce niveau. A notre niveau ce qui nous préoccupe, c'est plutôt la sécurisation des ouvrages. Les techniciens ont fixé la capacité des ouvrages à trois tonnes cinq cent. C'est pour assurer le respect de cette instruction que ces « portides » ont été installés. Je ne vois pas comment ceci pourrait représenter un danger », explique-t-il. Ajoutant, être convaincu qu'un véhicule sans frein ne doit même pas circuler, à plus forte raison de transporter des passagers. Du côté des responsables de l'entreprise en charge des travaux, on rassure. « Nous avons exactement réalisé les travaux qui étaient inscrits dans le cahier de charges. Et aujourd'hui, ceux-ci nous permettent de garantir la sécurité », soutient M. Montero.  Poursuivant dans la même logique, il demeure ferme. «  La résolution du problème d'enclavement de Matam, ne sera possible qu'avec la construction de nouveaux ouvrages. Cela est clair. Mais ce que nous avons fait jusqu'ici ne permet que de rétablir momentanément le trafic », prévient-il. Malgré toutes ces assurances, les passagers eux demeurent partagés entre la peur et l'inquiétude. Pour Aminata B., interpellée à sa descente au niveau de la gare routière de Matam : « vraiment j'ai eu très peur. Car le passage est tellement serré que notre véhicule a failli se coincer. Je ne sais pas pourquoi ils ont   mis ces fers-là. Mais ce n'est pas sûr. Par rapport au ponts en tant que tels, je constate quand même qu'il y a eu du nouveau. Les travaux sont inachevés, mais l'entreprise a décampé. Car le jour où l'on constatera d'autres fissures, ou des poteaux qui menacent, nous matamois,   nous ne pourrons plus sortir ». De son côté, Mamadou Diacko, le président du conseil régional de la jeunesse de Matam, voit autrement. «  Nous, on s'attendaient à de très grands travaux. L'ancien Premier ministre, en pleine campagne électorale, avait annoncé des milliards pour la construction de nouveaux ponts. Cette déclaration de Macky Sall, ici, à la gare routière, avait tellement fait renaître l'espoir, qu'on avait commencé à pousser un ouf de soulagement. Mais malheureusement, en vérité, cela n'était que des propos de campagne pour emmener les Matamois à voter lors des dernières législatives. Si aujourd'hui,  nous nous retrouvons avec ça, c'est franchement décevant. Mais ce qui est à retenir, c'est qu'après ces travaux de réhabilitation, nous sommes sûrs et certains qu'il n'y aura plus de nouveaux ponts. C'est ce que nous dénonçons », martèlent-ils. 

La seule station d'essence, fermée depuis 1993

Dans cette nouvelle capitale régionale, les conséquences de son enclavement rendent la vie extrêmement difficile aux automobilistes. Même pour trouver une goutte de carburant, il faut aller à Ourrossogui. Il n'existe pas une seule station d'essence dans toute la capitale du Fouta. Une situation difficilement vécue par les automobilistes, qui vivent des moments difficiles en cette période hivernale. Pour Moussa Sy, un transporteur en commun, «  c'est un calvaire que nous vivons au quotidien. Comment une ville comme Matam peut vivre cette situation aussi longtemps, sans que les autorités et les leaders d'opinion   ne réagissent. Cela dénote tout simplement du manque de compétence de nos actuels hommes  politiques, qui ne gèrent que leurs intérêts personnels et leurs mandats électifs. Imaginez que pendant la nuit, en cas d'urgence, un malade peut perdre la vie avant d'être évacué vers l'hôpital de Ourossogui. Je vous jure que des cas comme ça, ont été enregistrés dernièrement ici ». Cette situation difficile a tout simplement fini par isoler la ville. Aujourd'hui, il n'y a que des véhicules clandos appartenant pour la plupart à des fils de Matam, qui assurent le trajet Matam-Ourrossogui. Sinon, il n'y a aucun transporteur connu qui emprunte ce circuit. Interrogé sur le boycott de la destination Matam, Aliou Bèye, au volant de son mini-car, rencontre à la gare routière de Ourrossogui, s'exclame : «  Moi, depuis mon premier voyage à Matam, j'ai été  très surpris. Au moment où les stations poussent comme des champignons  à Dakar et dans les autres régions, une région comme Matam ne dispose pas d'essencerie. C'est surprenant pour une ville. Je crois que créer une région, c'est bien beau. Mais quand même, il y a le minimum qui devait exister, avant que les autorités ne créent cette région. Je ne suis pas contre de son érection. Mais même si l'Etat n'est pas fautif ce sont les fils de Matam qui devaient s'investir. A l'image des automobilistes, les paysans de la zone du Dandé Mayyo souffrent également de cette situation. Depuis la fermeture de la seule station de Matam, en 1993, les exploitants de la terre connaissent l'accroissement de leurs dépenses de campagne. Ils déboursent le double pour alimenter les groupes motopompes qui assurent l'adduction en eau des   périmètres rizicoles de la zone. Les organisations paysannes sont obligées de regrouper tous leurs besoins en carburant pour passer la commande. Ce n'est pas également aussi facile que ça, car c'est à bord de camionnettes, seuls véhicules autorisés à circuler sur les ponts de Matam. Un véritable calvaire pour les paysans que regrette M. Sow, un des responsables du cadre régional de concertation des ruraux. « C'est un problème que nous n'avions cessé de poser, mais sans suite. Mais nous prions, que cet article à publier dans votre journal fasse réagir nos fameux hommes politiques qui ne s'entretuent que pour des intérêts personnels », déplore-t-il. D'après certains opérateurs économiques interpellés sur la question, l'ouverture d'une station d'essence à Matam ne serait rentable du fait de son enclavement. Mais seulement, en attendant la première  réaction tant attendue, les motocyclistes eux peuvent bien compter sur les vendeurs clandestins d'essence pour circuler.

Auteur: Omar Kane
Publié le: Jeudi 09 Août 2007

Commentaires (0)

Participer à la Discussion