Dans un contexte marqué par les doutes, les critiques et une profonde mutation des pratiques médiatiques, la presse sénégalaise se retrouve à un tournant décisif de son histoire. Entre l’exigence de crédibilité, la pression de l’instantanéité et l’influence croissante des réseaux sociaux, une question s’impose : comment réconcilier le public avec son information tout en préservant l’âme du métier ? C’est à cette interrogation que la Convention des Jeunes Reporters du Sénégal (CJRS) a voulu répondre en organisant la 5ᵉ édition du Sargal national de la presse.

Placée sous le thème « Journalisme sénégalais : crise de confiance ou mutation nécessaire ? Dialogue entre générations », cette édition dépasse largement le cadre d’une simple cérémonie de distinction. Elle se veut un acte de reconnaissance, de transmission et de réflexion collective sur le devenir d’une profession essentielle à la démocratie.

Honorer sans idéaliser, questionner sans fragiliser

Le Sargal national de la presse repose sur une conviction forte : on ne peut penser l’avenir du journalisme sans regarder son passé avec lucidité et respect. Derrière les signatures célèbres, les voix familières et les visages connus du grand public, se cache une multitude de parcours faits de rigueur, de sacrifices, de passion et de service.

Cette 5ᵉ édition a ainsi honoré 22 journalistes, dont un confrère disparu, symbole de l’engagement jusqu’au bout. À leurs côtés, un technicien et un chauffeur ont également été distingués, rappelant avec force que le travail de presse est une œuvre collective, portée aussi par des métiers souvent invisibles mais indispensables. Ce choix fort traduit une volonté assumée : élargir la reconnaissance au-delà des projecteurs, pour célébrer toutes celles et ceux qui ont servi la presse avec loyauté, constance et dignité.

Des figures emblématiques, une même exigence

Du service public à la presse privée, de l’audiovisuel à la presse écrite, les profils honorés incarnent l’excellence et la diversité du journalisme sénégalais. Des icônes comme Pathé Fall Dièye, mémoire vivante de l’audiovisuel national, à Dr Amadou Fall, historien et bâtisseur du quotidien Le Soleil, en passant par Abdoulaye Sakou Faye, l’homme du 19 mars 2000, ou encore Awa Thiao, affectueusement surnommée la maman des reporters, chaque parcours raconte une facette du métier.

Ces hommes et femmes ont en commun une même rigueur éthique, un profond sens du service public et une capacité remarquable à transmettre. Ils rappellent que le journalisme ne se limite pas à informer, mais qu’il consiste aussi à expliquer, éclairer, apaiser et parfois résister.

Un pont entre générations

L’un des messages centraux de cette édition est clair : la mutation du journalisme est inévitable, mais elle ne doit se faire ni contre les anciens, ni sans les jeunes. Le Sargal national de la presse s’est ainsi voulu un espace de dialogue sincère, où les expériences se croisent, les regards se confrontent et les leçons se partagent.

À l’heure où la confiance du public est mise à rude épreuve, cette rencontre intergénérationnelle apparaît comme une nécessité. Elle permet de rappeler que les fondamentaux du métier — vérification, recoupement, responsabilité et éthique — demeurent intangibles, quels que soient les outils ou les supports.

Le Sargal, un engagement pour l’avenir

Plus qu’un hommage, le Sargal national de la presse 2025 est un appel. Un appel à la responsabilité, à la mémoire et à l’humilité. En honorant le passé sans nostalgie excessive et en interrogeant l’avenir sans complaisance, la Convention des Jeunes Reporters du Sénégal réaffirme une ambition claire : contribuer à un journalisme plus crédible, plus responsable et plus proche des citoyens.

Dans un écosystème médiatique en pleine recomposition, le Sargal rappelle une vérité essentielle : le journalisme sénégalais a une histoire, des valeurs et des femmes et des hommes qui méritent reconnaissance. C’est en s’appuyant sur cet héritage que la profession pourra relever les défis de demain.