Le marché africain du carbone : entre potentiel financier et contraintes structurelles
Le marché africain du carbone attire une attention croissante, car il pourrait mobiliser des financements nouveaux en faveur de la transition énergétique et de la préservation des écosystèmes. Les recettes potentielles sont jugées significatives par l’Africa Carbon Markets Initiative (ACMI), qui met en avant la capacité du continent à générer des revenus importants grâce aux crédits carbone. Malgré cet horizon prometteur, les volumes échangés demeurent modestes et concentrés dans quelques pays, notamment le Kenya, le Malawi ou le Ghana, qui figurent parmi les plus actifs dans les mécanismes volontaires.
Les cadres réglementaires restent très hétérogènes, ce qui complique l’émergence d’un marché intégré. Certains États ont adopté des registres nationaux et des procédures d’agrément, tandis que d’autres avancent avec des normes encore fragmentées. Le Kenya a publié en 2023 un règlement structurant la vente de crédits afin de renforcer la transparence des contrats et la part de revenus revenant aux communautés locales. Le Ghana a annoncé des dispositifs d’encadrement pour les transactions réalisées sous l’article 6 de l’Accord de Paris, notamment dans les secteurs forestiers. D’autres pays, comme le Sénégal ou la Côte d’Ivoire, travaillent toujours à la consolidation de leur cadre juridique pour aligner les projets carbone sur leurs priorités nationales.
Les méthodologies de mesure, de reporting et de vérification constituent l’un des axes les plus sensibles. Des controverses ont émergé autour de certains projets REDD+, notamment en Afrique centrale, au sujet de la surestimation supposée des réductions d’émissions. Ces débats ont entraîné une vigilance accrue de la part des acheteurs internationaux, qui réclament des données plus robustes et une vérification indépendante solide. Le renforcement des inventaires nationaux, l’amélioration de la télédétection et l’appui technique des agences spécialisées deviennent des conditions indispensables pour restaurer la confiance et attirer des investisseurs exigeants.
Le marché volontaire avance malgré ces défis, porté par une demande mondiale croissante en crédits issus de projets naturels tels que la reforestation, la conservation des mangroves ou la restauration des sols. Plusieurs pays africains cherchent à se positionner sur ces segments, car les coûts de séquestration y sont généralement plus faibles qu’en Europe ou en Amérique du Nord. Les discussions régionales au sein de l’Union africaine visent également à éviter la course au moins-disant réglementaire et à promouvoir des standards communs qui protégeraient les États contre la sous-valorisation de leurs ressources environnementales.
L’avenir du marché africain du carbone dépendra de la capacité à bâtir des règles crédibles, à garantir la qualité des données et à associer davantage les communautés aux bénéfices financiers. Sans ces conditions, les ambitions affichées risquent de se heurter à un déficit de confiance. Avec elles, ce marché pourrait devenir l’un des leviers les plus importants pour financer l’adaptation climatique et soutenir des modèles de croissance moins carbonés.
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