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[Entretien] Les vérités de Mouhamadou Dia, (Expert financier) : «Si nous rejetons la restructuration de notre dette…»

Auteur: Youssouf SANE

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[Entretien] Les vérités de Mouhamadou Dia, (Expert financier) : «Si nous rejetons la restructuration de notre dette…»

[Entretien] Les vérités de Mouhamadou Dia, (Expert financier) : «Si nous rejetons la restructuration de notre dette…»

 

Le Sénégal est aujourd’hui à la croisée des chemins. Face à sa dette colossale qui est évaluée à 130% du Pib, le Fonds monétaire international (Fmi) lui propose une restructuration. Option qui n’est pas du tout du goût du chef du gouvernement, Ousmane Sonko. Quelle voie serait donc, aujourd’hui, moins douloureuse pour le pays ? Quels seraient les bienfaits et les inconvénients d’une restructuration de la dette pour le Sénégal ? Mouhamadou Dia, expert financier, nous édifie dans cet entretien.

 

Déjà, en langage plus simple, c’est quoi une restructuration de la dette ?

La restructuration est considérée comme un accord entre un État débiteur et ses créanciers, visant à prolonger la durée de sa dette afin d'atteindre un niveau soutenable. Ce processus peut, à cet égard, se manifester sous la forme d'une annulation de dette, d'un rééchelonnement ou d'un refinancement. Avec une dette ayant atteint 130% du PIB et un déficit de 14%, il n’y a presque plus de manœuvres budgétaires sans restructuration. Il n'y a pas de honte à ce qu'un pays considéré comme l'un des plus démunis restructure sa dette. Des nations plus avancées que nous ont dû procéder à une restructuration de leur dette par le passé et cette démarche a été bien accueillie par les marchés financiers. Si nous prenons l’exemple du Ghana, un accord de restructuration de la dette s'élevant à 2,8 milliards de dollars avait été finalisé entre le gouvernement du Ghana et ses créanciers. Cette restructuration avait pour objectif de réduire la charge de la dette et de permettre au pays d'atteindre une croissance pérenne.

A-t-elle forcément des conséquences néfastes, comme celles décrites par le premier ministre Ousmane Sonko ?

Elle semble entraîner des conséquences, mais elle est mieux qu’essayer de se lancer tout seul dans l’assainissement des finances publiques. En général, après une restructuration de la dette, les marchés financiers l’accueillent favorablement et les agences de notation revoient la notation du pays à la hausse vu que le pays est déterminé à restaurer la stabilité macroéconomique. Inéluctablement, cela se fera ressentir par les populations, car elle permettra à l'Etat de retrouver une certaine stabilité et cela lui permettra de relancer l’économie en se lançant dans les travaux afin de booster l’économie, atteindre une croissance assez conséquente pour créer assez d’emplois et réduire la pauvreté. Cela permettra à l'État de restaurer la confiance des populations et des investisseurs et surtout de mettre en place des mesures sociales afin d’assister les couches les plus vulnérables.

Le gouvernement doit-il obstinément refuser une restructuration de la dette publique du pays ?

Tout au contraire, le Sénégal devrait envisager cette restructuration, car cela sera le moyen le moins contraignant de renouer avec une croissance hors hydrocarbures et d’attirer les investissements directs étrangers. Le Sénégal est un pays géostratégique, avec une jeunesse active et beaucoup de ressources naturelles. Cette restructuration permettra au gouvernement de mettre en place sa vision. La perception est la chose la plus importante dans le marché financier et il va falloir que l’Etat fasse tout pour restaurer la confiance des partenaires internationaux. Si cette restructuration est conjuguée aux réformes, le pays pourrait renouer avec la croissance redistribuée dans un futur proche.

Le Sénégal risque-t-il de passer pour un pays en faillite si jamais il opère une restructuration de sa dette ?

Le contraire pourrait nous mener vers une difficulté de paiement de la dette et on risque de tomber dans ce que disait Thomas Sankara : « La dette ne peut pas être remboursée. Si nous ne payons pas, nos bailleurs ne mourront pas. En revanche, si nous payons, c’est nous qui allons mourir. » Si nous rejetons la restructuration de notre dette, un droit qui nous est accordé en tant que nation souveraine, nous n'aurons pas accès aux eurobonds, un instrument d'emprunt qui nous a été d'une grande aide par le passé. Les marchés régionaux ne sont pas en mesure de répondre à notre demande de financement, et l'imposition durant cette période difficile pourrait conduire à des troubles sociaux.

Quel est l’avantage d’une restructuration de la dette pour le Sénégal ?

Une restructuration présente plusieurs avantages : On peut allonger les délais de remboursement : certaines échéances sont repoussées pour une période prolongée, offrant au pays une meilleure gestion de sa trésorerie. Une réduction des taux d'intérêt : les prêteurs consentent à diminuer les taux en vigueur, ce qui diminue le coût de la dette. Des garanties supplémentaires : pour rassurer les investisseurs, le gouvernement s’engage à mettre en place des réformes structurelles, notamment dans la gestion des finances publiques. Un accompagnement des institutions : le FMI, la Banque mondiale et d'autres entités financières soutiennent le pays concerné dans l'application de son programme de réformes.

Quel en serait l’inconvénient ?

L'inconvénient est que nous transmettons des signaux de crise aux marchés financiers, ce qui peut nous classer parmi les pays à risque, d’où la notation, et pourrait entraver notre capacité à obtenir des financements à l'échelle internationale. Toutefois, nous avons la possibilité de restructurer notre dette pour démontrer aux marchés que nous avons accepté que nous sommes dans une situation difficile, mais que nous sommes déterminés à surmonter cette difficulté financière.

Au final, le Sénégal devrait accepter la restructuration selon vous…

Nous serons bientôt dans une situation où nous n'aurons pas d'autre option, puisque le système financier mondial est étroitement lié et qu'une fois que nous exposons un risque avec une institution, cela déclenche un effet domino sur toutes les autres institutions financières. Il est important de noter que dans le contexte d'une crise sanitaire mondiale et de nombreux bouleversements géopolitiques, nous avons dû recourir à un endettement massif pour prévenir une récession. En tenant compte de cela, il n'y a aucun mal à restructurer sa dette pour respirer et établir sa stratégie de développement et des actions sociales en faveur des couches les plus vulnérables.

Propos recueillis par Youssouf SANE

Le Sénégal est aujourd’hui à la croisée des chemins. Face à sa dette colossale qui est évaluée à 130% du Pib, le Fonds monétaire international (Fmi) lui propose une restructuration. Option qui n’est pas du tout du goût du chef du gouvernement, Ousmane Sonko. Quelle voie serait donc, aujourd’hui, moins douloureuse pour le pays ? Quels seraient les bienfaits et les inconvénients d’une restructuration de la dette pour le Sénégal ? Mouhamadou Dia, expert financier, nous édifie dans cet entretien.

 

Déjà, en langage plus simple, c’est quoi une restructuration de la dette ?

La restructuration est considérée comme un accord entre un État débiteur et ses créanciers, visant à prolonger la durée de sa dette afin d'atteindre un niveau soutenable. Ce processus peut, à cet égard, se manifester sous la forme d'une annulation de dette, d'un rééchelonnement ou d'un refinancement. Avec une dette ayant atteint 130% du PIB et un déficit de 14%, il n’y a presque plus de manœuvres budgétaires sans restructuration. Il n'y a pas de honte à ce qu'un pays considéré comme l'un des plus démunis restructure sa dette. Des nations plus avancées que nous ont dû procéder à une restructuration de leur dette par le passé et cette démarche a été bien accueillie par les marchés financiers. Si nous prenons l’exemple du Ghana, un accord de restructuration de la dette s'élevant à 2,8 milliards de dollars avait été finalisé entre le gouvernement du Ghana et ses créanciers. Cette restructuration avait pour objectif de réduire la charge de la dette et de permettre au pays d'atteindre une croissance pérenne.

A-t-elle forcément des conséquences néfastes, comme celles décrites par le premier ministre Ousmane Sonko ?

Elle semble entraîner des conséquences, mais elle est mieux qu’essayer de se lancer tout seul dans l’assainissement des finances publiques. En général, après une restructuration de la dette, les marchés financiers l’accueillent favorablement et les agences de notation revoient la notation du pays à la hausse vu que le pays est déterminé à restaurer la stabilité macroéconomique. Inéluctablement, cela se fera ressentir par les populations, car elle permettra à l'Etat de retrouver une certaine stabilité et cela lui permettra de relancer l’économie en se lançant dans les travaux afin de booster l’économie, atteindre une croissance assez conséquente pour créer assez d’emplois et réduire la pauvreté. Cela permettra à l'État de restaurer la confiance des populations et des investisseurs et surtout de mettre en place des mesures sociales afin d’assister les couches les plus vulnérables.

Le gouvernement doit-il obstinément refuser une restructuration de la dette publique du pays ?

Tout au contraire, le Sénégal devrait envisager cette restructuration, car cela sera le moyen le moins contraignant de renouer avec une croissance hors hydrocarbures et d’attirer les investissements directs étrangers. Le Sénégal est un pays géostratégique, avec une jeunesse active et beaucoup de ressources naturelles. Cette restructuration permettra au gouvernement de mettre en place sa vision. La perception est la chose la plus importante dans le marché financier et il va falloir que l’Etat fasse tout pour restaurer la confiance des partenaires internationaux. Si cette restructuration est conjuguée aux réformes, le pays pourrait renouer avec la croissance redistribuée dans un futur proche.

Le Sénégal risque-t-il de passer pour un pays en faillite si jamais il opère une restructuration de sa dette ?

Le contraire pourrait nous mener vers une difficulté de paiement de la dette et on risque de tomber dans ce que disait Thomas Sankara : « La dette ne peut pas être remboursée. Si nous ne payons pas, nos bailleurs ne mourront pas. En revanche, si nous payons, c’est nous qui allons mourir. » Si nous rejetons la restructuration de notre dette, un droit qui nous est accordé en tant que nation souveraine, nous n'aurons pas accès aux eurobonds, un instrument d'emprunt qui nous a été d'une grande aide par le passé. Les marchés régionaux ne sont pas en mesure de répondre à notre demande de financement, et l'imposition durant cette période difficile pourrait conduire à des troubles sociaux.

Quel est l’avantage d’une restructuration de la dette pour le Sénégal ?

Une restructuration présente plusieurs avantages : On peut allonger les délais de remboursement : certaines échéances sont repoussées pour une période prolongée, offrant au pays une meilleure gestion de sa trésorerie. Une réduction des taux d'intérêt : les prêteurs consentent à diminuer les taux en vigueur, ce qui diminue le coût de la dette. Des garanties supplémentaires : pour rassurer les investisseurs, le gouvernement s’engage à mettre en place des réformes structurelles, notamment dans la gestion des finances publiques. Un accompagnement des institutions : le FMI, la Banque mondiale et d'autres entités financières soutiennent le pays concerné dans l'application de son programme de réformes.

Quel en serait l’inconvénient ?

L'inconvénient est que nous transmettons des signaux de crise aux marchés financiers, ce qui peut nous classer parmi les pays à risque, d’où la notation, et pourrait entraver notre capacité à obtenir des financements à l'échelle internationale. Toutefois, nous avons la possibilité de restructurer notre dette pour démontrer aux marchés que nous avons accepté que nous sommes dans une situation difficile, mais que nous sommes déterminés à surmonter cette difficulté financière.

Au final, le Sénégal devrait accepter la restructuration selon vous…

Nous serons bientôt dans une situation où nous n'aurons pas d'autre option, puisque le système financier mondial est étroitement lié et qu'une fois que nous exposons un risque avec une institution, cela déclenche un effet domino sur toutes les autres institutions financières. Il est important de noter que dans le contexte d'une crise sanitaire mondiale et de nombreux bouleversements géopolitiques, nous avons dû recourir à un endettement massif pour prévenir une récession. En tenant compte de cela, il n'y a aucun mal à restructurer sa dette pour respirer et établir sa stratégie de développement et des actions sociales en faveur des couches les plus vulnérables.

Propos recueillis par Youssouf SANE

Auteur: Youssouf SANE
Publié le: Jeudi 27 Novembre 2025

Commentaires (5)

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    Gora Fall il y a 1 heure

    Sonko on t'aime bien mais il faut faire d'intelligence des situations parfois et être plus couple. Trop de rigidité finit toujours par une cassure. Met un peu d'eau dans ton bissap,diambar

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    Collabo il y a 40 minutes

    Oiseau de mauvais augure la restructuration des années 90 a servi à quoi

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    Mame il y a 34 minutes

    Son C. V .S il vous plaît ?

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    b il y a 27 minutes

    je ne le crois pas

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    Sa deugeu il y a 20 minutes

    Le Gouvernement a évalué toutes les options et leurs risques.. S il dit que la dette sera remboursée c est qu il y a des options autres que la restructuration .
    Un dette, ca se paie.

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