Calendar icon
Friday 12 September, 2025
Weather icon
á Dakar
Close icon
Se connecter

« Munqidh » : Dr Moussa Diop, la parole au service de la lumière spirituelle

Auteur: Seneweb-News

image

« Munqidh » : Dr Moussa Diop, la parole au service de la lumière spirituelle

Inviter le lecteur à un voyage intérieur et utiliser la prière et l’éloge du prophète (ﷺ) comme des instruments de méditation. Tel est l’ambition du Dr Moussa Diop avec son dernier recueil de 57 poèmes intitulé « Munqidh ». Héritier d’une tradition soufie qu’il distingue du confrérisme, il partage une quête ouverte, portée par l’amour divin et humain. Dans cet entretien, il propose aux lecteurs une expérience méditative.

Pourquoi votre choix s’est-il porté sur « Munqidh » pour le titre de ce recueil de poèmes ?

Munqidh signifie littéralement « celui qui sauve, qui libère, qui délivre d’un danger ». Ce terme porte en lui l’idée de secours et de délivrance. J’ai toujours dit que mon premier maître fut Abou Hâmid al-Ghazâlî, auteur d’un ouvrage fondamental, al-Munqidh min ad-dalâl (La délivrance de l’erreur), qui a profondément marqué ma vocation spirituelle, tout comme son Ihyâ’ ‘ulûm ad-dîn et le Masâlik al-jinân du Cheikh Ahmadou Bamba. En choisissant ce titre, j’ai voulu associer la prière et l’éloge du Prophète ﷺ à cette idée de salut spirituel. Dans la voie soufie, ces deux pratiques constituent le socle du cheminement : elles sont à la fois instrument de méditation, voie vers l’illumination intérieure et porte d’accès à la gnose.

L’ouvrage comporte 57 poèmes. Pourquoi avoir choisi ce nombre et quelle résonance particulière souhaitiez-vous lui donner ?

Je ne fixe le nombre qu’en dernière instance, lorsque je sens que l’écriture du livre est achevée. Ici, le chiffre 57 renvoie à la sourate al-Ḥadîd (Le Fer). L’image du fer renvoie certes à la matière, mais aussi à une symbolique plus subtile. Mon texte s’inscrit dans ce dialogue entre la matière et l’esprit, entre le visible et l’invisible. J’ai voulu rappeler cette dualité inscrite dans les affaires divines : jour et nuit, soleil et lune, homme et femme, parole et silence.

L’éloge du Prophète ﷺ est au cœur de votre œuvre. Quelles qualités de son état intérieur vous semblent aujourd’hui les plus urgentes à réhabiliter dans nos sociétés ?

Ses qualités visibles – la patience, l’endurance, l’empathie, la bienveillance, la capacité à dépasser ses propres intérêts, la justice et l’attachement à la vérité – sont des vertus dont nos sociétés ont un besoin urgent.

Quant à ses qualités intérieures, que Dieu nous en accorde ne serait-ce qu’une part, elles demeurent hors de portée sans un véritable cheminement ou une grâce divine. Le Prophète ﷺ est le rapproché par excellence, celui dont le Coran dit : « Puis il s’approcha et descendit, et il fut à deux portées d’arc ou plus près encore », S.53:8-9). Il est l’Intime de Dieu, l’archétype de l’uns (intimité spirituelle) et bien plus encore. Nul ne lui est semblable, et nul ne le sera jamais. Pourtant, il demeure pour nous « uswatun ḥasanatan » (un modèle excellent, S.33:21). C’est cette exemplarité que nous devons réhabiliter : non pas en prétendant atteindre son rang, mais en s’inspirant de son état intérieur pour restaurer en nous et dans nos sociétés la dignité, la miséricorde et la lumière de la présence divine.

La poésie soufie a souvent cette fonction de chant intérieur qui transcende les mots pour toucher l’âme. Comment parvenez-vous, dans votre démarche, à équilibrer la dimension mystique et la rigueur littéraire ?

La dimension mystique oriente et dicte la dimension littéraire. En vérité, les mots paraissent souvent insuffisants pour exprimer ce que l’on veut vraiment dire. Ils portent leurs limites. Pourtant, ils trouvent leur résonance et leur accomplissement dans la réalisation intérieure de celui qui écrit, dans l’intention qui l’anime, et surtout dans le flux spirituel dont il bénéficie : la madad. L’écriture soufie est un exercice exigeant, où le mot doit s’accorder au souffle.

Munqidh s’inscrit dans la continuité de Koun fa yakoun. Qu’est-ce qui distingue ce second tome du premier dans votre cheminement spirituel et poétique ?

Le premier tome s’inscrivait dans la dynamique du jadhb(l’attraction divine) et du fanâ’ (l’extinction dans l’enceinte scellée). Munqidh, lui, ouvre une étape plus avancée du cheminement. Il recentre le regard sur la figure du Prophète ﷺ et sur sa réalité intime. Il s’adresse ainsi au lecteur averti qui cherche à progresser dans la marche spirituelle.

Toujours sur ce cheminement, où en êtes-vous ?

Je chemine toujours. Un cheminement sans fin, car Dieu est sans fin. Aujourd’hui, je partage les fruits de ce voyage intérieur autour de moi, au-delà de la simple écriture. Sur autorisation de mon maître, le murshid, j’accompagne désormais d’autres condisciples dans la voie. On peut dire que j’ai tendu la main, par solidarité et par fraternité – car certes « les croyants sont frères ». Le mot partage est ici central.

La préface du Cheikh Ahmad Boukar Niang évoque le contraste entre la rupture avec le divin et l’aspiration vers Lui. Comment votre poésie tente-t-elle de réconcilier ces deux pôles de l’expérience humaine ?

Ma poésie, souvent sous forme de chant ou de prière sur le Prophète ﷺ, restitue cette tension entre rupture et aspiration : elle ne la nie pas, car elle est constitutive de la condition humaine. Mais son projet méditatif vise à restaurer en nous la conscience du divin, à réactiver cette perception de la « Toute-présence ».

Vous proposez au lecteur non seulement une lecture, mais une expérience méditative. Comment imaginez-vous la réception de vos poèmes chez un lecteur non initié au soufisme ?

J’accueille toutes les perceptions : de l’incompréhension au rejet, de l’émerveillement à l’éblouissement. À vrai dire, je ne m’en préoccupe pas outre mesure. Car ceux qui savent, savent ; et ceux qui cherchent sont déjà nos compagnons de route. Avec mes livres, certains lecteurs découvrent une soif nouvelle et une volonté de cheminer ; d’autres approfondissent leur expérience spirituelle et raffermissent leur résolution. 

Le soufisme, en Afrique de l’Ouest, est une tradition bien ancrée mais parfois mal comprise. Grâce à Munqidh, quel message souhaitez-vous transmettre à une jeunesse souvent tentée par des formes plus radicales de spiritualité ?

Je n’ai pas la mission de convertir au soufisme, mais j’ai le devoir de l’expliquer et de le faire vivre à ceux qui y sont appelés. Le soufisme n’a jamais eu vocation à être universalisant. Ce n’est pas une tendance ni un mode de vie, mais une science religieuse rigoureuse, dotée d’une discipline exigeante.

Au Sénégal, on confond souvent soufisme et confrérisme, ce qui en réduit la portée. Le soufisme est avant tout une vocation individuelle, suivie d’une démarche éclairée.

Si j’ai un message pour la jeunesse africaine, ce serait celui-ci : « Faites l’effort de vous connaître vous-mêmes, de suivre votre voie, d’être fidèles à votre soi. » Car celui qui connaît son soi connaît son Seigneur – man ‘arafa nafsahu, ‘arafarabbahu.

Dans vos vers, quelle place occupe l’amour – divin, mais aussi humain – dans votre écriture et votre quête spirituelle ?

L’amour est le moteur du cheminement spirituel : c’est l’énergie qui nous fait avancer et persévérer. Le Coran le dit clairement : « Dis : Si vous aimez Allah, suivez-moi ; Allah vous aimera » (Qul in kuntum tuḥibbūna Llāha fa-ttabi‘ūnīyuḥbibkumullāh).

L’amour divin éclaire et oriente, mais l’amour humain, dans sa dimension pure, participe également à cette dynamique. L’un et l’autre se répondent, se nourrissent et se fécondent. Comme une chaîne : l’amour de Dieu, puis celui de Son Prophète ﷺ, puis celui du croyant pour le Prophète ﷺ.

Si vous deviez définir en une seule image poétique ce qu’est Munqidh, quelle serait-elle ?

Ce serait les lettres du nom « Mouḥammad » : Mîm – Ḥâ’ – Mîm – Dâl.

Auteur: Seneweb-News
Publié le: Jeudi 11 Septembre 2025

Commentaires (0)

Participer à la Discussion