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SIGNATURE DE CONTRAT DES COMBATS DE LUTTE Une foire des insultes et des dérives verbales

Auteur: SALIOU GACKOU via Xibar

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Le face-à-face de mercredi entre Gris-Bordeaux et Baye Mandione a ravivé le débat autour des insanités et obscénités qui accompagnent de plus en plus les signatures de contrat des combats de lutte. Ce moment de grande communication a été littéralement transformé en une véritable foire des insultes et des dérives verbales par les lutteurs. Comment en est-on arrivé là ? Quelle solution préconiser ? Eléments de réponse !

Voici venu le temps des mots de travers, des gestes déplacés... Dans sa marche vers le développement et le professionnalisme, la lutte sénégalaise a rencontré sur son chemin un modèle venu d'ailleurs : les signatures de contrat hyper médiatisées. Ici, les protagonistes se toisent, se livrent une bataille psychologique sans merci. On parle de face-à-face. Ce spectacle très prisé par les sponsors et couru par les amateurs, Mademba Ndiaye, directeur marketing et commercial de Nouvel Horizon, a sa petite idée sur ses origines et ses motivations. « J'imagine que ceux qui organisent ces face-à-face imitent la boxe américaine, elle-même tributaire des combats de gladiateurs de la Grèce antique. L'objectif recherché, c'est d'abord de déstabiliser son vis-à-vis, de le vaincre par le verbe. Après cela seulement, suivra l'action. Le deuxième objectif, c'est d'être à la hauteur des cachets.» Alors, bonjour les dégâts. Du bras d'honneur aux insultes, certains lutteurs se croient tout permis sur scène dans ces joutes, qui ne devaient être que verbales. «On ne peut pas comprendre qu'un lutteur perde un combat sur le terrain de l'invective et de la bataille psychologique. Quand on fait une signature de contrat, c'est pour donner un avant-goût du combat. Dans ce cas de figure précis, l'idée c'est qu'il y ait une certaine tension, mais qui reste dans le cadre sportif. On se souvient des rencontres Frazier-Ali (des boxeurs) qui s'insultaient. Ils se disaient des choses qu'on n'ose même pas dire au Sénégal.» Notre pays se distingue des autres par son sport national : la lutte avec frappe. Une discipline qui aujourd'hui «se nourrit de violence, mais une violence normée. Dans l'enceinte, précise M. Ndiaye, on accepte le sang, les blessures etc. Le principe est de blesser ou de faire mal, de sorte que l'adversaire soit diminué pour être terrassé. La violence verbale est le premier rideau de l'épilogue de la violence physique. Mais la violence verbale est très policée au Sénégal, il y a des choses qu'on n'accepte pas dans notre culture, même si ailleurs c'est beaucoup plus rude.» Malheureusement, certains lutteurs semblent ne pas le comprendre. Pas plus tard que mercredi, Baye Mandione et Gris-Bordeaux ont encore servi sur le plateau de la 2Stv, les dérives qui jalonnent aujourd'hui les face-à-face. Le lutteur de Thiaroye, fougueux incontrôlé, a traité son adversaire de «Goordjiguène», en l'accusant d'avoir tenu des propos déplacés à son encontre. Un mot de trop dans la corbeille déjà pleine des insanités qui accompagnent de plus en plus les «face-to-face» des lutteurs, dopés par l'assistance et la présence des caméras.«Ce qui se passe est déplorable» L'ampleur des dégâts interpelle le secrétaire général de l'association des lutteurs en activité, Khadim Gadiaga : «Les écarts de langage n’honorent pas les lutteurs. Et généralement, les violences constatées dans l'arène ont leur origine dans les comportements des lutteurs lors des signatures de contrat Des lutteurs qui se donnent en spectacle devant tout le monde, ne peuvent pas véhiculer un autre discours à leurs fans. On peut se défier, faire du spectacle et honorer ses engagements vis-à-vis du sponsor, mais dans les règles de l'art. Malheureusement certains comportements ne rehaussent pas notre image. Et le sport a l'obligation de véhiculer une bonne image. Ce qui se passe est déplorable. Ça devient dangereux. En tant que secrétaire général de l'association des lutteurs en activité, je demande au Cng de remettre de l'ordre. Il faut recadrer les signatures de contrat, en envoyant un représentant pour veiller au grain. »L'impuissance du Cng Interpellé, le Cng avoue son impuissance et son incompétence, car il ne dispose pas d'outils légaux pour prendre des mesures coercitives dans le grand chapitre du business des combats. Dans ce processus purement marketing, la structure dirigeante de la lutte n'est paradoxalement impliquée ni de près ni de loin. Cheikh Tidiane Ndiaye, vice-président du Cng : «C'est une signature protocolaire entre le promoteur et le sponsor. Le Cng n'est pas impliqué et n'a pas un droit de regard sur ces rencontres. Si on y était associé(s), le Cng serait présent. Le cas échéant, en cas de dérives verbales, on allait forcément recadrer tout le monde. La Commission règlements et discipline pourrait convoquer les fautifs pour les rappeler à l'ordre. Il faut que le Cng soit associé aux contrats de sponsoring, nous sommes en train de travailler là-dessus, mais ce n'est pas encore terminé.» En attendant, le promoteur Gaston Mbengue préfère moraliser, faute de trouver la parade à l'escalade verbale : «Les lutteurs qui adoptent ce comportement pour se mettre en valeur doivent revenir à la raison. Aujourd'hui, la lutte est en train de prendre un virage dangereux. Elle n'est pas à l'abri de la chute libre qu'a connue le football après le Mondial 2002.» Et le sponsor dans tout cela ? «Le sponsor n'a pas grand-chose à perdre, prétend Mademba Ndiaye. Ce qui l'intéresse, c'est d'avoir une visibilité. Il y a des gens qui essaient de faire une association d'images, mais compte tenu de la raréfaction des spectacles de au niveau, à défaut d'un autre spectacle qui pourrait offrir la même popularité que la lutte, on jette son dévolu sur l'arène. Le seul effetrecherché, c'est d'avoir un bon produit marketing.» Reste à savoir si le mariage lucratif continuera à naviguer en eaux fécondes si les lutteurs s'échinent à semer le trouble dans l'arène... 

Auteur: SALIOU GACKOU via Xibar
Publié le: Samedi 10 Décembre 2011

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