En une dizaine d’années, Tyson a vu son empire vaciller progressivement avant de s’affaler. La défaite de l’ex-terreur des arènes face à Gris Bordeaux, dimanche dernier, s’apparente au dernier show d’un champion hors-pair perdu pour n’avoir pas su s’arrêter à temps.
Comme une évidence Mohamed Ndao n’a jamais semblé avoir compris le message très expressif lancé depuis longtemps par le déclin accéléré de son règne sur le siège royal. Pourtant dans la grisaille de son crépuscule, le géant aurait pu voir les rayons de son horizon briller à jamais. Il s’en est fallu de peu pour que l’horizon retrouve un éclat tout en or. Mais la marche aura finalement été trop haute pour l’ancien seigneur des arènes dont la énième tentative de résurrection a buté sur la fougue d’un Gris Bordeaux pour qui ce choc déséquilibré était bien plus qu’un simple duel de mastodontes à la chasse d’un prestige perdu. C’était, pour le « 3ème tigre » de Fass, le combat de toute une vie, celle de sa propre carrière mais aussi de celle d’une écurie qui n’avait que cette « grosse » affiche pour extirper le diable de ses entrailles. Tyson était averti, Fass encore moins Gris Bordeaux ne pouvaient se permettre une chute qui aurait éclaté le premier en mille morceaux et signé la mort du second. Ceux qui s’attendaient à cette issue cruelle peuvent déchanter : Fass est bien vivant et Gris Bordeaux a retrouvé une seconde vie. En réalité, ce second souffle, il l’avait retrouvé dès l’instant qu’Aziz Ndiaye a officialisé l’affiche. Sans doute, Tyson n’a pas réalisé ce que pouvait lui coûter une sortie comme celle qui a fait s’effondrer sous ses pieds le ciel de Demba Diop. Mauvais casting ou tentative d’un homme qui tente désespérément de redorer son blason et de chercher une sortie honorable après dix années de désillusion ? Toujours est-il qu’en acceptant le challenge Gris Bordeaux, le chef de file de l’écurie « Boul Faalé » se savait condamner à l’exploit ou à une inéluctable déchéance. La thèse la plus probable a pris le dessus. Triste fin !
La défaite de trop Gris Bordeaux enterre définitivement une légende qui n’a cessé dégringoler. Pouvait-on d’ailleurs attendre du combat une issue autre que celle-là ? Elle apparaissait tellement flagrante pour l’héritier de Moustapha Guèye, tant la fébrilité de son adversaire ne laissait aucune place au doute quant à sa supériorité. Plus jeune, plus fort, le Fassois n’avait finalement pas besoin de bander les muscles et de forcer son talent pour pousser l’ex-terreur des arènes un peu plus vers une retraite désormais inévitable. A moins que l’appât du gain l’y maintienne encore, comme cela a été le cas ces dernières années, l’heure de la fin semble enfin sonner pour Tyson. La défaite essuyée dimanche dernier a sans doute été le revers de trop pour le chef de file de l’écurie « Boul Faalé », déjà rattrapé par l’âge et dépassé par une jeunesse pleine de fougue et en pleine ascension. Entré dans l’arène par la grande porte, le « Cheikh » en sort par la petite, et sur la pointe des pieds. Une consternante fin qu’il aura tout de même choisie. Car, à force de jouer sur son majestueux passé, il souillé son présent et terni à jamais cette image sublime du grand révolutionnaire de la lutte sénégalaise. Il a payé son addiction à l’argent par cette chute terrible que tout le monde, sauf lui, voyait venir avant même sa défaite face à Balla Gaye 2. Hélas, les ondes de la décadence ont brouillé les messages envoyés par les dieux de l’arène. Ou plutôt, l’ancien « Roi » des arènes a préféré fermer les oreilles sur la tempête qui menaçait de balayer son passé glorieux au profit du pouvoir de l’argent, loin de la splendeur de l’image du grand champion qu’il fut.
Un « Tigre » pour la gloire, un « Tigre » pour la décadenceUne entrée royale dans la cour des grands et une sortie par la petite porte, voilà qui résume bien la carrière de Mouhamed Ndao Tyson. Ce n’est pas tant la défaite contre Gris Bordeaux qui fait de lui un damné de l’arène, mais son incapacité à défendre son orgueil quand un adversaire décide de marcher sur lui, et d’offrir aux amoureux de ce sport un spectacle digne d’un champion de sa trempe. Tyson le champion, Tyson « le show man » a laissé la place à Tyson « l’ordinaire » moqué par toute une arène qu’il faisait pourtant vibrer il y a quelques années et à qui il a offert ses pages les plus fabuleuses. Le mythe était déjà à genoux depuis la controverse de son deuxième face-à-face avec Bombardier, il s’est couché devant Yékini avant de s’effondrer définitivement devant Balla Gaye 2. Fass a parlé d’un « cadavre ambulant » qui attendait juste la date son enterrement. Ce 3 mai 2015 a peut-être été la fin d’une longue agonie, le dernier chapitre d’une carrière aussi glorieuse que pathétique. En réalité, l’enfant de Ndangane n’a jamais mesuré l’éclat de ce destin légendaire qui lui a déjà tissé les lauriers les plus prodigieux et lui promettait un avenir plus doré que ce début fulgurant qui l’a fait entrer parmi les géants de la lutte un soir de 6 juillet 1997 devant « le 2ème Tigre » de Fass, Tapha Guèye. Et comme un symbole, c’est le « 3ème Tigre » qui signe son arrêt de mort.
Wahany Johnson SAMBOU
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