Quel jugement portez-vous sur la danse d'aujourd'hui par rapport à celle de votre époque ?
La danse d'aujourd'hui est différente de celle d'hier. À notre époque, une femme pouvait danser sans que ses parties intimes ne soient exposées au public. Il y avait différents types de danses : «yaba Ndar » (une danse au rythme un peu lent que les Saint-Louisiennes dansaient), «yaba koupoukala» qui était dansé par les Dakaroises.
Il y avait aussi le «thiéboudieune», le «niarigorong», «farboûdiar», la danse du «ndeup», le «ndawrabine»: Chaque danse avait une signification. Le «ndawrabine» comme le «ndeup» étaient dansés pendant des moments de joie. Ce sont des danses léboues que l'on faisait à la fin d'un bon hivernage pour remercier Dieu et prier pour une bonne moisson, également pour faire des sacrifices pour des personnes malades ou pour le génie protecteur de la cité. Le «farboudiar» était dansé par les hommes pour rendre hommage à leurs fiancées. Pendant les «sabars» organisés, par les associations de quartier pour choisir leurs amants, les jeunes garçons choisis par les filles dansaient le «farboudian » pour manifester leur joie. Il arrivait que les filles les rejoignent dans l'enceinte du «tanneber » pour danser avec eux. Le «niarigorong» était l’œuvre des vieilles dames de plus 40 ans, pour montrer aux jeunes qu'elles avaient encore de l'énergie à revendre. Les femmes dansaient aussi le «thiéboudieune» avec la plus grande élégance possible. Elles portaient deux voire trois pagnes pour cacher leurs parties intimes. Le «thiéboudieune Penda Mbaye» étant un plat saint-Louisien du nom d'une dame nommée Penda Mbaye, chaque fille voulait montrer pendant le sabar que sa maman savait préparer un «thiéboudieune» aussi délicieux que celui de Penda Mbaye. Elles le montraient par des pas de danse. Et elles le faisaient d'une manière correcte. Il arrivait même que des hommes en provenance de la mosquée s'arrêtent un moment devant un sabar pour contempler les jolis pas de danse.
Mais il existait quand même des danses obscènes comme le «ventilateur», ou le «oubil Mbarka Ndiaye» etc.
(Il coupe). Pour moi, il n'existait pas de danse vulgaire à notre époque. C'est vrai qu'il y avait le «oubil Mbarka Ndiaye» ou le «ventilateur » que d'aucuns qualifient de vulgaire, mais ça se dansait en toute intimité. Les femmes le faisaient le plus souvent pendant les cérémonies nuptiales. Elles faisaient cela dans une chambre, entre femmes, pour initier la jeune mariée et lui montrer qu'elle est devenue une dame. Cela se faisait en cachette.
Est-ce que ce ne sont pas les nouvelles technologies qui ont rendu visibles toute l'obscénité de la danse sénégalaise qui l'était depuis toujours ?
Non (il se répète). Aujourd'hui, la danse est très vulgaire. Elle est à la limite perverse, parce que les gens dansent presque nus. Leurs parties intimes sont exposées en public lors des séances de «tanneber». Je pense que la faute incombe en grande partie à nos gouvernants et nos chefs religieux qui n'ont pas pris les mesures idoines pour arrêter cela. Si le gouvernement avait pris une décision stricte pour interdire ces formes de danse, il n'y en aurait plus aujourd'hui. De même si nos chefs religieux s'étaient engagés à l'interdire, cela aurait cessé.
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