Les populations se sont rebellées, hier, en descendant dans la rue, comme elles l’avaient annoncé lors de leur conférence de presse du vendredi, malgré la décision d’interdiction de leur marche édictée par le préfet de Dakar, El Hadji Ibrahima Sakho. Le foyer religieux de Yoff a été couvert par une couche de fumée noire et blanche émanant des explosions de bombes lacrymogènes et des pneus incendiés. À l’origine de ces échauffourées, la volonté de la communauté layène d’assainir la terre natale de Seydina Limamou Laye «en déguerpissant les temples du Royaume de Dieu ou les témoins de Jéhovah, en mettant fin au trafic de drogue et à la prostitution qui ont migré de la Petite-Côte vers Yoff, en fermant auberges et bars». Pour ce qui est du temple des témoins de Jehovah, il a été réduit en un immense tas de gravats. Quant au bar Piano, il a été saccagé, les bouteilles d'alcool cassées dans la rue. Le frigo également jeté dehors. Mais ce sont plus de 4 véhicules de transport de troupes, remplis d’éléments de la Légion de gendarmerie d’intervention (Lgi) armés d’une impressionnante logistique antiémeute, qui ont été dépêchés hier dans le village protestataire. Bombardée à coups de grenades lacrymogènes, à quelques jours seulement de la célébration du 131e appel de Seydina Limamou Laye, Yoff a tenté de faire face à la répression de sa marche. Jeunes, femmes et adultes en furie, battant en retraite devant l’offensive des forces de sécurité, ont barricadé les grandes artères de la commune en rébellion à l’aide de troncs d’arbres, de bacs à ordures et de pneus incendiés sur la chaussée.

 

Les manifestants menacent de prendre d’assaut l’aéroport

 

Il faut dire que les manifestants ne se sont pas avoués vaincus. Avant de battre en retraite devant l’important dispositif sécuritaire envoyé sur place, des éléments «incontrôlés», sous le coup de la colère, se sont attaqués aux édifices des témoins de Jéhovah. C’est en pleine séance de recueillement des adeptes du «Royaume de Dieu» que les manifestants ont vandalisé leurs lieux de culte. Scandant des slogans du genre : «Laïcité ne veut pas dire provocation», ils estiment que tenter d’enrôler les jeunes Layènes au cœur du village de Seydina Limamou Laye appelle une «Djihad» qui vaut la vie. Pour faire passer leur message quant à leur opposition à l’installation progressive des bars, dancings et auberges, lieux de prostitution qui se développent de manière exponentielle, les manifestants ont saccagé une buvette vendant de l’alcool. Il faut également dire que l’unité de maintien de l’ordre public de la gendarmerie n’a pas fait le déplacement sur Yoff pour rien. Plusieurs manifestants ont été interpellés et conduits vers une destination encore inconnue, selon les initiateurs de la marche.

 

Seydina Issa Diop Laye, fils du 3e Khalife, déclare les autorités persona non grata à l’Appel

 

La délégation gouvernementale devant représenter le chef de l’Etat, Me Abdoulaye Wade, à la cérémonie officielle de la 131e édition de l’Appel de Seydina Limamou Laye, a du pain sur la planche. Au sortir des violentes manifestations d’hier, Seydina Issa Diop Laye, fils du 3e Khalife des Layènes Seydina Issa, connu sous le nom de Baye Seydi Thiaw, a fait face à la presse pour mettre en garde les membres du gouvernement. Exigeant la libération «immédiate et sans condition» des manifestants interpellés lors des échauffourées avec les forces de l’ordre, le jeune marabout a déclaré : «Nous ne laisserons aucune autorité gouvernementale entrer à Yoff lors de l’Appel de Seydina Limamou, si les gens arrêtés par les forces de l’ordre ne recouvrent pas la liberté le plus rapidement possible».

 

Yoff déclare la guerre aux bars, dancings et auberges

Toujours dans ce même sillage, Seydina Issa Diop Laye et ses camarades disciples et de manière générale les imams de la localité léboue, qui tiennent à l’assainissement des mœurs au niveau de leur foyer religieux, interpellent encore l’Etat. «Il n’est plus question de laisser des mercenaires aux croyances mercantilistes installer des lieux de déperdition des mœurs, où se font des pratiques contraires aux enseignements de Baye Laye», prévient-il en demandant à l’Etat de mettre un terme à cette tendance avant que les jeunes qu’il dit «ne plus pouvoir maîtriser» ne commettent l’irréparable. Ces gens-là, renseigne notre interlocuteur, font de ce combat une véritable «Djihad. Il ne jouent pas avec leur fidélité envers Seydina Limamou Laye». Bars, dancings, auberges louant des chambres de passe sont ainsi dans le collimateur des Layènes qui veulent restaurer «l’hygiène morale» à Yoff, village natal de Baye Laye.