Un coup d’arrêt brutal a été donné à la mission d’évacuation sanitaire des nombreuses parturientes et personnes atteintes de malades graves des zones reculées du Sénégal, avec l’immobilisation à l’aéroport de Dakar et la saisie par les services de la Douane de l’avion médicalisé de l’Ong Secours aérien sans frontières (Sasf). La Douane reproche à l’organisation dirigée au Sénégal par Xavier Diatta la non-déclaration de l’appareil, la mettant en demeure de payer 45 millions de F Cfa (coût de la marchandise saisie, notamment l’avion) conformément à l’article 325 du Code des Douanes, en plus d’une amende égale au quadruple de la valeur de l’avion, c'est-à-dire 182 millions de F Cfa. Ce qui fait un total de 262 millions de F Cfa.
Une intervention qui, au-delà de plomber la mission humanitaire, inquiète d’autant plus Xavier Diatta, Secrétaire général et membre fondateur de Secours aériens sans frontières, que la Douane fait mention dans le procès-verbal de saisie de l’avion d’un lien avec le cargo de drogue qui avait été saisi au Nord du mali en novembre 2009. Les douaniers mentionnenent en effet : «Dans le cadre de la lutte contre le trafic illicite de produits stupéfiants et suite aux investigations menées par le Bics (Bureau des investigations criminelles et des stupéfiants) pour déceler les aéronefs impliqués dans l’affaire d’un cargo de drogue découvert en novembre 2009 au Nord du Mali, nous avons constaté la présence dans les hangars de l’Asecna sis à l’aéroport Lss d’un avion exploité par l’association Secours aériens sans frontières. L’avion toujours immatriculé français (F-SAH) est exploité au Sénégal depuis 2008 à des fins d’évacuation sanitaires d’après M. Guy Bardet».
Une imputation qui alarme Xavier Diatta : «Nous ne comprenons pas l’amalgame. De plus, dans ce même constat, la qualification donnée à la situation nous parait confuse car les verbalisateurs nous notifient ‘l’importation sans déclaration de produits prohibés visés par l’article 316’».
Hors de lui, M. Diatta qui dément les imputations des services douaniers, explique : «Notre association trouve ses ressources dans la bonne volonté de certains sponsors et il nous parait injustifié de nous placer dans un cadre qui nous est totalement étranger et qui jetterait un discrédit sur cette formidable chaine de solidraité».
En effet, l’exploitation de cet avion médicalisé pour les populations démunies de l’hinterland est le fruit de la générosité de deux hommes, comme le rappelle Xavier Diatta. «En 2002, nous avons initié en tant que membre d’Aviation sans frontières (Asf) et avec l’aide de son président, une mission d’évacuation sanitaire au Sénégal. M. Guy Bardet fut l’élément précurseur de l’association pour évaluer la faisabilité et les différentes contraintes liées à cette mission». Il s’agissait essentiellement d’«apporter un dispositif supplémentaire aux multiples efforts consentis par le gouvernement dans sa politique de santé de proximité». A l’arrivée de l’avion, en 2002, il a été choisi de le pré-positionner à Tambacounda «position médiane pour toute évacuation à partir de toutes les régions du Sénégal vers Dakar». Des principes directeurs de travail sont définis : «l’avion étant sous la responsabilité et l’autorité du médecin-chef de Tambacounda, les autres médecins régionaux, infirmiers chef de poste ou encore sage-femmes étaient tenus de prendre l’attache du médecin-chef de Tamba ou le Dr Milogo, médecin chargé du tri, pour évaluer ensemble la nécessité et la justesse de l’évacuation». Ce n’est qu’une fois la décision prise qu’«un bulletin d’évacuation est établi qui seul permettait au pilote de décoller». Le malade étant accompagné lors du vol par un médecin ou un infirmier pour sa prise en charge. Asf opère avec un Cessna dont la première mission a été l’aide pour retrouver des femmes disparues dans le parc national de Niokolo Koba. Place ensuite aux missions d’évacuation proprement dites de malades, blessés, femmes enceintes, ou pour la mise en place de vaccins partout au Sénégal.
Seulement, au bout de quatre années de présence au Sénégal et d’une centaines d’évacuations, Asf arrête ses activités pour des raisons administratives….
C’est seulement après l’évaluation concluante de cette première mission d’Asf - d’ailleurs dans une lettre de félicitations adressée au président d’Asf, le ministère de la Femme, de la Famille et du Développement local dit son «entière satisfaction pour les actions menées pour assister les populations déshéritées - que l’association Secours aériens sans frontières est créé au Sénégal sous la présidence de Guy Bardet. François Bronchon, un mécène achète un avion médicalisé - le seul dans la sous-région car ayant tout le dispositif de prise en charge dans le cadre de la gestion des urgences - qu’il met à la disposition de Sasf au prix d’un euro symbolique à la seule condition qu’en fin de mission au Sénégal l’avion lui soit restitué. Donc l’avion ne réside que temporairement au Sénégal puisque tôt ou tard il devra être retourné au mécène qui l’a prêté pour sauver des vies dans le Sénégal des profondeurs.
Les autorités sénégalaises sont enthousiastes à accompagner l’initiative. Dans une correpondance référencée 0001/Sasf/S/Mae/rfp, du 10 décembre 2006, en réponse à un courrier de Sasf, le ministre de la Santé et de la Prévention médicale dit au président Guy Bardet : «c’est avec beaucoup de plaisir que j’apprends la constitution de votre association qui, j’en suis persuadé, vu les missions que vous avez déjà effectuées au Sénégal, va contribuer fortement à nos ambitions en matière d’évacuations sanitaires (…) Je puis vous assurer, monsieur le président, du soutien du ministère de la Santé et de la Prévention médicale à travers le partenariat vous liant à Assistance médicale Sénégal et vous souhaite plein succès dans les missions que vous aurez à effectuer dans le cadre de notre collaboration». La situation est ainsi campée : il s’agit bien d’une collaboration entre l’Ong Sasf et l’Etat du Sénégal qui lui accorde d’ailleurs beaucoup de facilités pour mener à bien sa mission. Plusieurs autorisations lui sont délivrées. Il y a un arrêté du ministère de l’Intérieur qui autorise l’association à «mener ses activités sur l’étendue du territoire national conformément à ses objectifs et dans le respect de la règlementation en vigueur en la matière». Des correspondances sont adressées par le ministère de la Santé à celui des Forces armées pour lui demander des avis notamment sur les questions sécuritaires dans le cadre du partenariat qu’il «veut nouer avec l’Ong secours aérien sans frontière».
Plusieurs avantages en termes d’exonérations lui sont faites. A la demande d’abord du Conseil régional de Tambacounda qui a signé un protocole d’accord avec Sasf, le ministère du Budget autorise une exonération de droits et taxes sur le carburant et l’huile destinés aux activités de l’avion médicalisé. L’Agence nationale de l’aviation civile du Sénégal (Anacs) délivre à l’association une «exonération de toutes les redevances aéroportuaires excepté celles de survol dont la facturation et le recouvrement sont du ressort de la Représentation de l’Asecna au Sénégal».
Les pilotes de l’avion sont des bénévoles et personne, à part les malades et le personnel médical d’accompagnement, n’est autorisé à voyager à son bord.
Malgré tout, un coup d’arrêt a été donné à cette chaine de solidarité avec la saisie de l’avion médicalisé, aux fins de recouvrement de droits de douane. Et seulement après quatre à cinq ans d’exercice de ses missions. Où est la logique dans tout ça ?
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