TGI/Talibé battu à mort à Joal : Le maître coranique risque deux ans dont 6 mois ferme
Mouhamadou Wahab Diop, le maître coranique qui avait battu, à Joal, un jeune talibé, a été jugé devant la barre du tribunal de grande instance de Mbour. Il est poursuivi pour coups et blessures ayant entraîné la mort de Babacar Gaye, un talibé âgé de 10 ans.
Accompagnés de leurs parents, douze condisciples de Babacar étaient aussi à la barre. Malgré leur jeune âge, ils se sont prêtés aux questions du tribunal. Des cicatrices des sévices subis sont visibles sur le corps de certains d'entre eux.
Le 25 juin...
Le maître coranique âgé de 23 ans, comme à son habitude, avait battu Babacar Gaye qui n'avait pas maîtrisé sa leçon du jour. Ayant reçu trop de coups, Babacar est tombé malade. Mouhamadou Wahab Diop informe le propriétaire du Daara de la situation. Habibou Gaye se rend sur place et constate que le talibé, qui n'est autre que le fils de son frère, était très mal-en-point. Il formule des prières pour Babacar.
Le lendemain, la maman de Babacar est allée visiter son fils. Elle informe son mari, qui ramène leur fils au centre de santé de Joal. L'enfant est par la suite évacué à l'hôpital de Grand-Mbour, mais le médecin ne sera pas d'un grand secours, car Babacar Gaye décède.
''Je le battais avec du fil. Un jour, il s'est plaint de maux de tête. Puis, quelques jours après, il ne pouvait plus se tenir debout. J'ai dit à ses camarades de lui faire prendre un bain'', explique le maître coranique.
Pour le juge, si le jeune talibé est passé de vie à trépas, c'est parce qu'il a été battu à plusieurs reprises et que son corps ne pouvait plus résister. En effet, Babacar ne pouvait plus se tenir sur ses pieds.
''Est-ce qu'apprendre le Coran vaut qu'un enfant soit battu de la sorte ?'', lui demande le juge. Le prévenu de rétorquer : ''Oui.'' Une réponse qui n'a pas manqué de heurter la cour. ''Enseigner le Coran à un enfant est difficile. Il faut user de moyens pour qu'il parvienne à maîtriser ces enseignements. Je l'ai frappé, mais je n'ai jamais souhaité lui donner la mort'', s'est défendu le maître coranique qui était auparavant vendeur de sachets d'eau.
Le propriétaire du Daara, Habibou Gaye, assure, pour sa part, qu'il avait confiance en Mouhamadou Wahab Diop, raison pour laquelle il lui a confié son école coranique. Il lui payait 350 000 F par an et payer en deux tranches l'année. D'ailleurs, il lui avait promis qu'il avait l'ambition de lui payer jusqu'à 500 000 F, si le souhait qu'il nourrissait pour le Daara s'accomplissait. Il affirme que les enfants ne lui ont jamais confié qu'ils étaient battus par leur maître coranique.
Pour le procureur, des enfants de 7 à 10 ans n'ont pas besoin de subir autant d'atrocités juste pour apprendre.
Il demande au juge le nombre de conventions ratifiées au Sénégal pour protéger les enfants. Et a requis deux ans dont six mois ferme avant de demander au président d'envoyer un message fort aux autres qui seraient tentés de maltraiter un enfant.
L'avocat du prévenu, Me Mouhamadou Fadel Fall, dit ne pas vouloir faire abstraction sur ce qui s'est passé. Néanmoins, il a prôné pour l'apaisement, surtout que les parents n'ont pas réclamé de dommages et intérêts.
''C'est une question très délicate. Le Sénégalais est soumis à un besoin de faire apprendre à son enfant le Coran. Mais aussi de le faire chouchouter'', a défendu l'avocat. Il n'a pas manqué de rappeler à la cour que lui-même, à un moment donné de sa vie, a voulu envoyer son fils assimiler le Coran.
Mais il assure que son client n'avait pas l'intention de donner la mort. Il invoque l'itinéraire tragique de Samba Diallo dans "l'Aventure ambiguë" de Cheikh Hamidou Kane, afin d'expliquer le contexte dans lequel l'enseignement coranique est dispensé.
''Sachons savoir pardonner. Ce garçon demande pardon. Il s'est amendé. Donnons-lui la possibilité de continuer sa mission qui est d'enseigner le Coran. Ce n'est pas le procès d'un grand délinquant'', défend Me Fall qui plaide pour une application bienveillante de la loi pénale. En demandant au tribunal de faire preuve de magnanimité.
Son client sera fixé sur son sort le 23 août prochain.
Auteur: Khady NDOYE Correspondante Mbour
Publié le: Mardi 16 Août 2022
Commentaires (0)
Participer à la Discussion