Ce 3 avril 2015, le président de la République, Macky Sall, va encore faire une adresse à la nation. Il va encore promettre des choses. Et pourtant, les promesses qu'il avait faites au lendemain de sa prise de pouvoir en 2012 tardent encore à se concrétiser : retour définitif de la paix en Casamance, réduction du chômage, emploi des jeunes, réduction du mandat présidentiel, couverture maladie universelle, baisse des denrées de premières nécessité…Après trois ans de pouvoir, que sont devenus ses engagements pris lors du traditionnel discours à la nation, veille de la fête de l’Indépendance. Retour sur ses messages économiques, politiques et sociaux du 3 avril 2012, le lendemain de sa prestation de serment.
Beaucoup de discours et très peu de réalisations. Les critiques adressées à Macky Sall au cours de ces trois années de magistère concernent principalement le reniement de bons nombres de ses promesses annoncées en grandes pompes aux premières heures de son accession au pouvoir : le 3 avril 2012. Si son grand engagement symbolique à savoir la réduction du mandat présidentiel, de sept à cinq ans renouvelable une seule fois, ne cesse de revenir dans la bouche de ses détracteurs, d’autres passées inaperçues ont été changées en cours de route ou tout bonnement renvoyées aux calendes grecques. Que reste-t-il aujourd’hui de ses grands principes généraux ?
1- «Je tiens plus justement à une plus juste réparation en faveur des mutilés de guerre et des blessés pour un relèvement conséquent du taux de base de la pension»
Trois ans après cette déclaration phare, l’Association des militaires invalides vit toujours des difficultés. Le 2 avril dernier, elle a battu le macadam pour prendre à témoin l’opinion publique sur leurs dures conditions d’existence. Selon le président de l’Association, Issa Guèye, la promesse du chef de l’Etat de les indemniser à hauteur de 10 millions FCFA en plus d’une maison, ne concerne qu’une cinquantaine des leurs. Dans l’édition du 31 mars 2015 du journal « Le Quotidien », ces anciens combattants et invalides de guerre ont étalé leurs maux : faiblesse de la pension, manquements dans la prise en charge sanitaire, absence d’insertion socio professionnelle pour les mutilés jeunes.
2- «Le 4 avril est, enfin, votre fête, vous, jeunes du Sénégal. Je connais l’ampleur de vos attentes en matière d’éducation, de formation professionnelle et d’emploi ; trois priorités essentielles qui occuperont en permanence l’agenda de mon Gouvernement»
Malgré les 5500 postes ouverts dans la Fonction publique, le chômage des jeunes demeure persistant. Les stratégies mis en place par le gouvernement tardent à prendre forme. Le sous emploi touche plus de la moitié de la jeunesse. «Deuk bi dafa Macky» (tendance pour décrier les difficiles conditions d’existence) est devenu un symbole de la désillusion de cette alternance.
3- «Le retour définitif de la paix dans la région naturelle de Casamance constitue pour moi l’une des premières priorités nationales»
Quelques jours après son accession au pouvoir, Macky Sall a accepté la main tendue d’un des principaux chefs de guerre, Salif Sadio, d’aller à la table des négociations, hors de l’Afrique sous médiation de la communauté Sant’ Egidio. Suite à cela, un autre grand chef, César Atoute Badiane afait part de son intention de prendre part aux discussions. Mais depuis, les lignes n’ont pas vraiment bougé. La Casamance est toujours en proie à ce vieux conflit de trente deux ans. Même si Macky Sall multiplie les opérations de charme pour faire de la Casamance l'un des greniers du pays avec la mise en circulation des bateau « Aguène » et Diabogne» et avec l'incitation des bailleurs à investir en Casamance, leur promettant des exonérations fiscales.
4- «Un nouveau départ pour une nouvelle ère de ruptures en profondeur dans la manière de gérer l’Etat au plan institutionnel et économique. Il est question de servir et non de se servir»
Difficile de faire le bilan sur une telle promesse. Pour beaucoup d’observateurs, le magistère de Macky Sall est aussi émaillé d’une gestion nébuleuse des affaires. Ses «hommes » sont accusés de reproduire les mêmes pratiques que celles du régime libéral. A tort ou à raison, on accuse les membres de sa famille de s’immiscer dans la gestion de l’Etat et de vouloir créer autour de lui la dynastie Sall-Faye-Thimbo. Marième Faye Sall trône à la tête de sa fondation «Servir le Sénégal» budgétivore. Le frère du Président, Alioune Sall, devenu entre temps, maire de Guédiawaye et président de l'Association des maires du Sénégal (Ams) est cité dans plusieurs affaire de gros sous dont l'affaire Pétrotim et la banque de Dakar en passe d'être installé au Sénégal. Le frère de Marième Faye, Mansour Faye est devenu maire de Saint-Louis après une élection controversée. Il s'est retrouvé ensuite avec une place dans le gouvernement. Depuis, il ne cesse de monter en grade. Abdoulaye Thimbo, un oncle du Président, hérite de la mairie de Pikine. D'autres membres de la famille Faye-Sall sont également aux affaires. Aussi, même s'il n'a cessé de chanter son slogan «la patrie avant le parti», la presque-totalité des directions de société, des directions de conseil d'administration et des ministères de souveraineté sont détenus par des membres de l'Alliance pour la république (Apr), le parti présidentiel, qui ne brillent pas par leurs compétences. Aussi, chaque voyage est un moyen pour le chef de l'Etat à distribuer des millions pour des «projets pour les femmes». Une manne financière qui, en réalité, ne sert qu'à entretenir une clientèle politique au niveau de la diaspora.
5- «Déjà, comme vous le savez, j’ai décidé de ramener à cinq ans le mandat de sept ans pour lequel je suis élu sous l’empire de l’actuelle constitution. Je tiens, également, à ce que les dispositions constitutionnelles limitant l’élection du Président de la République à un mandat de cinq ans, renouvelable une seule fois, soient verrouillées sans possibilité de modification»
C’était un des engagements fort de Macky Sall. Mais trois ans après, il tarde à prendre corps. La réduction de son mandat agite la classe politique. Certains de ses camarades de l’Alliance pour la République (Apr) exigent de lui qu’il aille au bout de son septennat, lui recommandant de faire du «wax waxèt». Pris au piège, le chef de l’Etat tarde à s'exécuter. Il a annoncé récemment pour 2016 la tenue d’un référendum pour statuer sur cette réduction.
6- «S’agissant des missions à l’étranger, le Premier Ministre veillera avec soin à leur opportunité, à la taille et à la durée de séjour des délégations»
Là encore, le président n’a fait qu’édicter de belles paroles. Car, s’il y a bien une chose qui est restée dans la mémoire des Sénégalais, le nombre impressionnant de personnes qui ont accompagné le chef d’Etat au groupe consultatif à Paris en 2014. Pas moins de dix milliards de francs CFA ont été dépensés pour le déplacement de cette forte délégation gouvernementale. Aussi, la «Pointe Sarène», l'avion de commandement ne désemplit jamais lorsque le président effectue ses déplacements à l'extérieur. Et ceux qui ont une fois voyagé avec le chef de l'Etat savent que plusieurs personnes embarquées dans ces voyages n'ont rien à y faire, si ce n'est faire du tourisme et profiter de l'argent du contribuable sénégalais dépensé pour sa prise en charge et ses perdiems.
7- «J’ai également donné des indications précises pour la rationalisation de notre carte diplomatique»
Au début, Macky Sall a voulu tenir parole en supprimant quelques représentations diplomatiques «inutiles». Mais quelques temps après, les Sénégalais ont assisté à certaines mesures impopulaires qu'il a décidées. C'est en effet, sous l’ère Macky Sall qu'une prime de 500 000 FCFA est accordée mensuellement aux épouses des diplomates. Aussi, les épouses des députés et mêmes ceux régis sous le régime polygamique ont eu droit à des passeports diplomatiques.
8- «Je compte restituer aux organes de vérification et de contrôle de l’Etat la plénitude de leurs attributions»
Là, le président a marqué des points. En dehors des corps de contrôle classiques comme l'Inspection générale d'Etat (Ige), il a mis en place l’Office nationale de lutte contre la fraude et la corruption (Ofnac) et a institué la déclaration de patrimoine pour toutes les personnalités gérant un budget d'un milliard. Le hic est que les personnalités concernées ne se précipitent pas pour faire leurs déclaration, poussant la présidente de cette institution, Nafi Ngom Keïta, à hausser le ton. D’ailleurs, beaucoup pensent que la structure serait sur le point d’être consommée surtout depuis qu’elle s’en est prise au frère du chef de l’Etat, Aliou Sall, qui doit s’expliquer sur ses actions à Pétro Tim.
9- « Il y a urgence dans le monde rural à prendre en charge les besoins en matière, d’infrastructures, d’accès à l’eau potable, à l’électricité et aux services sociaux de base»
Le président a essayé de concrétiser cela en instituant des conseils des ministres décentralisés. Seulement, les milliards annoncés lors des conseils des ministres décentralisés et les grands projets annoncés dans les régions sont pour l’instant que de vieux pieux. Aucune infrastructure ou projet n’est sorti de terre suite à ces conseils.
10 - « Je suis déterminé à revoir les conditions d’octroi des licences de pêche et à lutter fermement contre les navires pirates qui pillent nos ressources halieutiques»
Sur ce point, la méthode Macky Sall a été des plus décriée par les acteurs de la pêche. La signature des accords de pêche entre le gouvernement et l’Union européenne n’agrée pas les acteurs de la pêche. Le groupement des armateurs et industriels de la pêche au Sénégal (Gaipes) ont fustigé le caractère nébuleux et humiliant de ces accords de pêche. Contrairement à ce qui a été annoncé à l’époque par le ministre Ali Haïdar que le Sénégal recevait 10 milliards FCFA par an, le Gaipes a révélé en vérité que le pays ne recevait que la moitié de cet argent et pour cinq ans.
11 - « Il y a urgence aussi à agir en matière de santé publique. Notre plateau médical reste encore limité, les effectifs réduits et l’accès au service de santé hors de portée de la majorité des patients (…)»
Même si l’adoption du programme est à saluer, la couverture maladie universelle ou encore la gratuité de la césarienne n’est toujours pas effective dans certains centres de santé. Malgré les efforts consentis par le gouvernement avec la mise en place de mutuelles de santé, la dette chronique de l’Etat aux établissements sanitaires, évaluée à près de 4 milliards FCFA, est un des principaux freins à l’accès des populations aux soins gratuitement. Il reste énormément de choses à faire
12- «Il y a urgence à agir pour la prise en charge de la demande sociale, par la réduction des prix des denrées de première nécessité ; notamment le riz, le sucre et l’huile»
Le président avant débuté, en réduisant les denrées de première nécessité tel que le riz, l'huile, puis du gaz et du carburant. Il avait également réduit l'impôt sur le revenu des travailleurs et fait voter une loi pour la réduction du coût du loyer. Mais l'exécution de cette dernière mesure n'a pas été suivie et les prix du loyer continuent de grimper.
Aussi, à la vieille de la fête de l’Indépendance, on apprend une hausse des denrées de première nécessité. Aujourd’hui, le sac de riz de 50 Kg est passé de 13.500 à 15.000FCFA, soit 350 FCFA le Kg contre 300 FCFA. Alors que le kilogramme de riz non parfumé est passé à 270 FCFA. Le sac de pomme de terre est passé à 7500 FCFA et celui de l’oignon à 5000 FCFA. Le kilogramme de viande de bœuf et de mouton, respectivement à 2500 et 3000 FCFA risque de connaitre une hausse de 500 FCFA.
13- « Je mettrai également en place une Commission pluridisciplinaire qui me soumettra des recommandations précises dans le cadre de la mise en œuvre des conclusions des Assises nationales»
La commission a été mise en place et confié à Amadou Mokhtar Mbow assisté de quelques universitaires et penseurs. Une commission qui a fini son travail et qui a proposé un certain nombre de réformes, anticipant même avec un projet de nouvelle constitution. Mais plusieurs recommandations faites n'agrée pas le président de la République et son parti. Le document dors ainsi dans les tiroirs du palais depuis presque deux ans.
On est encore très loin de la rupture tant prônée par Macky Sall.
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