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(Chronique du Lundi) Au prochain, à la prochaine…

Auteur: Galass

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« Si tu ne peux pas voler, alors cours?; si tu ne peux pas courir, alors marche?; si tu ne peux pas marcher, alors rampe?; mais quoi que tu fasses, tu dois toujours avancer vers le progrès. » Belle philosophie de vie que cette proposition de Martin Luther King : leçon de bonne gouvernance pour tous ceux qui, à travers le monde, se mêlent de gouverner leurs semblables. Gouvernance idéale. Mais la gouvernance, c’est une affaire purement politique. Or en politique plus qu’ailleurs, aucun idéal n’est jamais formulé pour être atteint. Il s’agit plutôt d’une sorte d’utopie directrice dont l’unique fonction est de mobiliser les énergies et d’entretenir un espoir sans cesse différé. Au gré et à la faveur des échéances électorales. 

Qui plus est, dans la perspective de nos gouvernants, la voie de la démocratie n’est pas celle d’un progrès solidaire et intégral, à visage humain, à hauteur de citoyen. Au demeurant, l’injonction du pasteur américain est en permanence éprouvée par nos gouvernants, mais de façon méticuleusement séquencée, et à contre-courant. En effet, pour solliciter nos suffrages, comme ce sera bientôt le cas avec cet abus que l’on nomme referendum, ils commenceront par « ramper » dans la fange de nos misères de citoyens, sur lesquelles ils formuleront un discours sur le mode médical, thérapeutique jusqu’au messianisme. 

Nous parlant de nous-mêmes et d’eux-mêmes d’une manière si persuasive de condescendance et d’assurance, que nous finirons par perdre toute lucidité, oubliant même qui nous sommes à cause d’eux et qui ils sont grâce à nous. C’est depuis cette sphère improbable que Moustapha Fall Ché a osé cette sentence : « Il faut faire un travail scientifique (…). Nous avons un capital fort pour mener cette campagne et expliquer aux Sénégalais ce qu’il en est, pour qu’ils ne votent pas aveuglément. » De la sorte conquis et acquis à leur cause, ils nous feront croire et nous croirons, que ce référendum est l’imprescriptible Gesta de notre modernité démocratique. Dès lors, sous la guidance de ces pasteurs intermittents, le peuple sera transformé en bétail électoral vivant dans l’illusion d’une souveraineté aussi brièvement reconquise que l’éclair d’un bulletin de vote glissé dans une urne. 

Et qui en vérité, ne sert jamais qu’à légitimer un pouvoir dont nous sommes à la fois la caution légitime et le point d’appui qui, a contrario, en justifie tous les abus. Si bien que finalement, quelle qu’en soit l’issue, ce référendum sera comme les trois précédents, qui lui ont balisé le terrain de notre histoire politique : un pouvoir institutionnel par nature, mais que l’ivresse du pouvoir pousse constamment nos gouvernants à confondre avec la personne du Président, qui ne devrait l’incarner que de façon nécessairement transitoire. En effet, le Président Senghor n’a organisé son referendum en 1962 que pour se débarrasser de Mamadou Dia et exercer de façon solitaire tout le pouvoir. 

À sa suite, le Président Abdou Diouf a légalisé et légitimé par voie référendaire un pouvoir acquis et non conquis. Quant au Président Abdoulaye Wade, il a voulu nous ramener à l’ère des monarchies de droit divin. Dans cette logique anesthésiante, le Président Macky Sall est en train d’ancrer notre démocratie dans les séquences les moins démocratiques de son histoire. En définitive, la campagne du referendum, qui a déjà commencé, nous installera dans un temps hors du temps, où des discours purement abusifs chercheront à nous convaincre de la pertinence ou de l’impertinence d’une consultation dont la simple organisation est en elle-même un abus du peuple, une manipulation de la Constitution et de l’institution qu’est le président de notre République. Platon avait pourtant prévenu : « La perversion de la cité commence par la fraude des mots. » Élection ou Consultation?; Avis ou Décision?; Septennat ou Quinquennat?; Oui ou Non…, aucun de ces mots n’a aucun rapport avec nos maux véritables, nos préoccupations vitales. Le peuple pour sa part, comme toujours, fera son devoir : il écoutera ce qu’on lui dira, croira ce qu’on lui promettra. 

En attendant les prochains discours, les prochaines promesses, sa prochaine souveraineté : pour légitimer le prochain pouvoir. Car comme l’affirme Alain : « Il n’y a jamais d’autre difficulté dans le devoir que de le faire. » Mais après cette consultation, nos gouvernants retourneront à leurs affaires d’État. Si littéralement absorbés par leur pouvoir qu’ils en oublieront à la fois leurs devoirs et nos droits de citoyens face à ce pouvoir qu’ils n’auront acquis que grâce à l’accomplissement de notre devoir. Dans l’attente de la prochaine échéance, ils s’élèveront vers les régions éthérées du pouvoir, bien « loin de ces miasmes morbides » de nos préoccupations quotidiennes. Là-haut, « chez ces gens-là, on ne pense pas, on vit (…). » En effet, une fois qu’ils auront fini de « ramper » pour solliciter nos suffrages, en nous démontrant par A+ B l’urgente nécessité de leur confier notre destin, ils ne sauront plus « marcher » en notre compagnie pour enfin faire émerger ce pays, ni « courir » à notre rythme pour renforcer la démocratie, encore moins « voler » pour s’occuper de toutes ces urgences en attente de solutions urgentes et définitives. Bien loin de tout cela, en toute légitimité, ils seront en lévitation. Tout à leur pouvoir, qui dure et durcit… Jusqu’au prochain, jusqu’à la prochaine…

Galasse, fmdiallo1@yahoo.fr

Auteur: Galass
Publié le: Lundi 29 Février 2016

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