Chahutée au sein même de son camp politique de l’Alliance pour la République, voire parmi des responsables de la coalition Benno Bokk Yaakaar (BBY), majoritaire à l’Assemblée nationale, et fragilisée par des actes du président de la République, le Premier ministre Aminata Touré avait fait le dos rond. Souffrant son infortune de chef de gouvernement réduite – persifle la presse - à ne devoir que présider des « conseils interministériels », la voilà qui retrouve un peu de son allant de battante à la faveur de la Journée internationale dédiée à la femme.
« Le président de la République est la clé de voûte des institutions (...) C’est mon patron et dans le cadre du travail, nous entretenons des relations de patrons (…) C’est un faux débat que de parler de brouille entre nous », a déclaré Mimi Touré à l’émission Grand Jury de la RFM, diffusée ce dimanche. C’est au lendemain et en écho à la journée consacrée à la femme et rappelant aux hommes que la « sexe (dit) faible » peut valoir les meilleurs satisfaction à toutes les fonctions dignes, et mieux que certains du « sexe (dit) fort ». Le message au chef de l’Etat est de lui signifier son engagement à œuvrer à ne pas faire moins qu’Abdoulaye Wade en matière de politique du genre ; promouvoir et renforcer l’accès des femmes au plus hautes fonctions.
D’avoir été ministre, en avril 2012, dans le premier attelage gouvernemental du régime de Macky Sall, puis Premier ministre un peu plus d’un an plus tard, en septembre 2013 – donc de façon fulgurante – a-t-il donné des idées présidentielles à Aminata Touré en posant des actes de dauphin ? D’avoir fait montre de détermination, frisant le zèle jusqu’à la maladresse, parfois, de la lutte contre la traque des biens mal acquis, l’a-t-elle exposée à des malentendus à ce sujet avec le président de la République ? D’être, justement, une femme chef de gouvernement, qui ne s’en laisse pas compter, l’a-t-elle exposée à des inimitiés d’autant politiques qu’il lui est rappelé qu’elle a pris le train de l’APR en marche ?
En tout état de cause, le président Macky Sall, sans le dire, pose des actes comme pour l’a rappelé à la mesure de son boubou de PM ; que c’est lui le commandant de la pirogue Sénégal, et que tout mérite politique lui revient au premier chef. Et même s’il avance que son parti pris de conduire la délégation au Groupe consultatif de Paris en février s’expliquerait par son degré d’engagement sur le Plan Sénégal Emergent (PSE), le chef de l’Etat ne fera pas l’injure de récuser que les promesses obtenues, au-delà des espérances, de la part des bailleurs de fonds traditionnels constituent un « succès » politique pour lui-même. Se faisant, il a coupé l’herbe sur les pieds d’une moisson politique, même symbolique, qu’aurait pu en tirer son Premier ministre, à l’instar notamment de son prédécesseur au poste Idrissa Seck.
Un coup dur pour Aminata Touré, présentée comme un chef de gouvernement politique – à la différence de son prédécesseur « technocrate » Abdoul Mbaye - et qui peine à se trouver une base politique solide. Sa fragilité de contexte se mesurant à l’aune de l’adversité politique à laquelle elle fait face, dans son propre camp politique, à propos des prochaines élections locales. A Grand Yoff où elle se démène, Mimi Touré devra ferrailler avec l’actuel maire sortant de la ville de Dakar, Khalifa Sall qui y tient un bastion solide. Sa tentative, non déclarée, de s’implanter à Kaolack, sa région natale, est d’autant infructueuse, que c’est des alliés qui y ont pignon sur rue. Le parachutage politique passant de plus en plus de mode.
Que sa sortie calculée l’ait rassurée et rassuré ou non le chef de l’Etat, Aminata Touré devrait retenir que sous nos tropiques : il ne faut pas faire de l’ombre au chef et lorgner son fauteuil. Même quand on est une femme.
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