Moustapha Niasse le leader de l'Afp s'est ouvert à coeur joie à notre correspondant à Paris pour se prononcer sur l'actualité de l'heure au Sénégal. C'est ainsi qu'il a laissé entendre qu'il aspire plus que les postes de ministre ou de Premier ministre dont il ne veut plus entendre parler. Il a aussi répondu à Pape Samba Mboup qui l'avait accusé de chercher un poste de vice-président en disant que s'il l'avait voulu, il l'aurait obtenu. Il a aussi parlé des problèmes de la Cpa, de l'Afp, du Ps, de Idrissa Seck, etc. Entretien...
Vous venez de tenir une réunion de travail avec les représentants des différentes sections françaises de l'Afp. Pouvez-nous faire l'économie de cette rencontre ?
Je laisse à Thierno Lô la réponse par rapport à ses déclarations. C'est un garçon que je ne connaissais pas. Je ne l'ai reçu que lorsque Wade l'a envoyé auprès de moi plusieurs fois. Je ne l'avais jamais vu. Pourquoi irai-je choisir Thierno Lô que je ne connaissais pas alors que je connais plein de membres du cabinet de Wade ? Le Premier ministre de Wade est venu me rendre visite à la maison-Cela a été annoncé dans la presse- si je devais négocier, est-ce que je ne négocierais pas avec lui? Je connais Macky. Thierno Lô, je l'ai vu pour la première fois quand il a demandé à me voir, en passant par un de mes amis, Serigne Mbacké. Moi Moustapha, je l'ai dis depuis trois ans, je ne veux plus entendre le titre de ministre, fut-il le premier des ministres. Alors, il s'agit de voir si c'est à moi qu'il faut croire ou si c'est à Thierno Lô. Pour le restant de ma vie, je ne veux plus entendre le titre de ministre, je ne l'accepterai pas. Vous savez pourquoi ? Ce sont les jeunes de votre génération qui doivent occuper ces postes-là. Puisque moi, c'est quand j'avais votre âge que j'ai été ministre, parmi les premiers du gouvernement de Senghor, d'Abdou Diouf et enfin de Wade. Maintenant j'aspire à autre chose. C'est à vous que je dois laisser cela. Quelle a été donc la teneur de vos discussions avec Thierno Lô ?Wade m'envoie des émissaires et m'a envoyé Moustapha Diakhaté de And ak Wade en août 2005 et je suis allé rencontrer le président à sa demande. Nous sommes resté deux heures et demi. Je ne l'ai pas revu jusqu'au 8 novembre mais entre temps, il m'a envoyé plein de personnes. A chaque fois, je les recevais, et s'il m'en envoie encore, je les recevrais parce que je n'ai pas peur. Je dirai ce que je pense. Encore une fois, je n'ai jamais voulu retourner dans le gouvernement de Wade. Depuis cinq ans, il nous demande cela. Il y a des témoins quand même. Entre celui qui demande pendant cinq ans et celui qu'on accuse au bout de la sixième année, qui doit avoir raison? Mais si j'avais accepté d'entrer dans le gouvernement de Wade, il y aurait pas eu tout ce bruit-là. Thierno Lô n'aurait pas parlé. Vous savez, entre l'espérance déçue et l'amertume il y a une petite passerelle. Ce qui me préoccupe aujourd'hui, ce sont les jeunes sénégalais qui vont au fond de l'océan parce qu'ils n'ont plus de repères, plus d'espoir au Sénégal. Ils sont désespérés et préfèrent perdre la vie que de rester au Sénégal. C'est cela mon problème en tant que Sénégalais. Ce qui me préoccupe, ce sont les paysans qui ont récolté leur arachide. Le prix officiel du kilo est de 150 francs cfa. Eh bien, jeudi dernier, je me suis arrêté au "louma", c'était 105 francs cfa le kilo. Ce qui me préoccupe, c'est que des jeunes meurent dans les hôpitaux parce que la paupérisation des Sénégalais a atteint un niveau qu'on a jamais pu atteindre. Ce qui me préoccupe, ce sont les étudiants qui ont les diplômes et qui ne travaillent pas. Ce sont les Sénégalais qui vivent à l'étranger et que personne ne protège. S'ils sont protégés, c'est par eux-mêmes, leur sérieux et leur qualité. Mon problème, c'est la situation des finances publiques au Sénégal. Ce sont tous ces trous-là. Dakar est devenu une montagne de fromage de gruyère. Il y a des trous partout, vous ne savez pas où mettre le pied. Alors que le président Wade sait qu'il n'a pas le temps d'achever ses travaux. Récemment, Idrissa Seck a qualifié l'Afp de parti aux abois…J'ai toujours évité de juger les autres, parce que le juge des juges, c'est Dieu, "Haakimoul Haakimiin". Quand quelqu'un à la gale et qui passe son temps à se gratter- je ne parle ni d'Idrissa Seck ni d'un autre- il est loisible qu'il dise à quelqu'un qui n'a rien: "Toi tu as la gale", parce que ça le soulage. Si l'Afp est en perte de vitesse-je ne juge personne- on verra lors des prochaines élections. Je ne parlerai pas du parti d'Idrissa Seck parce que je respecte la personne humaine. C'est la raison pour laquelle je n'ai pas le temps de juger les autres. Nous marchons en avant, nous continuons. On ne regarde pas vers les autres. Pour revenir aux négociations, pouvez-vous nous confirmer que Bécaye Sèye était votre émissaire auprès de Pape Samba Mboup?Je n'étais pas au courant que Bécaye avait rencontré au cours d'une cérémonie familiale ce Monsieur parce que je n'étais pas au Sénégal. Mais si vous êtes membre de l'Afp, rien ne vous empêche de penser que telle chose est bonne pour le parti et que vous en preniez l'initiative. L'essentiel est que cela soit teinté de sincérité et de bonne foi. Vous savez que le poste de vice-président ne peut être créé que par l'Assemblée nationale, par le vote d'une loi législative qu'on appelle loi constitutionnelle qui une fois qu'elle est appliquée, modifie une disposition de la constitution pour créer un poste. Moi qui ai quitté l'Assemblée nationale le 30 juin, je ne reconnais aucune légitimité à cette assemblée à partir du 1er juillet. Soyons logiques ! Donc, un poste que cette assemblée va créer, je négocie pour qu'on me l' attribue, je m'assoie et j'attache ma ceinture comme dans un Boeing, est-ce que vous trouverez cela logique ? J'ai quitté volontairement l'Assemblée nationale parce que pour moi, le mandat des députés est fini depuis le 30 juin. Donc, un jour de plus serait un jour d'illégalité et d'illégitimité. Comment donc puis-je envoyer un émissaire pour demander un poste de vice-président? Vous savez, si je l'avais demandé je l'aurais eu (il répète trois fois). Mais j'aurais été un lâche, un idiot, un traître et un parjure. Je vous assure que si je l'avais demandé, je l'aurais eu (il répète deux fois). Et je le dis ici. Je l'aurais eu tout de suite. Pourquoi êtes-vous sûr que vous auriez eu ce poste?Mais c'est pour que vous sachiez que je ne l'ai pas demandé. C'est ça qui explique mon catégorisme. C'était juste pour savoir si le président Wade était disposé à vous avoir à ses côtés coûte que coûte… (Il coupe) Mais comment pourrais-je le savoir puisqu'on n'en a jamais parlé ?Et pourtant à la lumière des propos que vous aviez tenus face à la presse juste à votre sortie d'audience avec le président, les observateurs et l'opinion publique ont eu le sentiment que vous alliez entrer dans le gouvernement. Vous savez, quand Wade m'a écrit pour cette rencontre du 8 novembre, pendant une semaine, des articles de presse ont indiqué que Wade allait me proposer le poste de vice-président de la République et la présidence du Sénat. Je l'avais lu avant d'aller chez Wade. Or pendant quatre vingt dix minutes que nous sommes restés ensemble, Wade n'a jamais prononcé le mot vice-Président ou président de Sénat. On n'en a pas parlé . Et je l'ai dit à ma sortie d'audience. Donc, d'où venait les bruits qui faisaient écrire avant le 8 novembre ? D'ailleurs quand je suis sorti, la première question qu'on m'a posée est: est-ce que l'on vous a proposé le poste de vice-président ? Et je prends à témoin Wade, devant Dieu, si jamais pendant notre entretien, nous avons parlé de vice-Président ou de Sénat. Wade a proposé à l'Afp une alliance. Mais quand je suis sorti, je ne pouvais pas dire tout de suite devant la presse ce qu'il nous a proposé. Étant donné qu'on devait se réunir le lendemain, cela devait donc être réservé à l'Afp. Et quand nous avons rendu compte à l'Afp, ils ont dit non. Et nous avons transmis ensuite le message à Wade. Aujourd'hui, le Parti socialiste est en proie à une crise qui rappelle des antécédents que personne n'ignore. Quel regard portez-vous sur cette crise, en tant qu'ancien socialiste ?
Lorsqu'une étincelle tombe sur une toiture en paille du voisin, vaut mieux prendre de l'eau et aller l'aider à éteindre le feu plutôt que d'applaudir et de rire. Parce que la maison qui brûle à côté peut brûler votre maison parce qu'on ne peut pas arrêter les flammes. Je souhaite que le Parti socialiste, et je le dis en toute sincérité, puisse régler ces problèmes-là. Mais je ne ferai pas de commentaire. Je prie avec mon chapelet pour que ces problèmes au sein du Ps soient réglés dans l'intérêt du Sénégal et des Sénégalais. C'est très important. Pour que nos ennemis qui sont les ennemis du Sénégal, même s'ils sont Sénégalais, ne rient pas demain de voir un incendie se propager au sein de l'opposition. Cela dit, j'ai milité dans le Ps pendant quarante trois ans. Et je suis redevable à ce parti pour la formation qui m' y a été donné. Je remercie le Parti socialiste. J'y ai adhéré alors que j'avais dix-sept ans. Je ne ferai jamais le procès du Ps comme certains le souhaiteraient peut-être, parce que ce parti j'y ai vécu ma formation, mon adhésion à la philosophie de la liberté. J'ai appris à côté de Senghor et à côté de Abdou Diouf, ce qui est un État. Qu'un État ne se gère pas avec des mensonges, qu'un État ne fait pas des promesses qu'on ne réalise jamais, qu'un État ne se patrimonialise pas. Qu'un État, on le respecte en respectant le peuple qui constitue précisément la base de l'État et de la puissance publique. Cela je l'ai appris au Ps. J'ai quitté le Ps quand j'ai pensé que la direction qui lui a été donnée n'était pas bonne. Pourquoi? Parce que je suis un homme libre. Libre de mes mouvements, libre de ma pensée, libre de mes comportements et de mes attitudes que j'assume dans la plénitude de ma responsabilité en tant que Sénégalais. Ce pays-là, je l'aime hein. J'habite au Sénégal. Pourtant, j'ai les moyens d'aller habiter à Washington ou à New York ou bien ici à Paris. Mais je reste au Sénégal. Et je viens voir là mes amis qui travaillent tous les jours en étant à l'étranger et qui financent le développement du Sénégal. Est-ce que si vous souhaitez la paix et l'union au Ps, c'est parce que de celles-ci dépend la survie de la Cpa ?Ça va au-delà. Parce que, vous savez, le drame des Sénégalais c'est qu'on ne parle que des élections. Pourquoi ne parle-t-on pas de l'état dévastateur de la politique du Sénégal, du gouvernement actuel, en matière d'infrastructures. Si vous habitez tant soit peu à quarante km de Dakar, dès que vous dépassez Diamniadio, vous connaissez ce que c'est que les niveaux de détérioration des routes au Sénégal. Le chemin de fer est de 70 cm d'écartement alors qu'on devait passer à 143 pour respecter la norme internationale. Le port de Dakar est engorgé. C'est cela l'un des problèmes fondamentaux de développement du Sénégal. Pourquoi l'on ne parle que des élections, que des partis ? L'unité du Ps va au-delà des élections. C'est pour soutenir et consolider la démocratie dans notre pays. Et que demain, qui que cela puisse être, qu'on ait plus un président "Ninkinanka" (Ndrl: cahin caha). Et vous journalistes, vous pensez bien que c'est cela qui doit être fait. Parce que maintenant, si vous écrivez certains articles, vous risquez d'aller à la Dic. On vous va emprisonner même si on vous libère trois mois après. On vous dit: "Maintenant si vous recommencez, on va vous tuer". Il y a des gens qui menacent des citoyens de mort au Sénégal. C'est pour cela qu'on a élu Wade ? Je fais partie de ceux qui se sont battus à ses côtés. Je voulais le changement. Eh bien, le droit que j'avais de vouloir le changement en l'an 2000, c'est ce même droit que j'invoque pour avoir le changement en 2007. C'est dans la succession des droits de l'individu. Et je suis pour qu'il y ait du changement sans violence, sans qu'il y ait du sang versé, au nom du destin du Sénégal qui est un grand peuple, qui a droit à sa propre grandeur. Et les valeurs qui ont fait la grandeur du peuple sénégalais, plus que jamais, l'on ne les piétine aujourd'hui. En 2007, on les fera resurgir. Quel est le portrait robot du futur président de la République du Sénégal ?Il faut enlever le mot robot parce que le Sénégal n'a pas besoin d'un robot pour le diriger. Alors demandez-moi le portrait idéal d'un président pour le Sénégal demain. Il faut qu'il puisse être imbu de suffisamment de ce qu'on appelle "yermandé" (Ndrl: tolérance ou humanisme) vis-à-vis des Sénégalais. Et qu'il sache que le jour où il ne paiera plus d'électricité ni d'eau ni de téléphone ni de nourriture, ni de dépense quotidienne, c'est parce que l'Etat lui prendra tout cela en charge. Qu'il se rappelle que sur les onze millions de Sénégalais, qu'il est seul à en bénéficier. Et que s'agissant des autres, leurs femmes vont au marché, leurs enfants à l'école, leurs malades à l'hôpital. Et que les autres Sénégalais se nourrissent à la sueur de leur front. S'il a un avion présidentiel, qu'il n'en abuse pas, ça consomme beaucoup de carburant et ne rapporte pas suffisamment d'argent. Et que ce président-là sache que c'est lui qui est élu, et que ni sa femme ni ses enfants n'ont été élus par les Sénégalais. Qu'il sache que s'il a faim, qu'il remette de la sagesse dans sa tête pour ne pas manger ce qui revient aux Sénégalais. S'il n'a pas faim, qu'il prenne suffisamment de grandeur pour se dire: "Dieu m'a aidé moi, donc je dois aider tout le monde et je ne dois pas mentir au peuple". Le président idéal de demain c'est celui qui ne va pas couvrir le pays de trous. Et qui va croire que le pays c'est Dakar. Il n'entreprend pas des travaux qu'à Dakar, en oubliant Sédhiou, Oussouye, Bignona, Matam, Tambacounda, etc. Que le futur président se souvienne qu'il n'y a que le pouvoir de Dieu qui est éternel, et que son pouvoir ne durera que le temps que Dieu voudra qu'il dure. Mais surtout qu'il veille à ce que l'image du Sénégal soit respectée. Que le Sénégal soit cité en exemple et qu'il soit composé d'hommes et de femmes qui croient en Dieu qui pensent que leur destin est tracé par Dieu. Et que ce président soit capable de régler le problème de la Casamance. Au lieu de dire qu'en cent jours il va le régler, alors qu'il y a déjà trois à quatre mille jours qui sont passés et qu'il n'a rien fait. Et que ce président n'oublie jamais que quand il se lève pour annoncer un projet, qu'il doit ajouter le mot "inchallah" (Ndrl: S'il plaît à Dieu) parce qu'il n'est pas Dieu. Être président ne signifie pas qu'on passe au stade de la divinité, qu'on a un statut incréé qui se perd dans l'espace de la galaxie des astres et des étoiles. Que ce président de la République sache qu'un jour, son règne prendra fin
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