facebook du president Macky Sall
Dans leur formulation, les points objets du référendum peuvent susciter l’euphorie. À les analyser de près, la méfiance et la prudence s’imposent dès l’instant que la validation du texte, par vote populaire, en cas de victoire du oui, aura des incidences sur la vie de chaque citoyen sénégalais. Seneweb vous détaille, point après point les enjeux et implications, mais aussi les pièges que renferme le nouveau projet de texte du référendum à soumettre au peuple, le 20 mars prochain.
La modernisation du rôle des partis politiques dans le système démocratique
En attendant, d’y mettre un contenu, cette proposition formulée comme telle, s’avère vide de sens. Étant donné que la constitution du Sénégal a déjà traité cette question et cela depuis les indépendances. Aussi, depuis 1960, aucun pouvoir politique n’a été en mesure d’appliquer les lois sur les partis politiques : absence de comptabilité, financement occulte… Avant de moderniser, le bon sens voudrait d’abord que les régimes en place aient le courage d’appliquer les lois en vigueur. En France, Nicolas Sarkozy n’est-il pas poursuivi pour financement illégal de sa campagne de 2012 ? L’on devrait alors le courage d’exiger une comptabilité des partis politiques.
La participation des candidats indépendants à tous les types d’élections
À première vue, cette proposition suscite l’enthousiasme chez les personnes animées d’une ambition politique, mais qui ne se retrouvent pas dans le fonctionnement habituel ou traditionnel des partis politiques. Elle est intéressante, certes, mais peut également contribuer à la fragilisation des partis politiques traditionnels. À l’heure où tout le monde décrie la pléthore de formations politiques que compte le pays, voilà qu’on veut leur permettre de se présenter à des élections. L’idée n’est pas mauvaise en soi, elle est alléchante même ; mais il y a un risque de dérapage et d’absence de contrôle sur les candidatures indépendantes. On peut également redouter un émiettement accru voire une fragilisation des formations politiques.
La promotion de la gouvernance locale et du développement territorial par la création du Haut conseil des collectivités territoriales
Une manière de faire accepte, par l’opinion, le retour du Sénat supprimé au lendemain de l’accession au pouvoir de Macky Sall. Le Haut conseil des collectivités territoriales, n’en est pas moins un Sénat bis, une institution budgétivore dont l’utilité, reste discutable, à l’image du Conseil économique social et environnemental, destiné, tous à entretenir une clientèle politique dont on ne sait que faire. La suppression du Sénat, une demande sociale satisfaite par Macky Sall, son retour sous un nouvel habillage, sonne comme un retour à la case de départ, et s’avèrent être une trahison de l’esprit qui a aminé les mouvements populaires sous Wade, lesquels exigeaient la suppression pure et simple du Sénat.
La reconnaissance de nouveaux droits aux citoyens : droits à un environnement sain, sur leurs ressources naturelles et leur patrimoine foncier.
Un terme fourre-tout, car il s’agit ici de reconnaitre des droits qui ne l’étaient pas. Une vieille démocratie comme le Sénégal voudrait garantir de «nouveaux droits» à ses citoyens. Devant l’intense lobbying des organisations gays, homosexuelles, souvent sous le couvert d’organisations de défense des droits de l’homme, parler de «reconnaissance de nouveaux droits», dans l’entendement de nombre de Sénégalais, renvoie systématiquement à l’homosexualité que le président Macky Sall a chassée officiellement, par la grande porte, mais qui manœuvre fort pour revenir par la fenêtre. Il en est de même pour la légalisation de l’avortement médicalisé, et l’instauration de l’autorité parentale à travers le vote du nouveau Code de l’Enfant, que demandent avec insistance, des organisations internationales.
Droit à un environnement sain : encore une répétition.
Il faut rappeler que le droit à un environnement sain, existe dans déjà dans la constitution : http://www.gouv.sn/Titre-II-Des-libertes-publiques-et.html . Aussi, quand on parle de droits des citoyens, il est nécessaire de rappeler que le droit le plus important est le droit à la propriété. Or, la Crei (Cour de répression de l’enrichissement illicite) a gravement porté atteinte à ce droit ,en expropriant par exemple les sociétés de Bibo Bourgi sur la base de simple témoignage, alors que Bibo, présenté comme un prête-nom de Karim Wade, dispose d’actes notariés authentiques, établis par des notaires régulièrement établis au Sénégal et qui n’ont jamais été poursuivis pour faux ou usage de faux. Autrement dit, au Sénégal la Crei a établi une jurisprudence grave qui voudrait ce que les actes établis par un notaire, n’ont aucune valeur devant un témoignage, c'est-à-dire l’acte notarié ne pèse rien devant la parole. Il s’agit d’une grave atteinte au droit à la propriété, car en définitive, dans le contexte actuel, aucun citoyen ne dispose d’une sécurité suffisante pour la protection de ses biens : les actes qui prouvent sa propriété peuvent être remis en cause à tout à moment.
Statut de l’opposition et de son chef
Un non-sens d’autant plus que l’opposition a déjà un statut (déjà consacré par la constitution : http://www.gouv.sn/Titre-V-De-l-Opposition.html ) qui lui revient de fait, lequel s’impose le plus naturellement du monde. Le non-sens réside dans le fait, pour l’Etat, de reconnaître une personne, un leader politique comme chef d’une opposition qui pourrait ne pas se retrouver en cette personne. Le fait d’être reconnu par le pouvoir en place peut procurer certes (à la personne reconnue) des avantages sur le plan financier (indemnités, avantages d’ordre pécuniaire, etc.). Inutile de dire que les démocrates avertis se méfieront d’un chef de l’opposition qui tire une partie de ses financements, du pouvoir en place. Il y a lieu aussi de retenir que le statut de l’opposition existe déjà dans la constitution de 2001. Ces nouvelles retouches apportées au texte de constitution pourraient être assimilées à du remplissage pour habiller une constitution à refaire, certes, mais pas dans le sens des «réformettes» proposées par le président Macky Sall.
Les limites des candidatures indépendantes
On peut noter que cette disposition sur le statut de l’opposition est en contradiction avec la promotion des candidatures indépendantes. Le statut de l’opposition concerne les partis, mais on a rarement noté, pour ne pas dire jamais, au cours d’une élection, que les candidats indépendants viennent en 2e position et deviennent de fait les chefs de l’opposition comment faudrait-il trancher le débat ? La question reste ouverte.
Enfin, ce qui est à redouter, c’est de faire avaliser par les électeurs, une nouvelle constitution pratiquement vide de contenu, de surcroit impopulaire au regard de l’adhésion des Sénégalais qui sera différente de l’adhésion à la constitution de 2001, votée à plus de 90 %.
Proposer des réformes à la fin d’un mandat : un non-sens !
Il convient de s’arrêter un moment sur l’opportunité de ces réformes, le fait de vouloir imposer à l’opinion, un débat sur les quinze ou quatorze points de réformes, alors que le vrai débat devait porter sur le reniement du président de la République à propos de son mandat. Aujourd’hui, le pouvoir a quasiment réussi à amener les Sénégalais, les électeurs, à débattre de ces «réformettes» qui interviennent en fin de mandat, du jamais vu. L’objet du referendum est faussé d’autant plus qu’il ne porte plus sur le mandat comme annoncé à l’opinion précédemment. Or, dans la tradition démocratique, il est rare de voir un président de la République entamer des réformes à la fin d’un mandat. Les reformes sont entreprises souvent dans la première année d’arrivée au pouvoir, pour permettre au président nouvellement élu, d’asseoir sa politique qu’il aura définie auparavant, avant de solliciter les suffrages de ses compatriotes. Une interrogation logique s’impose : à quoi bon faire voter des réformes alors qu’on n’est pas sûr de rester au pouvoir pour pouvoir les mettre en place ? Pourquoi faire voter des réformes que le prochain chef de l’État va sans doute jeter à la corbeille, pour prendre ses distances d’avec son prédécesseur.
Contre-vérités entretenues par le pouvoir
Beaucoup d’encre et de salive ont coulé autour de l’avis du Conseil constitutionnel, un avis pour les uns, une décision pour les autres. On peut simplement noter, qu’à ce jour, le nouveau texte qui a adopté en conseil des ministres et qui sert de document de base, n’a pas été renvoyé au Conseil constitutionnel comme le veut l’orthodoxie républicaine. Ce qui s’avère être une faute technique notoire. Il faut rappeler que les «sages» avaient, dans un pli confidentiel, amendé le premier projet de texte proposé à la révision, alors que ce texte devrait préalablement être adopté en Conseil des ministres.
Les conclusions de la Cnri, le parent pauvre du texte de constitution
Après son revirement sur la réduction de son mandat, le chef de l’Etat n’est pas bien placé pour proposer des réformes. Surtout lorsque le cœur de ce que les Assises suggèrent comme réformes a été extrait du projet de texte. C’est le cas des conclusions de la Cnri sur la séparation réelle des pouvoirs (l’incompatibilité des fonctions de chef de l’État et de chef de parti).
Ce qu’il faut retenir
Enfin, l’autre piège du référendum, c’est le débat sur les réformes, une autre manière de diviser les Sénégalais en trois camps : le oui, le non et l’abstention. Mais les Sénégalais ne devraient pas perdre de vue que, quels que soient les résultats du référendum, l’adhésion au nouveau texte de constitution ne connaîtra pas le même succès que l’adhésion à la constitution de 2001, qui s’avère plus populaire, pour avoir recueilli plus de 90 % des suffrages. Un taux que l’on ne peut pas comparer avec les 30 % d’adhésion qu’espèrent les tenants du pouvoir qui, malgré leur assurance, n’écartent pas l’idée que le Non puisse émerger au soir du 20 mars. En attendant, bien relire les propositions du texte du référendum, avant de se décider pour le oui ou pour le non.
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