Route des Canaries : "La Gambie est une potentielle zone de départ" pour les migrants
Face aux renforcements des contrôles côtiers au Maroc, au Sénégal et en Mauritanie, de nombreux migrants prennent désormais la mer depuis la Gambie pour tenter de rallier les Canaries espagnoles. Un trajet en Atlantique hautement risqué de plus de 1600 km. "Il faut entre 4 et 7 jours de navigation si tout se passe bien", rappelle la chercheuse Delphine Perrin, spécialiste des politiques migratoires africaines. Entretien.
Le 16 septembre, une pirogue composée d'une centaine de migrants a été secourue au large des côtes dakaroises. L'embarcation était partie de Gambie cinq jours plus tôt. Elle avait pour destination les îles Canaries à plus de 1 600 km de là.
La veille, le 15 septembre, 235 personnes, entassées elles aussi sur une pirogue, avaient été secourues par les services espagnols. Leur bateau surchargé avait été repéré dans la matinée par la Garde civile à environ 20 km de La Restinga, sur l'île d'El Hierro, la plus petite de l'archipel des Canaries. Les exilés, originaires d'Afrique de l'Ouest, étaient en mer depuis 11 jours. Ils avaient quitté le port de Gunjur, dans le sud de la Gambie.
Le 29 août, au moins 69 corps avaient été repêchés après le naufrage d'une embarcation au large de la Mauritanie. Là encore, la pirogue était partie de Gambie.
Le petit pays ouest-africain, encastré dans le Sénégal, est-il en train de devenir un nouveau point de départ clandestin vers l'Union européenne ? Jusqu'à présent, les embarcations qui arrivaient à atteindre l'archipel espagnol via l'océan Atlantique partaient généralement du Maroc, de Mauritanie ou du Sénégal. InfoMigrants a interrogé Delphine Perrin, chargée de recherche à l’IRD (Institut de recherche pour le développement), membre du POMAF, un collectif de chercheurs spécialistes des politiques migratoires africaines.
InfoMigrants : Assiste-t-on à un déplacement des départs irréguliers depuis les plages gambiennes ?
Delphine Perrin : La Gambie est une zone de départ potentielle comme l’ensemble des pays côtiers de cet espace (Mauritanie, Sénégal, Guinée), sachant que les départs avaient déjà eu tendance à se déplacer – du Maroc vers la Mauritanie et vers le Sénégal. Depuis récemment, donc, on note une augmentation des départs de Gambie, mais aussi plus au Sud, de Guinée-Bissau et de Guinée.
Ces départs en revanche ne sont pas inédits. On pouvait observer une dynamique similaire dans les années 2006-2008 à l'époque où les contrôles côtiers s'étaient considérablement développés de la Libye à la Mauritanie en passant par le Maroc.
Ce récent déplacement est de nouveau dû au resserrement d’autres voies migratoires : celle du Maroc depuis un moment, et plus récemment celle de la Mauritanie et même du Sénégal du fait des contrôles accrus sur les côtes.
De plus, la Mauritanie a cette année intensifié la lutte contre la migration irrégulière, mais aussi réduit la tolérance de la présence des ressortissants des pays voisins, en accentuant les contrôles y compris pour l’entrée sur son territoire, et en expulsant des milliers de ressortissants ouest-africains vers le Sénégal et le Mali.
Plus de 30 000 migrants ont été interceptés sur le sol mauritanien entre janvier et avril 2025. En quatre mois, le pays a aussi démantelé 88 réseaux de passeurs. Nouakchott intensifie ses efforts pour combattre l'immigration irrégulière. La Mauritanie mène depuis le début de l’année une politique migratoire plus stricte. Conséquence, les arrestations se multiplient et un climat de peur s'est installé dans le pays.
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