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Le but du je

Auteur: Aliou Ndiaye

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Samedi soir, le stade Leopold Sédar Senghor avait quelque chose de martien. Dans  ce vaisseau spatial, j’ai vécu une fin d’après midi extraordinaire. Les gens des faubourgs et ceux des beaux quartiers, les autochtones et les étrangers, les riches et les pauvres, le peuple tout entier a communié autour du drapeau. Alien bazar faisait escale à Dakar. Par la magie du football, les cœurs et les esprits étaient  en  l’orbite géostationnaire. Demba Ba, l’astronaute de Londre, était passé par là. D’une frappe surpuissante, le Hammer envoyait le pays sur une autre planète, hors du système  colère. Oubliées les défaillances  de la rampe de lancement, c’était  Cap Canaveral après une opération réussie. Veston gris, casquette noire, mon voisin et frère  de stress avait, sous  cette couture, un physique de lutteur rébarbatif. En  fait,  ce n’était qu’un doux bélier. Dans le gris de la victoire, sa voix forte domina la clameur. Il se pencha à mon oreille pour une confidence ultra secrète : « C’est  le plus beau jour de ma vie ! »
Le match avait été  éprouvant mais révélateur. Dans  les rues, tout autour, une  foule bigarrée claironnait aux premières  heures de l’après midi.  La fête était verte, jeune et rouge. Car  c’est une coutume mondiale. Les enfants et les adolescents sont acceptés dans le grand fumoir circulaire. La nouvelle route de l’opium fut donc transformée en un grand boulevard engorgé. Les organisateurs  avaient promis une jam-session à guichets fermés. Ils ont  plus que tenu parole. Des détenteurs de ticket ont été littéralement floués. Ils se retrouvent dans les virages avec un ticket de la tribune couverte. Mais beaucoup avaient senti le coup venir. A vingt-quatre heures du match, une pénurie suspecte  avait été  déclarée. Comme personne ne voulait bouder son plaisir, les moins dociles se contentèrent de quelques propos aigres doux. On se bousculait pour accéder aux gradins. La position importait peu. L’essentiel, c’était d’y être. Ce n’était pas un simple jeu, il y avait aussi beaucoup d’enjeu. Un match d’Etat après une tentative de coup d’éclat. Même le tonitruant  Farba Senghor avait offert de sa propre poche 9 millions de F Cfa sans éveiller le moindre soupçon, ni une quelconque réprobation.  
Le premier ministre était envoyé au casse-pipe. Venu assister au match, Souleymane Ndéné Ndiaye a eu droit aux huées du public. Manifestement spontanée d’un y en a marre en vogue. Un jeune homme a aussi tenté de troubler le déroulement de la rencontre. Avec  une pancarte, il a  fait irruption sur la pelouse au nez et à la barbe des forces de  sécurité. Des  éléments de la Bip l’ont embarqué manu militari, sous les sifflets d’un public excédé par ce déchainement de violence. Renseignement pris, il s’agit d’un étudiant gambien  porteur d’un message de paix, de fraternité, et de concorde. Mais  tout cela allait devenir anecdotique. Les lions du Sénégal démarrent bien la rencontre. Mais la supériorité numérique camerounaise  au milieu de terrain finira par faire son effet. Des  errements défensifs offrirent aux lions indomptables  trois occasions de scorer. La défense du Sénégal  amenée par un Kader Mangane héroïque tenait bon. En attaque, Moussa Sow tentait de faire sauter le verrou.  Mais là aussi, Driss Carlos Kaméni, le grand  bandit, était de retour dans sa case. Au moment ou le match tirait à sa fin, les deux  entraineurs se livrèrent à un jeu d’échecs. Javier Clemente, le coach espagnol des Lions Indomptables, commit une faute d’appréciation. Au lieu de se contenter du nul, il cherche la victoire. Il dégarnit son milieu de terrain et fit entrer deux attaquants  supplémentaires, Vincent  Aboubakar et Eric Chipo Moting. Amara Traoré poussa un  nouveau pion. Issiar Dia avait un couloir pour lui et Demba Ba sa fraicheur et son sens  du but. Coaching  gagnant, victoire retentissante.  A la sortie du Stade, la fête se prolongeait jusque tard. Le  Sénégal venait de montrer à la face du monde  ses forces et ses faiblesses. Une jeunesse forte et pleine de d’énergie dans le désarroi d’une oisiveté cruelle. Des élites compétentes, bien formées et engagées comme Amara Traoré. Des politiques impopulaires usant de l’argent   et de quelques stratagèmes pour se maintenir au pouvoir. Délire collectif, expérience individuelle. Les uns ont essayé de tirer leur épingle du jeu. Les autres ont tenté de tirer les marrons du feu. C’était le but des Je.
Auteur: Aliou Ndiaye
Publié le: Lundi 28 Mars 2011

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