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«Sopi» des élites, «Yokute» du peuple

Auteur: Galass

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Victor Hugo l’avait dit à propos de la bataille de Waterloo : « Les chansons sont comme la guillotine ; elles coupent indifféremment, aujourd’hui cette tête-ci, demain cette autre. Ce n’est qu’une question de variante. » Vérité générale pour toutes les périodes d’incertitudes des peuples modernes, où les politiciens, au gré des enjeux du moment, chantent sur tous les tons : changent d’amis et d’ennemis, comme le jour succède à la nuit et la nuit au jour. Pour que vive le pouvoir, leur pouvoir sur la parole publique, c’est-à-dire sur la conscience populaire. Aujourd’hui dans notre pays, un véritable chant du cygne est entonné dans toutes les sphères du pouvoir, pour célébrer la liquidation programmée de ces hirondelles de notre printemps démocratique qu’auraient dû être Nafi Ngom Keïta et Ousmane Sonko.

Véritables figures de proue de la gouvernance sobre et vertueuse dont Macky Sall s’est fait le chantre officiel, c’est précisément pour cette raison qu’ils sont perçus et traités comme s’ils en étaient les obstacles dont il faut nécessairement se débarrasser. Or en vérité, ces deux citoyens de la République, hauts fonctionnaires de l’État, mériteraient bien une sanction, mais positive et exemplaire.

Ce, en raison du caractère cathartique de leur action sur tous ces vicieux qui ne chantent la vertu que pour couvrir leurs déviances par le vacarme de leurs vociférations. À moins que le Président Sall ne veuille tenir au peuple qui l’a élu, le même discours que Créon à Antigone sur la terrible réalité du pouvoir : « Ne m’écoute pas quand je ferai mon prochain discours devant la tombe d’Etéocle. Ce ne sera pas vrai. Rien n’est vrai que ce qu’on ne dit pas. » Au demeurant, inspecteur des Impôts et expert en fiscalité, Ousmane Sonko peut parfaitement être informé de choses ignorées du grand public.

Mais il l’a toujours proclamé : jamais n’ont été divulguées par lui des informations qui n’ont été publiées dans le site du ministère des Finances. Dès lors, citoyen de la République engagé en politique, n’a-t-il pas le droit d’émettre des jugements et des commentaires, nécessairement avisés, sur la manière dont nos ressources sont détournées de leur objectif naturel : la construction permanente du mieux-être des populations. Jusque-là, il n’a jamais parlé que de choses qu’il sait et que le peuple ignore, mais doit savoir.

Et dont la connaissance participerait d’une démocratie directe où les droits du peuple coïncideraient avec les devoirs des élus : la bonne gouvernance ne serait plus alors un slogan, mais une véritable praxis. En l’occurrence, si la politique n’est pas « l’art d’empêcher les citoyens de s’occuper de ce qui les regarde », qu’on nous dise donc quelle faute il a commise et, le cas échéant, qu’on lui applique la sanction qui s’impose : en toute transparence. Sinon, le devoir de réserve comme la raison d’État, ne seraient que deux abysses suffisamment profonds et obscurs pour ensevelir toutes sortes d’abus, que l’on pourra alors couvrir du manteau de la légalité et de la force publique.

Qui ne sauraient être ni plus fortes ni plus légitimes que la souveraineté du peuple et son droit à une information non tronquée ni manipulée sur la gestion des ressources dont il aura laborieusement contribué à l’acquisition. Quant à Nafi Ngom Keïta, aussi cavalière que celle de l’ex-président de la Crei, sa destitution pose un problème aussi simple qu’implacable : y a-t-il une utilité autre que politique dans les missions que tous nos gouvernants ont toujours confiées à tous ces organes comme l’Ofnac, l’Ige, la Cour des comptes, la Crei…, pour définitivement asseoir le culte de la bonne gouvernance et assurer l’émergence ? Aussi longtemps que cette question subsistera, la confusion sera entretenue entre l’État et le chef de l’État, ses humeurs, ses désirs. C’est pour cette raison que les interprétations contradictoires sur la validité juridique du remplacement de Mme Keïta à la tête de l’Ofnac font résonner ces propos de Jean Giraudoux : « (…) le droit est la plus puissante des écoles de l’imagination. Jamais poète n’a interprété la nature aussi librement qu’un juriste la réalité. » Pour fonder en droit et justifier tous les abus. Le peuple pour sa part, poursuit son chemin de croix vers le « Yokute », en attendant le vrai « Sopi ». Si bien que finalement, au rythme où vont les choses dans notre pays depuis l’an 2000, si l’on n’y prend garde, aucun « Yokute » ne sera possible pour le peuple sans un véritable « Sopi » de nos élites.

Auteur: Galass
Publié le: Lundi 01 Août 2016

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