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Du miracle chinois au défi sénégalais : facteurs de succès et adaptations nécessaires (par Moustapha TOURE)

Auteur: Senewebnews

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Du miracle chinois au défi sénégalais : facteurs de succès et adaptations nécessaires (par Moustapha TOURE)

En l'espace de quatre décennies, la Chine a connu l'une des transformations économiques les plus spectaculaires de l'histoire contemporaine. Elle est passée d'un pays marqué par la pauvreté rurale à un centre industriel mondial, produisant près de 30 % de la valeur ajoutée manufacturière mondiale. Ce que l'on appelle aujourd'hui le "miracle chinois" est le résultat d'une combinaison de politiques, d'investissements et de réformes profondément intégrées dans une vision à long terme.

Pour le Sénégal, qui ambitionne de devenir un hub industriel ouest-africain, cette expérience offre de nombreuses enseignements. Mais la transposition n'est pas automatique : chaque contexte présente ses spécificités économiques, institutionnelles, culturelles et démographiques.

1. Les ingrédients du miracle industriel chinois

L'industrialisation chinoise repose sur un ensemble cohérent de leviers, appliqués avec constance et pragmatisme.

1.1. Une vision stratégique à long terme

• La Chine s'est appuyée sur ses plans quinquennaux pour orienter l'ensemble de son appareil productif, avec des objectifs chiffrés et des moyens financiers dédiés.

• Cette planification ne s'est pas limitée à l'industrie : elle a intégré l'éducation, l'innovation, les infrastructures et l'ouverture commerciale.

1.2. Investissement massif dans les infrastructures

• Entre 1990 et 2015, la Chine a construit plus de 100 000 km d'autoroutes, modernisé ses ports et déployé le plus grand réseau ferroviaire à grande vitesse du monde.

• Les zones industrielles sont directement connectées aux réseaux de transport et aux sources d'énergie, réduisant drastiquement les coûts logistiques.

1.3. Zones Économiques Spéciales (ZES)

• La création de ZES, comme à Shenzhen, a permis d'attirer les investissements directs étrangers grâce à des exonérations fiscales, des procédures administratives simplifiées et une liberté accrue pour expérimenter de nouvelles politiques.

• Les ZES ont servi de vitrines du «< nouveau modèle chinois >> et ont diffusé leurs bonnes pratiques vers le reste du pays.

1.4. Mobilisation et formation de la main-d'œuvre

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Une main-d'œuvre abondante, au départ peu qualifiée, a été rapidement formée via des programmes techniques et professionnels adaptés aux besoins des industries.

• L'État a également investi dans les universités et centres de recherche pour accompagner la montée en gamme technologique.

1.5. Ouverture contrôlée au commerce international

• La Chine a d'abord protégé ses industries naissantes, puis les a progressivement exposées à la concurrence mondiale.

• L'intégration à l'OMC en 2001 a accéléré son insertion dans les chaînes de valeur globales, tout en gardant un contrôle stratégique sur certains secteurs clés.

2. Les réalités sénégalaises: atouts et contraintes

Atouts

• Position géographique stratégique : porte d'entrée vers l'Afrique de l'Ouest, à seulement 6 heures de vol de l'Europe et connecté par voie maritime aux Amériques et à l'Asie.

• Stabilité politique : un environnement relativement prévisible pour les investisseurs par rapport à d'autres pays de la région.

• Potentiel agricole, halieutique et minier: ressources exploitables pour l'industrialisation (arachide, or, phosphate, zircon).

• Infrastructure industrielle émergente: pôles comme Diamniadio et Sandiara, projets portuaires (Ndayane) et expansion du réseau autoroutier.

Contraintes

• Infrastructures insuffisantes: coûts logistiques élevés et réseau ferroviaire limité.

• Capital humain restreint : déficit en compétences techniques et managériales.

• Dépendance aux importations: manque d'industries intermédiaires produisant les intrants nécessaires à la production manufacturière.

• Marché intérieur limité: obligation d'orienter l'industrialisation vers l'exportation.

3. Adapter les leviers chinois au contexte sénégalais

La transposition intégrale du modèle chinois n'est ni possible ni souhaitable. Il s'agit plutôt de sélectionner et d'adapter les éléments pertinents.

3.1. Planification sectorielle ciblée

• Identifier 3 à 4 filières prioritaires à fort potentiel exportateur (agro-industrie, textile- habillement, énergies renouvelables, matériaux de construction).

• Fixer des objectifs chiffrés en termes d'emplois, de parts de marché à l'export et de contenu local.

3.2. ZES orientées vers l'export et la transformation locale

• Insérer des clauses de transfert de technologie et de formation obligatoire dans les contrats d'installation.

• Éviter la simple création d'enclaves industrielles déconnectées de l'économie

nationale.

3.3. Formation duale et partenariats

• S'inspirer du modèle allemand de formation en alternance, en partenariat avec les entreprises installées dans les ZES.

• Développer des filières techniques courtes et spécialisées pour répondre rapidement aux besoins du marché.

3.4. Infrastructures stratégiques

• Prioriser la logistique portuaire et ferroviaire, ainsi que l'accès à une énergie fiable et abordable.

• Investir dans les infrastructures numériques pour faciliter l'industrie 4.0.

4. Un partenariat sino-sénégalais à renforcer

La Chine est déjà l'un des principaux partenaires économiques du Sénégal, avec des projets financés dans le cadre de l'Initiative de la Ceinture et de la Route (Belt and Road Initiative). Pour que ce partenariat contribue réellement à l'industrialisation durable, il faudrait :

• Développer des projets conjoints de R&D dans les technologies adaptées au contexte africain.

• Créer des incubateurs industriels sino-sénégalais pour favoriser l'émergence de PME locales compétitives.

• Mettre en place des accords bilatéraux de transfert de savoir-faire, assortis d'objectifs clairs en matière de formation.

Conclusion

Le miracle chinois repose sur une combinaison de vision stratégique, d'investissements massifs, de gestion pragmatique et de montée progressive dans la chaîne de valeur. Pour le Sénégal, l'enjeu est d'en tirer les principes fondamentaux tout en les ajustant à ses réalités : un marché intérieur restreint, une main-d'œuvre en formation, et un environnement institutionnel différent.

L'adaptation intelligente de ces leviers, combinée à une vision à long terme, pourrait permettre au Sénégal de tracer son propre chemin vers un succès industriel durable.

Article rédigé par Moustapha TOURE, économiste du développement formé en Chine/professeur d'anglais au lycée de Ngaparou.

Auteur: Senewebnews
Publié le: Jeudi 27 Novembre 2025

Commentaires (5)

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    Affreux jojo il y a 6 heures

    La différence c est que les chinois sont travailleurs et que les sénégalais préfèrent boire le thé au milieu des poubelles
    C est simple

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    Histoire il y a 6 heures

    la Chine a dominé le monde depuis le neolithique à nos jours hors-mis les 200 ans où l'occident à dominé. La Chine a 5000 ans d'histoire écrite. Elle a dans son actif, les routes de la soie, boulier, poudre à canon et autres inventions majeures qui ont fait avancer l'Humanité. Aujourd'hui les découvertes brevet scientifiques chinois dépasse les autres pays reunis et de loin. La domination occi n'était qu'une parenthèse qui est maintenant fermée. La "Nature" reprend ses droits. Le bon économique des Pays Asiatique n'est pas un hasard mais juste le retour normal des choses. Ils ont le bagage culturel, intellectuel et civilisationnel pour cela.
    Par contre il y a des contrées dans ce monde même si on leur donne tout le savoir actuel et tout l'or du monde, il vont tout gaspiller et reculer au lieu d'avancer; jusqu'à remonter dans leurs arbres de "danguine avc"
    Le prophète (psl) déjà à son époque disait "Cherchez le Savoir même s'il faut aller jusqu'en Chine".

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    Anna il y a 5 heures

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    Jaja il y a 4 heures

    Très bon article ! Il explique clairement ce que le Sénégal peut apprendre du “miracle chinois” sans tomber dans la comparaison naïve.
    On a des atouts, mais il faudra une vision long terme, des infrastructures solides et une vraie stratégie de formation pour réussir notre industrialisation.
    J'espère que ça impactera au Sommet de l'Etat

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    Assane Sall il y a 1 heure

    Excellente contribution qui pourrait effectivement inspiré le Sénégal pour une grande emergence.

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